Je regarde par ma fenêtre de bureau tous ces promeneurs autour du lac. Les chanceux. Je n’ose plus. Trop froid et mes pauvres os. Comment affronter un climat pareil. Nos murs craquent —bien vielle maison, cent ans a moins— « clous pétants », dit monsieur Taillon, mon poucheur en journaux.
Aujourd’hui, c’est donc « non, pas de sortie ». Ce ciel si bleu clair, ce lumineux dimanche, tant de lumière sur mon lac tout blanc. Avec ce « 30 sous le zéro », décider de rester enfermé, bien au chaud, cette antique peur de geler tout rond.
Voir ensuite, aux actualités télévisées, plein de monde qui s’amusent dans le grand parc de l’île Sainte Hélène et encore plein de joyeux fêtards qui patinent aux « ronds » du Vieux Port ! Puis, mon quinquagénaire de fils, à Val David, qui rentre de ski : « Formidable p’pa, pas loin, on a un site vraiment pas cher, une patente familiale sans doute, c’était parfait ! »
Tudieu, c’est ça vieillir ? Appréhender un genre de froid qui s’insinuerait à travers du linge pourtant adéquat. C’est exactement ça :oui, la peur ! Soudain, zest de courge, envie de prendre mon courage à deux mains, comme dit la cocasse expression, de me jeter dehors, aller marcher sur le grand anneau —bien tapé— déambuler librement sous ce soleil fumigène qui semble de minces vapeurs de froidure, horizon comme filandreux.J’y vais ? J’hésite et un appel soudain au salon : « Vite, viens vite voir ça, les critiques qui se critiquent, c’est excitant, c’est « Six dans la cité » de Perrin la séductrice » .
J’y descends. Le chaud salon. Et puis le lac s’est éteint faute de Galarneau. Le soir…tombe ou se lève ? ou bien se répand ? quel mot monsieur l’amateur de mots, « s’étale », plutôt, … de tout son long. Zut ! Soyons simple : C’est le soir. Bien. Les luminaires de la rue Morin se sont allumés. Suis certain qu’il n’y a plus un chat sur le lac. Quoique. Puis le souper. (En France, ils dînent!) on a bien mangé, on a bu du bon vin du Maroc. On consulte l’horaire de la télé, comme tout le monde, avec petits gâteaux aux doigts. Le Serge, de l’École Hôtelière m’avait vendu de l’agneau bien saignant, merci Serge de Saint Donat. Rien de bon à la télé… alors finir un bouquin sur…la mort ! Cadeau du fils amateur de philo. Oh!, faut envisager sa fin et la mort ne me fait pas peur, j’ai eu une bonne vie. Tenir encore un journal intime, je l’ai fait et tous ces tomes —de privautés dévoilées— se trouvent à la biblio Claude-Henri Grignon. Là, où on trouve les anciens numéros du Journal des Pays d’en Haut. Allez-y fureter, des surprises s’y cachent Ici, un besoin de vous dire que la vie quotidienne, en fin de compte, est la même pour tous. Sortir donc ? La compagne : « Ah non, j’ai plus de souffle et j’ai mal partout ! » Mensonge ? Des excuses ? ET moi : « Ah non, il y a ma jambe droite à coxarthrose. » Va-t-en donc dimanche arctique !
Lundi matin. Persiennes ouvertes, je vois sur le lac un skieur de fond qui y va aux toasts ! Fini le gel dominical, un lundi doux avec neige qui tombe si lentement. Ce matin, j’ai pu ouvrir la fenêtre de la chambre. J’irai au Calumet en vitesse. Je lirai vite les manchettes, je viderai la cafetière puis, dehors, deux galeries à vider de cette neige. Et la santé à conserver.