jan 082010
 

On le voyait à la télé, la dernière fois, Bruno Roy avait pas l’air de bonne humeur, son ami Gilles Carle venait de trépasser. Je souligne cela car, à chaque rencontre, mon Bruno montrait un heureux visage de bon vivant et, sans cesse, cette sorte d’optimisme que l’on voit bien accroché à ceux qui font, comme on dit, « une belle vie ».
Mon président d’union (UNEQ) m’a toujours semblé content de son sort, lui, le condamné duplessiste, il avait pu faire mentir les calculateurs sordides de subventions fédérales. Un évêque, un cardinal (bien Léger !) un chef de parti au pouvoir (Maurice-le-Bleu) avec des salauds, oui, oui, des médecins complices, osèrent déclarer des enfants « sans famille » comme des enfants « fous » ! En vue de ramasser plus de fric public qu’avec des enfants normaux. Donc sa belle humeur naturelle au Bruno Roy. J’avais saisi l’affaire, le poète, le parolier, le romancier, revenu de très loin, ayant failli rester collé dans des archives dégueulasses, comprenait qu’il avait eu une formidable chance. Que son destin était béni par des dieux inconnus, sans doute pas très catholiques. Pourtant, solidaire, il milita pour ses compagnons malchanceux, une légion de floués, troupe de malheureux, comme lui, classés « déments ».
Une religieuse l’avait épargné, la sublimation maternaliste (dic) de cette célibataire ensoutanée le sauva. Il fut épargné. Hasard. Ses talents firent le reste. Roy venait de publier sur « les bonnes chansons », rien à voir avec l’album de cet abbé Gadbois, enrichi puis fondateur de la radio-CJMS. Bruno venait de pondre une nouvelle chanson pour la « rousse » de Carle, Chloée. Bruno vivait en paix et, bang !, la fêlure, la chute. La mort. Pourtant Bruno Roy avait bien mérité de vivre longtemps. La dernière fois qu’on se rencontra c’était à la sortie des funérailles du patriote Bourgault, on avait pleuré ensemble. Puis, signal du Pierre farceur ?, la barrière d’un parking proche de la Basilique Notre Dame, se bloqua net. Mon Bruno, faraud, souleva cette jaune clôture, la tint au dessus de sa tête et me cria : « Vas-y, vite, passe mon vieux ! » Je lui dis : « Vas-y à ton tour, passe. Passe au paradis des vaillants orphelins. »

  2 Réponses to “Mort d’un orphelin”

  1. Il est malheureux de perdre une plume magnifique et de plus,
    le combat des orphelins de notre cher Monsieur Duplessis.
    Honneur à cet homme, à son courage!

    André, épervier

  2. Pourquoi les meilleurs partent-ils en premier ?

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