juin 282011
 

Eh oui, juin s’en va. C’était le 24 et, d’une oreille, j’entendais à la télé festive un Guy Lepage qui déraillait souvent, je regardais le vieux surdoué de Morin-Heights (Robert Charlebois) s’égosillant : « Ça arrive dans les manufactures, les deux yeux farmés bin durs… ». D’une autre oreille, par les fenêtres ouvertes de ce soir humide, entendre  les pif, paf, pouf du ciel illuminé derrière la plage publique. Voir les zébrures colorées entre mes hauts sapins. Adieu aussi —un peu fastidieux— feux d’artifice, toujours semblables partout.

Et adieu donc juin, tu peux t’en aller va.

Oh, ce jour tout récent : ce combat archi violent qui éclate si soudainement, ma Raymonde sursaute. Notre majestueux monarque fourré de pourpre, chat de Voisine Blondinette, vient de bondir sous la fondrière —la canopée— de mes hauts sapins. La proie ? Un roux suisse fou de peur. Broussailles agitées, course éperdue avec jets de vent, ça remuait fort dans l’ombre.

La chasse toujours !

Revenant de mon indispensable Calumet (journaux, magazines) qui aperçois-je déambulant d’un pas lent dans une lumière matinale éblouissante. Silhouette squelettique dans la rue Valiquette. Un ermite ? Un sage ? Il est sans âge précis ! Un anachorète sorti d’une secrète grotte adèloise ? Dos voûté, poitrine tordue, comme jeune de visage, inquiétant mais radieux. Fantôme d’un draveur mort ressuscité ? Le spectre d’un exilé (Un Canadien errant ?).

Je l’aperçois parfois, rarement, qui regarde nulle part et partout, avec sa besace (contenant quoi ?) usée, ses vieilles savates élimées. Il va où ? Autour de lui —anachronismes—  glissent les voitures modernes, vaquent les gens pressés et bien mis. Cette sorte de vagabond ne ressemble pas aux itinérants familiers de la métropole. Une sorte de dignité les rend presque imposants. L’aura d’une espèce de… prophète ? Ou d’artisan au métier disparu. Qu’en sais-je ?

Oui, juin qui débarrasse déjà… hum, c’est le signal : l’été va filer, comme toujours, trop vite. Déjà le fougueux quarteron de tondeurs de pelouses est encore pour raser l’herbe trop chevelu ! Hydrothérapie pour ma cuisse opérée, je me jette à l’eau et je fais la planche au soleil. Ce jour-là et passent, comme robots, deux nageurs de fond. Bizarres marsouins au souffle prodigieux qui traversent —crawl lent, bien rythmé— tout le lac. Surgit un vaste pédalo citron d’une forme inédite. Progrès ? Deux rameurs —à quatre pales bien noires—  dans un bien rouge kayak. Soudain  tournoient au dessus de ma tête, de vibrantes libellules. Mini hélicoptères aux ailes très énervés. Deux grosses bien accrochées une à l’autre zigzaguent l’air. Enfants, dans le champ vacant, pas loin de la Casa Italia, nous disions :  « Regarde, un mariage! »

Quel beau jour de paix mais, je sais, je sais, ça va mal pour les travailleurs de la Poste Royale et pour ceux Air Canada. Bien plus mal encore pour les Libyens révoltés et, en Syrie on abat les émeutiers dans les rues. La mort partout et notre impuissance. Pauvres Palestiniens de Gaza blocusé… et quoi encore ?

Ici ? Faits divers : une vieille dame solitaire, exilée d’Écosse, trouvée assassinée. Mais l’inondation en Richelieu s’achève enfin. La vie en notre occident paisible s’avance en paix. Mais… ce mariage de libellules qui vient virevolter juste au dessus de ma tête ! J’aime pas. Comme tous les enfouis dans le petit bonheur, je me suis dit : si c’était vrai ?,  si c’était vrai que ce sont… de vilains crève yeux ? J’ai plié ma chaise, j’ai quitté le rivage.

 

 

  3 Réponses to “DEMAIN JUILLET, DÉJÀ ?”

  1. —-je sais, je sais, ça va mal pour les travailleurs de la Poste Royale—-

    En plus des bénéfices marginaux, à une moyenne de salaire de 54,800$ par
    année, ils ne sont pas à plaindre tant que ça!

  2. À 20 ans déja, j’avais le sentiment que le temps fuyait.
    Il nous faudrait vivre 500 ans pour avoir le temps d’apprendre un peu.

  3. Les pieds sur le sable mouillée de la marée basse naissante du Parc de la plage Jacques-Cartier, le soir du 30 juin, j’ai eu beau veiller tard, je n’ai vu ni marchant de sable, ni sorcière dans les buissons, ni fantôme pour faire peur, pa plus que d’esprit maléfique pour arracher les nombreux badauds qui zieutaient le ciel dans l’espoir de trouver quelque part la lumière agréable d’un feu d’artifice, rien du tout.
    Vous rendez-vous compte, à 57 ans, une vieille dame m’a bravement et gentiement rappelé que la Confération se fête le 1e juillet pas le 30 juin, puis, pour terminer son élan, elle a souligné être choquée que les gens d’ici aient la désagréable manie de fêter le 24 juin le soir du 23… ouais, je n’ai pu que sourire.
    Sous un ciel clair et lourd de chaleur, alourdi par une chicane d’amoureux aux accents étrangers dont je ne reconnaissais que le ton et pas les mots, j’ai traîné aussi tard que la chose fut possible, vu que j’avais amené avec moi quelques jeunes en mal de tirer des roches dans l’eau, puis retour au bercail, la marmaille avait besoin de repos…
    La chasse, encore la chasse vous dites. Monsieur pinson mandarin #2 qui avait déplumé madame dans l’espoir de goûter du fruit alors que les petits devaient encore être nouris à la becquée a finalement eu le dernier mot, le matin du 1e juillet, madame a renju l’âme (à qui?). Non content de la chose, monsieur a déplumé ses deux filles, grrr, c’était tout juste avant de retrouver la liberté que je lui ai doné le droit de prendre par grande bouffée entre mes lilas et mon pommetier. Bon voyage ! Même si elles s’inscrivent dans l’ordre naturel des vivants, certaines violences n’ont pas besoin de rapports de police, beaucoup d’amour a fait la job…
    Été aidant, 5 jeunes pré-ado qui picorent encore dans mon garde-manger nous ont fait coprendre que nous aurons besoin de plein-air.
    À quel âge on devient vieux ?
    À quel âge on arrête de faire des projets ?
    À quel âge on arrête de rêver ?
    Monsieur Jasmin, quand vous pataugez en hydrothérapie pour guérir, et je me doute bien que ce n’est pas tout sourire tous les jours, quand je hume le parfum de vos mots, quand je vous vois, fier et digne, avancer et aller de l’avant, comment oserais-je me plaindre de mes petits bobos ?
    Le Québec politique a manqué le bateau en ne vous courtisant pas plus,

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