Il y avait presque vingt ans, quand, la dernière fois, j’ai pu entendre gazouiler… brailler des nouveaux-nés. Voici que l’année 2008 s’achevait avec un bien mignon poupon au fond de mes bras et, je réussissais à l’endormir malgré le bruitage fou de la fête. Oh le beau soir, m’sier Beckett ! La présence tout dernièrement de trois petits enfants me changeait, transformait la maison, amenait dans nos coeurs une joie solide. Une vie comme inédite, prolongation de la famiglia, du clan Jasmin-Boucher, petite tribu qui fait du « 13 à table »
Candeur, naïveté ?, On se dit ces bébés témoigneront. Inconsciente « poursuite » de l’agrandissement des branches de l’arbre. Assurance contre quoi, nos morts prévus ! Natalités : promesse de faire durer nos noms ! Bonne « visite » dans ma crèche noëllesque. J’ai rajeuni, juré,craché, et sans les trois rois mages, sans cette étoile « guidante », GPS biblique ! Deux petits garçons ( à Claude et à Pierre-Luc) qui ne parlent pas encore et une mignonne fillette. « Tu as quatre ans maintenant, Florence ? » Elle haussait la voix, scandalisée : « Non ! Non ! J’ai trois ans. Et demi ». Amusant ce besoin d’exactitude, de « précision précise » chez des gamines et gamins. Et je retrouvais la franchise des enfants; parfois à la frontière de l’effronterie! J’avais un peu oublié car il y a presque dix ans déjà que bibi-le-papi ne fait plus jouer des enfants comme je l’ai narré dans mon récit « Des branches de jasmin ». Ainsi quand Raymonde, ma belle amphytrionne, annonce : « À table ! Le souper est prêt », Florence Boucher, trois ans ET DEMI !, lance :
« Il était temps, je commençais à avoir faim ! » On a ri. À table, après la tourtière et la bûche suave de notre École Hotellière, pour l’intriguer, au moment où « tante Colette » offre de son fudge home made, je m’emparai du pot et courus le cacher dans le vaisselier en disant : « Ça, pour moi ! » Florence -trois ans ET DEMI- se hausse sur sa chaise comme coq attaqué, s’écrie, visage tourné vers ce vieillard égotiste : « Voyons! Partage ! Partage ! » On a ri encore.
Que de rires sous cape quand, pour rigoler, je fis le « pépé mélangé », entonnant des : « P’tite môman Noël, quand tu te sauveras de l’enfer… » Florence, sévère, véhémente même, me coupait : « Non, mais non, c’est « Pe/tit/pa/pa/No/ël… » Chaque fois que je me remet à mélanger les paroles elle me re-coupe chaque fois. MAIS, elle reprend toute la chanson à son commencement. À trois ans, ET DEMI, aurait-elle la mémoire qui flanche ? Puis, sous le sapin aux jeux lumineux séquentiels (oh progrès!), Florence me regardera attentivement dessiner son chameau made in Kaboul, cadeau en peluche du papa-Claude, un récent « promu major » qui va patrouiler trop souvent à notre goût en Afghanistan! Ce sera « son » dessin: un immense soleil aux rayons géants. Si je dis : « Tu me le donnes ?, c’est ton cadeau » , elle accepte avec un brin de regret dans ses yeux.
Il se fait tard, départ pour l’Outaouais. Florence me promet une lettre avec un autre dessin. Elle me pique un timbre, je lui donne mon adresse. Son premier correspondant ? En tout bien tout honneur car j’ai 78 ans ET DEMI, presque ! Elle affirmera pour l’édification de tous : « Vous savez que j’ai vendu Québec, et j’ai acheté à Gatineau ! » Ils sont du côté d’Aylmer mais elle m’a promis qu’elle n’ira pas jouer « jamais de la vie » au Casino du Lac Lemay. À Aylmer le lac est bien plus grand, plus beau. Je le sais car ma Raymonde y vécut, y a connu des premiers émois amoureux à 14 ans ! Florence ? « On vient d’arriver, là ! » Outaouais, région chanceuse de l’avoir ! Je me tais. Chantons :
« Ce n’est qu’un au-revoir … Oui, nous nous reverrons… »