« Si notre terre s’affadit, il y aura Miron »
Par Claude Jasmin
Texte présenté sous pseudonyme au concours SIDAC Plateau Mont-Royal
Lauréat, été 1997,
TU ES PARTI, le poète? où vas-tu aller? Gaston Miron, où?
Ne nous quitte pas , ne va pas trop loin Gaston Miron.
Tu n’avais pas fini ta besogne, poète, reste parmi nous
J’entends encore ta voix de mâche-fer, Gaston Miron le poète
Au dessus de la ville, on voit encore tes marques, tes signaux
TU N’ES PAS PARTI, le poète, pas vraiment, je t’entends encore
Tes rires à pleine gorge, tes imprécations, ta poésie raide
Reste un peu, reste à veiller Gaston Miron
Ne me quitte pas, le poète, veille sur moi, veille sur nous tous
Hante la ville, épie nos campagnes, Gaston le poète
Toi, le grand rôdeur de nos angoisses
Reste un peu parmi nous, encore un peu, juste un peu ai.
TU ES PARTI trop vite, trop jeune, tu me manques Gaston Miron
Sois le bon fantôme de nos nuits, la lumière dans nos vies
Ta parole nous hante, tes mots nous cernent encore, le poète
Mon grand disparu trop tôt, fais moi signe Miron
Miron, ta trace est partout, dans mon cœur, sur nos visages
TU N ‘ ES PAS VRAIMENT PARTI, je me souviendrai de toi
Ta frustre silhouette dans nos rues et nos squares
Mon beau bonhomme de âge, mon monument d’humanité
Gaston Miron, tu restes mon image lumineuse, mon beau souvenir
Regarde, Gaston, nous restons debout dans ton pays magané
Regarde, nous lisons ta parole survoltée, ton langage d’amour
Baptèche, Miron. tu n’es pas mort le poète le bel original
C’EST VRAI, TU ES PARTI mais je tiens ton héritage de mots
Je tiens ton regard sombre, tes cris, tes saluts, tout ton visage
Tu es présent dans nos tourments, dans nos espérances
Ton âme rôde à n’en plus finir dans notre paysage amer
Ton courage, Miron, ta musique, Miron, tout nous est laissé!
TU ES PARTI, le poète, j’ouvre ton baluchon, il y a la vie
Ton esprit plane au dessus de tout, ses grognements, ses soupirs
Ton harmonica ne rouillera jamais, flèche d’or dans nos veillées
Ta chanson d’amitié et d’amour, Gaston, je l’entends toujours
Ta complainte m’enveloppe, Gaston, me tiraille, me trouble
TU N’ES PAS PARTI, le poète, on nous a menti au cimetière
Sainte-Agathe dort mais toi , Gaston, tu es ma vigie
Tu es mon phare de poésie, tu es la mer et le fleuve d’ici
Tu es un bateau ivre de mots, un vaisseau d’or luisant
Tu restes parmi nous, tes pauvres tricots desserrés
Tu mords encore dans tes phrases de toute beauté
TU ES VRAIMENT PARTI avec ton gros dos, tes larmes sucrées
La bouche ridée, les dents serrées, les mots ouverts
Miron, je revois tes mains en ailes battantes
J’entends toujours ton rire, tes éclats, Gaston Miron
Nous écoutons tes pas dans un jardin de dentelles de frimas
TU AS FAIT SEMBLANT DE T ‘ EN ALLER, tu écris, debout, face aux vents
Pas un matin, pas un soir ne vient sans que je te vois
Les jambes écartées, la bouche ouverte, le cœur ouvert
Reste un peu encore, la nuit nous fait peur, Gaston
Reste avec nous encore un peu, répète ton hymne aux rapaillés
Redis-nous ta confiance, poivre-nous de paroles d’argent
NE PARS PAS, ne pars jamais, je te serai fidèle Miron, je t’aime
J’ouvrirai ton livre comme l’abbé un bréviaire sur sa galerie
Je te lirai encore demain et dans l’éternité
Le Saint-Laurent se sauve sans cesse, Miron, reste avec nous
Les Laurentides verdissent et puis s’enneigent, toi, reste ici
Gaston Miron, décembre ’96, m’a fait mal
T’EN VA PAS, le poète, ne nous oublie pas, l’enfirouapé
Je t’entends gueuler dans la tourmente Gaston Miron
Nous t’écoutons toujours, tu ris, tu pleures, tu fais l’ange
Tu te déguises, troubadour gercé au Carré Saint-Louis
Tu fais le clown et tu fais le sage, tu résistes et tu cognes
T’EN VA PAS, Gaston Miron, le temps de la poésie s’incruste
Donne nous la main dans le noir et gigue encore
Tes sourires sont une si belle folie dans nos poudreries
Gaston Miron, il y a des oriflammes rouges sur ta poésie
Il y a du vent, des processions, il y a ton toupet au vent
Voici du point dans ta mort, voici des bras et des plumes
Tu nous as ensemencés avec tes libertés, tes sonorités
TU T’EN ES ALLÉ pour regarder mieux tes horizons du pays québécois
Je le sais, Gaston ,je le sais, arpenteur de nos âmes
Tu es sorti du monde et tu entres dans l’univers du souvenir
Nous apprendrons longtemps tes itinéraires de beau saltimbanque
Nous marcherons dans tes plantations de mots sacrés
TU PEUX T’EN ALLER, c’est un mirage, l’illusion de la mort
Tu es vivant en Gaspésie et en Abitibi, tu bouges un peu partout
Tu restes le gigoteur, le flambeur, le bruyant marcheur
Tes semelles de neige, ton pas de boue, tes allures de grand vent
Tout nous rappelle tes grands coups de gueule dans le pays
VA-T-EN, Gaston Miron, vas-y, vase d’argile, glaise cuite, poème
Va où tu veux, ne te retourne même pas, nous te suivons
Partout, nous écrirons ton nom, dans tous les cahiers de l’espoirs
Va, le poète, l’éternité n’est rien, l’amour est tout
Et tu nous aimais, tu nous a aimés, faibles, médusés, inquiets
VA, VA, VA Gaston Miron, tu es libre désormais, tu as tout gagné!
Notre souvenir, nos haleines, nos sueurs, notre amour total.
Fin
Transcrit par Laurent Barrière