Le rire de Jésus
15 février 2009 |
Extrait de mon dernier roman : « Le rire de Jésus », paru chez Marcel Broquet, éditeur. C.J.
SUR UN CERTAIN SIMON
Écoutez-moi bien : lui, Simon, c’était un bon gars, tout simple, tenez, voyez-le comme le voisin idéal quoi. Un gars tranquille, qui se mêle de ses affaires, un jeune bon père de famille. Un travailleur sans grande instruction, travaillant et apprécié de son patron, Aran, un riche exportateur de fruits en gros. Cet après-midi là, il arrivait du sud, toujours à pied, chemin d’Hébron et il marchait, sa routine quotidienne, vers le nord, chez lui, Chemin de Jaffa.
Alors imaginez son malaise ce vendredi-là, quand il débouche sur une large rue encombrée de charrettes, pleine de gens agités. Des clameurs, des cris de rage ! Les embouteillages du vendredi, c’est fréquent à cette Pointe des Jardins, un carrefour très fréquenté chaque après-midi, aujourd’hui cependant… Y aurait-il eu un grave accident, se demande-t-il ? L’atmosphère n’est pas habituelle, on y sent de la colère, des gestes de… De vengeance ? Pourquoi ? Oui, pourquoi donc ?, se demande l’ouvrier modèle.
Il aperçoit maintenant un jeune homme qui tombe et retombe sur les pavés. De quoi, de qui se compose au juste cette petite foule d’excités ? Des manifestants anti-impérialistes encore, se dit Simon. Voilà qu’un officier de gendarmerie lui fait de vigoureux signes. À lui ? Oui. Des signaux de s’approcher : « Eille là ! Oui, oui, toi, le musclé, viens un peu par ici ! » Simon a envie de se sauver mais il respecte l’autorité des gendarmes, il va vers l’homme en uniforme. « Regarde bien, ça va mal, tu le vois hein ? ? » Il voit bien qui titube, trébuche ce type amaigri, qu’on lui a posé une ridicule couronne faite de ronces épineuses, qu’il y a du sang qui coule sur son visage et qu’il doit traîner au milieu de la rue une sorte de potence de bois. « Tu vas l’aider, bien compris ? Vas-y et vite ! » C’est qu’il y a fête ce soir et les gendarmes sont pressés. Pas de sympathie pour le condamné et à ce lent train-là ils n’en finiront plus…
C’est encore pas mal loin ce Lieu dit « du Crâne ». Alors, ce gaillard musclé pourra faire accélérer les choses. Simon en reste stupéfait. Il sait pas s’il doit accepter ou protester. Il regarde partout de lui, il déteste devenir un pont de mire. Pourquoi lui ? A-t-on su en haut lieu qu’il a un fils embrigadé dans un réseau de résistance à l’Empire. Un fils imprudent, patriote, rebelle et qu’il condamne lui, l’ouvrier tranquille, paisible. Simon s’approche du gringalet en sueurs et en sang. Il voit qu’un policier porte un écriteau où on a badigeonné « Voici le Roi des Juifs ». Simon remarque aussi que ce bizarre couronné, qu’on tourmente, lui jette un long regard, comme s’il le reconnaissait. Simon sait bien qu’il lui est un inconnu, que cet homme ne l’a jamais vu. Il ne sait même pas de quoi on l’accuse, est-il un de ces chefs dissidents ? Peut-être un insoumis à qui obéit son jeune fils révolté.
Simon ne sait rien, ne sait pas trop pourquoi aussi mais, soulevant ces poutres, il se sent atteint de compassion, se sent immergé dans une pitié infinie. Alors, comme malgré lui, très fort, d’un seul mouvement, Simon a soulevé et tiré de toutes ses forces sur cet assemblage de mort. Il s’est fait un certain bref silence à ce coin de rue rempli de badauds vociférants. Ils se remettent en marche, ensemble, ils avancent. Plus de coups de fouet ! Que des cris, des rires, des moqueries. Rares encouragements.
Ce Simon dit de Cyrène, sera en retard à la maison, lui qui ne l’est jamais. Sa femme sera très inquiète. Le reconnaîtra-t-on à l’avenir, lui, ouvrier tranquille, se mettant à l’ouvrage chaque jour aux premières lueurs. Au milieu de l’après-midi, on lui donne son congé et il prend vers le Chemin d’Hébron. Sa routine, il pique à travers Jérusalem… et il a fallu ce vendredi maudit qu’il tombe sur ce bizarre couronné, épuisé, qui n’en pouvait plus de porter sa lourde croix. Qu’il tombe sur cet officier lui trouvant de bons muscles. Coups de fouet des agents, cris furibonds des gradés, sarcasmes des badauds. Cet homme, à genoux, ne se relevait plus. Maintenant, Simon a la fâcheuse impression d’être couronné d’épines et objet d’insultes, des crachats l’atteignent.
Dès qu’arrivés au pied du lieu dit Du Crâne, il s’en ira et vite, il racontera à sa femme la raison de son retard. Que lui dire au juste sur ce condamné inconnu? Il ne sait pas. Il y songe en tirant sur cette maudite potence.
« Le Rire de Jésus » est publié aux éditions Marcel Broquet, ISBN 978-2-923715-04-9
Le Jésus de Jasmin | Critique de Louis Cornelier du Devoir
Entrevue avec Isabelle Maréchal au FM 98,5 partie 1
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Entrevue avec Isabelle Maréchal partie 2
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« L’évangile de Claude Jasmin » | Jade Bérubé dans la Presse
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