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Sujets 'Souvenirs'

Il vient de passer l’arme…à droite. Il était, oui, de droite. Pas extrémiste, juste conservateur, résistant à certains progrès et se méfiant de tant de modes olé olé. Pauvre Roger Drolet. Paix à ses cendres. Je l’aimais bien. C’est des camarades de CJMS (j’y microphonais un temps 1990-1995) qui me firent connaître. C’était un bizarre. [...]

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LE MOIS DES NOIRS

On ne voyait aucun Noir dans ma jeunesse. Pas un seul. Nous disions, sans aucune discrimination, « nègre » dans mon jeune temps. Non, pas un seul Noir en vue jadis. Les quartiers populaires du nord de la ville étaient constitués de « Canadiens français catholiques. Il y avait « le » Chinois. Un seul par paroisse ! Celui qui tenait buanderie dans son échoppe modeste, humble boutique, avec grillage de protection (mais contre quoi donc ?), peint de couleur marron aux lettres d’annonce en blanc. On en avait peur. On avait peur de tous les « étranges ».

Dans Villeray, on trouvait aussi un petit ghetto de « blokes », les Irlandais de la paroisse pauvre Holly Family. Une église inachevée au coin de Faillon. Devenu un temps un éphémère hôpital chinois ! Eh bien, j’ai fini un jour par côtoyer quelque peu des « nègres », je le redis, comme on les nommait tous en ce temps de la guerre de 1939-1945.

II m’est arrivé qu’ayant un oncle employé par le —on disait le Ci Pi Ar— CPR comme cantinier. Il vivait sa vie debout, en titubant un peu, à bord des trains Montréal Québec, Québec Montréal. Merveille pour le collégien, il accepta de m’employer le week-end comme aide un bon jour. J’ai donc porté le grand plateau-panier —on disait un cabaret— en bandoulière et j’ai circulé dans les wagons en annonçant : « Cigarette, tabac, liqueurs sandwiches, chocolat, pinotte ! » Et bis et re-bis, du wagon de tête au wagon de queue, là, où un jour, je vis le cheuf Maurice Duplessis entouré de sa garde et buvant son éternel jus d’orange —depuis qu’il avait quitté les affreux fossés de l’éthylisme !

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Mon titre est aussi celui d’un film que je n’oublierai jamais tant il m’avait ému. Il raconte l’existence précaire d’un pauvre regrattier —guenillou— vue par son petit-fils, rue Saint Urbain à Montréal. Ce « Lies my father told me », louez-le, voyez-le sur le web, est signé, Ted Allen. Comme à chaque fin d’hiver j’ai terminé —un rituel— mon roman annuel. Je m’étais plongé en enfer, chez Belzébuth, Lucifer et Satan. En fin d’été paraîtra donc « Papamadi », mon titre de travail où je raconte les frayeurs enfantines causées par les récits de mon papa. Père très pieux et prenant plaisir à me raconter le mode des voyantes, des stigmatisées et autres mystiques ! Frissons !

De nos jours, les jeunes aiment toujours avoir peur. Dans mon temps aussi. Mais pas trop ! J’aimais ses récits de démonologie candide, ce monde tourmenté, pas loin de Sainte Adèle, à Chertsey. Ou à Pointe Claire quand un grand chien noir attaquait à la porte de l’église ! J’en dormais mal souvent… mon Dieu, un ami dit : « C’est à lui, drôle de père, que tu dois cette vocation d’écrivain ? » Ah bon !

Rédigeant cette ténébreuse part de mes souvenirs, j’ai pris un plaisir fou. Faire revivre par exemple Melle Curotte, ici, dans le nord ou cette madame Brault aux rives du Lac Saint-Louis. Que de pieuses âmes violemment possédées du démon ! Ni ce saint « Frère André » —sa chapelle hantée par Lucifer,— ni Thérèse Neumann —saignante à flots les vendredis—, ni Catherine Emmerich —décrivant la Passion en langue Araméenne— n’avait de secrets pour le gamin que j’étais.

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Vient un temps dans une vie où l’on se dit : « j’ai donné ». Manquer de force avec l’âge ! Et alors c’est la fin des grands repas du Jour de l’An. Ne plus avoir l’énergie de réunir un clan, une tribu, toute une famiglia. Incapacité de monter une table à 20 couverts, ou même à 14 belles assiettes ! Ça y est, cette année plus personne dans notre salle à manger adèloise pour inaugurer l’an nouveau. Hélas ! J’en suis triste.

Pourtant il n’y avait que deux rejetons. Mais cela grandit vite. Une bru, un gendre et puis, vite, les enfants sont venus. Ensuite, ces petits-enfants grandissent et il y a l’amoureuse, l’amoureux. L’arbre s’ouvre. On en est fier et heureux. Viennent donc les enfants de vos enfants, ces chers petits-enfants grandis qui s’amènent, sont des jeunes gens avec « une blonde », un « chum » ! Mais… c’est pas long qu’il vous faut bien plus qu’une douzaine de chaises. Qu’il faut « coller » deux tables, prévoir une autre…au cas où. C’est fini. Fin de la bien grosse volaille, des pâtés viandeux, du très grand volume de canneberges, de la bûche pâtissière hénaurme, des beignes à la tonne, enfin des fioles de rouge en quantité, de la bonne bière en escalade !

Bref, il vient un temps du… « j’ai donné ». À tour des autres alors. Jacques Brel chante « Les vieux… », ils espèrent désormais être invités chez un des descendants !

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CRÈCHE DE NOËL

Québécois, le christianisme fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. Enrageant pour qui ? Pour quelques militants « intégristes », irréligieux fanatiques. Bof, la caravane des croyants, comme celle des ex-croyants sensibles, se moquera de ces chiens hurleurs, non ? Catholiques québécois, sans honte niaise, résistons, levons-nous pour défendre notre héritage chrétien. Il y a bien plus laid, plus honteux, ailleurs dans le monde. Pour seul exemple, imaginez la douleur d’être descendants d’Allemands nazis, ou de Français collaborateurs volontiers du nazisme. Pas vrai ?

Comme tant des nôtres, je ne fréquente plus nos églises. Dans mon cas depuis un demi-siècle, ça empêche pas d’assumer notre passé religieux et même d’y conserver une nostalgie de bon aloi. On peut, sans adhérer à un dogme —à une gnose catho « romaine »—, d’apprécier des signes visibles de cet héritage. Ainsi, la crèche. J’y suis sensible à cette belle image d’un enfant-messie né dans une étable de Bethléem. Des savants chercheurs nous apprennent qu’il y a là une pure légende, comme un conte de fée. Ça se peut bien.

Une part de mythologie meuble toutes les religions, du prince indou, Bouddha, au cavalier militariste sanguinaire, le Jésus de l’Islam, Mahomet. L’être humain restera toujours sensible aux créations des grands poètes. Il m’arrive, ô Goethe, de croire à son diable Méphistophélès ( dans Faust !) et à son diabolique pacte signé de sang. Fou hein ?

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C’état une nuit du temps des Fêtes et, sans cesse, une neige folle tombait sur la forêt. Je ne savais plus où j’étais. J’avais suivi une pleine lune éclairant (mal) un mince sentier. Côté nord-ouest, derrière Sainte-Adèle-en-haut. Inquiétude grave et, soudain, l’espoir : une lueur ! Un abri ruiné ! Subitement, devant moi, un homme en combinaison-Penmann-95 ! Le Bill Wabo à Séraphin ?

Une lampe à l’huile éclairait sa masure. Cheveux gris hirsutes, ce hobo me souriait avec ses dents cassés. Un regard de fouine, un Ovila des Caleb, sa virile beauté, un Roy Dupuis et de bien bonne humeur : « Quoi quoi ? Écartés ? Vous êtes pardus ? » Il riait et nous invita à entrer, moi et mon compagnon. J’en revenais pas, la bouche ouverte, en plein bois, un être humain si isolé ! Marcel, mon compagnon d’escapade nocturne, le saucier pour le chef Liorel au Chantecler, venait de Marseile et, inquiet, ravi aussi, enfin « la cabane au Canada ». On entra en nous secouant de toute cette neige. Le gaillard musclé nous offrit de son « p’tit blanc ». Alcool à 90%. Un peu de vin rouge dedans. Il sortit d’une armoire bancale deux gobelets d’étain. « Joyeux Noël, mes pardus écartés ! » Il riait : « Comment ça se fait-t-y donc que ça arrive qu’on s’écarte de mâme, bout de viarge ! » Buvait à grandes lampées. On le questionna : « Où sommes-nous ? Comment retrouver l’hôtel ? Par quel sentier, de quel côté nous orienter ? » Pas de réponse claire et il sortit d’une sac de l’armée usé, sa large harmonia, « mon ruine-babines » ! « Je m’en vas vous zigoner un cantique de mon répartoire, sacré baptème ! » Tapant du pied, fougueux, il exécuta une sorte de gigue païenne. Nous étions comme plongés dans « l’ancien temps ». Marcel-le-Marseillais buvait en grimaçant, parla d’une musique semblable venue de son enfance dans une campagne savoyarde. Moi, je jonglais à des joyeux tableaux du célèbre Krieghoff sur les calendrier de la Molson au dessus de la glacière rue Saint-Denis.

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Nous étions, rue Saint Denis, de très jeunes enfants et nous ne savions rien du « nord », des Laurentides. On croyait que c’était très… très… loin, proche du pays des rennes, du Père Noël ! Peu à peu on a mieux su. Car maman invitait à la maison, rares occasions, sa grande sœur, Pauline qui vivait par là, dans l’nord ! À Saint Donat. Sorte d‘exilée à nos yeux candides. Vivre là-haut, si haut, où il devait faire si froid ! Avec son mari, l’oncle Paul (Thibault), « matantepaulne » voyait à la bonne marche de leur hôtel « Le Montagnard ».

Quelle joie lorsqu’on la voyait arriver. Nous savions qu’elle apportait un peu de gibier, des pièces de viande « bin spéciales », disant c’est de la part de certains clients chasseurs. Parfois elle disait : « cadeaux des « Abénakis ». Cela donnait davantage de crédibilité à nos croyances : elle habitait « audiablevauvert ! »

Et puis, joie !, elle avait toujours de nouvelles photos (en noir et blanc dans ces années 1930). Nous nous exclamions : « Matante quoi ça ? » Tante Pauline souriait heureuse d’étonner ces enfants-de-ville. « Ça mes chéris, c’est une snowmobile », là-haut où on ne dégage pas les chemins enneigés, c’est essentiel, par exemple, pour aller chercher nos clients à la gare. Ça roule, mes enfants, en grande, tempêtes ou non. On a des congères (elle disait bancs de neige) de dix parfois vingt pieds de haut ! Rien ne peut arrêter une snowmobile, voyez les grosses chenilles de métal sous le carrosse géant. » On contemplait longuement cet engin de tôle noire luisante, très épatés. Cette sorte de minibus, inconnue de nous, impressionnait

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Soudain, maman était derrière moi. Vêtue de son linge ancien, comme quand j’étais petit, manteau sombre, foulard noir, gants des dimanches. Je ne sais pas trop ce que j’étais venu chercher, ici, dans cette petite chambre de la « Résidence Saint-Georges », rue Labelle au sud de Sainte-Caherine, Là où maman fut longtemps hospitalisée et où elle est morte en novembre 1987, des papiers oubliés ?, des objets perdus ? J’avais sursauté. Elle me dit : « C’est pas vrai, mon Édouard, ton cher père, il est pas là. Je l’ai cherché partout. Viens voir, si tu me crois pas mon p’tit gars. Je le trouve pas nulle part, m’aurais-tu menti ? » J’étais mal à l’aise. Je ne savais plus quoi dire, honteux, je lui tournais le dos, je regardais par la fenêtre, en bas dans la rue Saint-Hubert.

Vrai. J’vais menti peut-être. Elle souffrait tant vers la fin, portant souvent sur son visage un masque à oxygène, toute immobilisée, les yeux révulsés que j’avais dit : « Tu peux t’en aller maman maintenant, tu peux partir, tu en as assez fait durant toute ta vie et papa t’attend là-haut, vous allez vous retrouver, esprits libres, réunis pour l’éternité. » De là ce méchant rêve dans la nuit de dimanche dernier et les reproches de ma mère.

Au matin, j’ai imaginé écrire une pièce de théâtre ou un scénario de cinéma. Imaginer un grand vieux garçon de 80 ans qui donne la main comme un écolier à son archi-vieille maman morte. Qui la suit docilement dans une cité inconnue, dans des dédales infinis, dans un ciel aux nuages roses et jaunes, se baladant dans des édifices mous (ô Gaudi !), au travers des nuées en formes de ruelles à grottes, de venelles à cavernes et aussi de boulevards fous, entortillés comme des échangeurs Turcot. Tant vouloir, maman et moi, retrouver le père mort ? Ah ! Je crois savoir d’où me venait tout cela. Un coup de fil de mon éditeur la veille de ce rêve: « Votre livre vient d’arriver de l’imprimerie. Il est bien beau, venez chercher vos copies d’auteur. » C’est ça. Une peur. Ce portrait que je fais de mon père dans « Papamadi », je crains la charge, l’injustice, la cruauté même. Crainte d’avoir trop exagéré ce papa passionné par les démons, les mystiques, ses chères reliques sous forme de momies, Sainte Catherine Labouré, Sainte Thérèse d’Avila, exposées dans des cercueils de verre encore aujourd’hui. Et ses stigmatisées aux plaies saignantes, la tourmentée de Pointe-Claire, Madame Brault, le « saint » frère André bataillant la nuit dans sa chapelle avec le diable sur le mont Royal, cette demoiselle Emma Curotte pas loin d’ici à Chertsey.

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Gens des Laurentides, nous sommes si attachants que même le froid, merde, s’attache à nous. « Aimez-moi moins », disait une réplique molièresque. N’empêche, ça y est, le printemps est là, et voici le congé pascal si bienvenu, comme tout congé. Agréable ponctuation dans le morne écoulement des journées ouvrables. À moins que des accommodements racistes effacent même nos dimanche de Pâques ! Je sais que vont apparaître tous ces trous creusés dans les pelouses de nos jardins, ouvrage de mulots ? Chaque printemps c’est le retour de cette entreprise de tunnels. Parlant tunnel, j’ai vu le film de Burton, « Alice… », en son pays merveilleux avec sa grande fille tombée dans un vaste tunnel. Récit un peu assommant à effets truqués (Avatar bis !) où seul le chapelier a un rôle consistant; Johnny Dep y fait florès.

Les jeunesses actuelles, jeudi, n’auront pas à « faire-les-sept-églises ». Un rituel catho de jadis pour le jeudi-Saint, pour évoquer les 7 plaies du Christ à veille de revenir de sa bizarre visite.« Est descendu aux enfers », dit le « Je crois en Dieu ». Dans un village, s’agissait-il d’entrer et de sortir 7 fois de l’église ? En ville, c’est pas les églises qui manquaient. Le grand auteur Mark Twain, en visite à Montréal, écrit : « Il y a tant d’églises dans cette ville que si vous lancez une pierre, vous êtes certain de casser un vitrail ! » N’empêche, naguère, c’était congé, le doux printemps revenu et pouvoir marcher en souliers sur le macadam enfin nu. C’était de « se mettre propre » et d’étrenner parfois une pièce de linge, d’aller « faire ses 7 églises ». Un moyen aussi de fleureter. Avec, pour sa joie à lui, l’élue choisie ou, pour elle, le bel adonis. Sur un des sept porches, arrêt, cœur qui bat, l’échange de son « portrait ». Une des 4 poses (pour 25 cents !), de la machine photomaton. Bonheur « trop » humain, n’en déplaise à ce Jésus qui, dimanche, sortait de la mort.

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Un matin, réveil, il est déjà neuf heures ! Paresse, rester étendu. Ouvrir un œil et puis les deux : sur le mur, dans mon rideau de fenêtre, ça bouge.Dehors, du vent dans les branches des cèdres ? Ça bouge beau ! Cinéma libre et gratuit. Les plus beaux jeux d’ombres et de lumières sont souvent donnés ! Savoir voir. Imiter Renoir. Jeux de lignes, nids tricotés, des bizarreries… de toute beauté, des images graphiques, elles d’une fine dentelle de deuil, dentelle bien noire.

Le soleil s’amuse de tout ? Plus envie de sortir du lit ce matin-là, captivé, comme hypnotisé par ces fins mouvements, silhouettes découpées si délicates, si finement..

Puis tu vas marcher sur les eaux comme un Jésus laïc. Sur le lac gelé, entendre des craquements, la petite peur, enfantine, comme jadis, à quatre ans, le soir, quand tu craignais l’ombre au fond d’une garde-robe, quelque chose bougeait ou bien tu entends des soupirs, non, des craquements. Sur le lac, au soleil, ce dimanche-là, s’il fallait, hum… si la glace s’ouvrait sous tes pas, très soudainement, un malchance, non ?, une faille, oui ?, on sait jamais. Tu as entendu un vrai craquement cette fois, tu avances et,crac, il te semble, tu rêves pas, un autre « crac » feutré, encore.

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