mai 062013
 

Ne craignez rien, je ne citerai pas tout le poème de Lamartine. Ou de Musset ? Ma mémoire ! Bon, bienvenue ô (au) lac car oui, ça y est, le Rond s’est enfin dégagé de sa glace. Et puis les verts bourgeons bourgeonnent dans nos arbres et, ce midi, filant au nord, une flopée énorme de canards —huards, sarcelles, bernaches— ma méconnaissance naturaliste… ? On revient du sud (Maine) où, le long des plages, un vent froid soufflait sauvagement. Oui Ferland : « on gèle au sud, on sue au nord car, à Ste Ad, samedi, la chaleur torride !
Vendredi matin, à Ogunquit, nous petit-déjeunons au Huckleberry dans Beach Road. Un restaurant vieillot, plafond gaufré, lampes torchères, mobilier ancien à loges cuirettées, plancher de mini carreaux émaillés et plein de photos antiques aux murs époque du Rudolf Valentino, du Picasso, du Matisse, de la Gloria Swanson, tous touristes du Ogunquit d’antan. Quand s‘organisaient de célèbres courses d’autos, des régates partant de l’Anse à Perkin, à coté.
Une jolie dame qui lit Pays d’En Haut m’aborde : « Vous ! Pouvez-vous me dire ce qu’Ogunquit a de spécial pour que j’y revienne depuis 40 ans ! » Ma Raymonde trouve, lui répond : « C’est pareil pour nous, notre quarantième visite à nous aussi, c’est l’attraction des souvenirs. La force des sites familiers. Le pouvoir de la mémoire des lieux aimés. » Vrai. Plaisir curieux de revoir Wells Beach, joli bourg à jolis chalets, ou Portsmouth, ses quais. Portland, ses cafés, son musée. Les Outlets à aubaines de Kittery. Revoir en pensée René Lévesque à son cher motel Dolphin avec Yves Michaud, au poker au dessus des falaises sous les cascades bruissantes du merveilleux sentier Marginal Way. Ou Robert Bourassa et sa famille (et les bouncers !) à son cher motel Aspinquid fait de bardeaux noircis.
Début mai donc et pas de homard, c’est fermé chez Fisherman’s ou chez Lords. Chez Jacquie’s aussi. Nous reste, au dessus des barques du mini port, le classique rustre Barnacle and Billie’s. Reste aussi à admirer le vaste océan. Un jeudi matin, on est ébloui par l’infini des eaux et ses verts tendres au rivage, plus loin, vert dense comme vitre de bouteille ! Oh ! Et puis, la rivière gonflée de marée en bleus graves, si sombres. Marcher, marcher sur le sable tapé revoir ces vives frises qui rampes, moutonneuses, toutes immaculées au soleil. Héroïques surfers au large mais hélas ce vent du nord, brrr !
Un mercredi soir dans le noir du rond-point des tramways, assis à un banc, digérant les fameuses pâtes du Roberto’s, Shore Road, observer un fragile noir horizon, un phare clignotant, un ciel de lune et plein d’étoiles. Un peu plus tard, à l’est, des bleus de velours vus de la longue galerie du Norseman :la beauté ! Le lendemain, mercredi, en plein jour, étonnant ciel de roses et de jaunes, tout ce village 19 ième siècle sous une lumière romantique, faire les boutiques, nos yeux ravis. Retour donc et, samedi, ici, chaleur du nord (!). Rentrés au pays et ce sera donc le lac fluide, débarrassé, les bourgeons, de premiers oiseaux et ce flot de canards qui crient le retour du doux temps ! Vive la mer, vive les Laurentides.

avr 142013
 

 

 

Je roule dans ma petite patrie rue St Denis et je dépasse « l’ex-école de réforme ». Lieu tant craint qui est devenue une école de théâtre. Nous voici rendus, R. et moi, à une salle à l’éclairage extérieur glauque. Pénétrons. Assis les voyeurs ! Et pour regarder quoi ? Du Serge Boucher. Un as de l’observation pathétique ! Téléréalité ? Dans un sens, oui ! Passer quasiment deux heures à observer trois phénoménales loques humaines nous exhibant leur petite « vie de mard… ». Un trio de « misérables », pire que du Victor Hugo.

D’abord une mignonne battue par son chum invisible, kioute révoltée et enceinte (oui en 2013 !!!), c’est la chambreuse, Nancy, une dingue sacreuse qui rêve d’un beau mariage en blanc, elle, l’écervelée à la grossièreté sauvage ! Serge Boucher fait peur de vérité.

La deuxième femme du trio ? Zieutez cette scabreuse Tony, vieillie et agressive qui « colle » dans ce « 3 et demi ». Serge Boucher fascine ! Ce taudis de l’est où l’on entend siffler le trafic du boul Métropolitain fait peur. S’y abrite aussi un drôle de héros : Normand dit « Norm », le sommet du mal né, oui, « peak » du malchanceux !

Allez voir cette lie de la terre avec cet aliéné criard, secoué de tics, « toussant » un français, jargon tout hachuré d’onomatopées. Crétin qui admire Batman, son co-loc absent et qui le domine, l’abuse, pauvre mini-cerveau tout ratatiné, Norm tolère à peine François, ce petit-bourgeois envoyé par le CLSC, « parrain » désespéré.

R et moi, « calés » dans nos fauteuils, ahuris, pétrifiés, restons pas moins impuissant que « le parrain » voyant vivoter cette « poubelle à six pattes », échantillons d’un monde perdu.

Si « Avec Norm » revient, ne ratez absolument pas cette histoire qui s’achève au « Rideau Vert ». Serge Boucher a étudié ici, en basses-Laurentides, au cégep-théâtre de Ste Thérèse. Boucher, redoutable observateur, est aussi un auteur de télé : « Aveux », « Apparences ». Il a avoué avoir vécu cet échec, tout comme son François du CLSD. Ce rôle est joué excellemment par l’acteur filiforme surdoué Éric Bernier. Voir ce cirque hallucinant un jour, un spectacle bien orchestré par le metteur en scène, Bellefeuille. Un carrousel nerveux de tableaux quasi scabreux, sordide laid tricot scénique, cruelle mosaïque, hélas, que l’on sait vécue de Gaspé à Gatineau.

Voir se tourner les pages salies d’un album crotté, on a l’impression d’inhaler des odeurs de pourritures, effluves aux odeurs répugnantes tellement ce récit est ultra réaliste. Boucher ? Un impitoyable « boucher » (eh !) ! Ses viandes découpées ? Horribles flasches d’un chirurgien aux scalpels précis. Effrayant d’observer ces destinées. Nancy, l’accorte guidoune se débattant de son crétinisme, est l’ouvrage de génie de la comédienne, Sandrine Bisson; du très grand art prodigieux et qui glace le sang. Cette Bisson ira loin, très loin.

La comédienne Muriel Dutil incarne Tony, vieille âme abrutie sans aucune morale. Inoubliable ! On est subjugué dès l’ouverture du rideau l’entendant réclamer à grands cris ses « pétaques pillées »; un jeu électrisant, Dutil y est hypnotique. Enfin, allez vite admirer « Norm », le héros écrasé joué de façon géniale par Benoît McGinnis. Sobre directeur de l’école du « 30 vies » de Fabienne Larouche, il s’est composé un abruti d’une invention à couper le souffle. Voir jouer ce McGinnis-là est sidérant. Des dons renversants et je pèse mes mot.

fév 122013
 

 

Joli dimanche au soleil tamisé et suis amusé d’observer tous ces enfants au rivage du lac gelé. La beauté et la gaieté dominicale avec ces glissades : tant de traîneaux, de luges. Et de patinage. Bonheur brut de l’enfance. Que de modernes « machins de glisse » divers. De ces objets gonflables colorés des temps nouveaux si inventifs.

Parmi mes chroniqueurs préférés, il y a Stéphane Laporte quand il narre des péripéties de son enfance. Il stimule, fait nous souvenir. Il y a 30 ans ?, allant visiter mes deux « vieux » bien aimés et dont je m’ennuie tant, une envie me prend : sortir pour revoir, 25 ans plus tard, ma ruelle, là où j’ai joué durant tant d’années, hivers comme étés (Bélanger et Jean-Talon). J’y vais. Personne ? Pas un chat et pas un bruit ! On ne tire plus ni ne tue ! Pas même une ombre qui court, qui tombe, qui saigne aux genoux. Ou qui frappe une balle, une rondelle. Qui casse une vitre, qui fuit la police dans l’entretoit des Vincelette !

Étonné, je rentre : « Maman ! Il y a plus d’enfants dans notre ruelle ? » Les temps changeaient ou il y avait tellement moins d’enfants ? Je sais : il y a eu de ces moniteurs salariés dans les parcs, des excursions organisés. Et mes petits fils allèrent à ces « camps d’été ». Totale liberté là ? Comme dans nos libres et sauvages ruelles ? Hum ! Comme Laporte ma stupéfaction quand je lis que des « vieux » plaignants font détruire une patinoire d’enfants dans une ruelle ! Faut publier le nom du fonctionnaire imbécile obéissant aux chialeurs, non ?

Ah ces empêcheurs d’enfance ! Tel notre « M’sieur Turcotte », vêtu de sa noire redingote, qui nous imposait, au milieu de notre ruelle, cent pieds de silence absolu. Les petits cow-boys, durant deux minutes, se changeaient en anges muets le long de ses salons mortuaires. Dès les premiers cris et « tow-tow » d’un funeste combat « western », mamzelle Laramée rentrait son chat de haut pedigree et le populaire gros docteur Mancuso rentrait vite dans sa cour ses débordantes poubelles… d’urine, de sang… et autres fluides. La belle noiraude Sylvana sortait gruger du raisin, toute décolletée, langoureusement pendue à sa barrière de jardin, offre d’une énamourée ! Pur gaspillage ! Un jeune guérillero du far west n’a pas une minute à perdre à contempler une fille !

J’ai été jusqu’ à 12 ans un petit voyou, un fracasseur de carreaux chez Colliza, chez Ambrogi, au hangar de la veuve Décarie. À 13 ans ? Illusion paternelle : je devais faire un prêtre et on a jeté le vivant voyou chez les « Messieurs de Saint Sulpice » (nommés : les supliciens  ), au Grasset. Fin des jeux sauvages e t, vu les congés à des jours différents, la lourdeur des devoirs, ce sera la fin de mes amis et de la ruelle. Adieu donc à mes fidèles, Deveau, Moineau, Malbeuf (leurs vrais noms). Ici, dans mes collines, en mon village sans ruelle, où donc crient et jouent les gamins insolents ?

 

 

 

 

fév 022013
 

La lune, je ne l’ai jamais tant vu depuis que je vis « dans l’nord ». Je ne compte plus les soirs, les nuits — et sur les quatre saisons où la charmeuse m’a montré ses charmes, sa blanche lumière. Pourtant la lune se montre partout. Eh bien, mystère, je l’ai vu bien rarement quand, plus jeune, j’ai habité ma vieille rue St Denis, Ahuntsic et puis Bordeaux, enfin, rue Cherrier et rue Querbes. C’est rue Morin que je peux la contempler tant que je veux. Le ciel fascine, c’est entendu et j’ai eu un télescope qu’hélas je n’ai jamais su manœuvrer !
Plus loin que la lune, accès au cosmos bientôt ? Oui et j’i hâte. Écoutez bien ça : il n’y a pas très longtemps, des hommes de science viennent d’envoyer un message vers… Disons, le lointain. Expédié de Porto Rico (à côté !), notre message est parti vers trois soleils proches dans cette constellation. Pourquoi cet envoi ? C’est que nous avons reçu un message, nous, d’abord et, on ne savait pas trop comment réagir, impolis que nous sommes ! Ce message sonore nous arrivait de la constellation du Sagittaire ! Clair que c’est bien éloigné de ma chère lune ! Ce signal venait de gens —humains de quelle sorte, êtres vivants évolués de quelle espèce ?— qui vivent donc hors des planètes de notre galaxie. Un astronome, Jerry Ehman, prof à l’université de l’Ohio, dit que le message a duré 72 secondes. C’est bref mais, attention, Ehman dit qu’il état trente fois (30 ) plus fort que tous les signaux du cosmos de jadis.
Restons aux aguets bien que ce signal envoyé va mettre entre 50 et 150 ans avant de parvenir chez « madame Sagittaire » ! De quoi est-il fait ? Trois choses : 1- 10,000 Twitts, 2- des documents de Geographic magazine, 3- des vidéos de vedettes d’Hollywood ! Afin que nos amis inconnus sachent que ce stock est « intelligent », il ont encodé à répétitions. De ces trois soleils en Sagittaire, il faut savoir que les astrophysiciens —télescope Arecibo— ont pu cibler des planètes habitables comme la terre. Vu ce fort signal de 72 secondes, certains savants espèrent que cette nouvelle tentative —notre 10 ième— sera la bonne. Un rabat-joie parle d’un message venu « d’un trou noir », issu donc d’une collision entre galaxies. Zut
Amis lecteurs, vous avouer que de 1970 à 1975, je fus grand amateur de mondes parapsychologiques. Une passion brève qui m’apportait du plaisir. Le peu de matière « en cette matière »…car on raconte sans cesse les mêmes phénomènes m’éloigna de ces curiosités. Ce signal reçu —hors-notre-galaxie— de 72 secondes, c’est pas rien, m’a comme réanimé un brin ! En attendant un écho venu de Sagittaire, dans nos jolies collines, je me couche très rarement sans regarder le ciel pour saluer dame-lune dans mon coeur, tout reconnaissant pour sa lumière envoûtante. Elle m’est un vrai baume quand un ami meurt. Tel, cette semaine, l’époux de « la grande Françoise », mon vieil ami du Lac Marois, Jean Faucher. Que « La lumière des Lumières » reçoive son âme !

jan 252013
 

 

 

D’abord dire que mes 30 bonnes raisons de vivre par ici m’attirent des reproches : « Vous avez omis la fantastique piste du « P’tit train du Nord », « Vous avez négligé votre Excelsior, et sa mini-mangrove au chlore, votre palétuvier chéri », « Vous avez oublié notre chère Bibliothèque publique du centre commercial ! » Bon, bon. Vrai. Et je pourrais en ajouter, mais pardon, je suis bien vieux et, comme on apprenait au collège : « Mémoria diminuitur nisi eam exerceas ! » Traduction : « la mémoire diminue si on ne l’exerce pas ». Tiens, parlons bouffer, manger, autrefois et maintenant.

Jeunesses, sachez le bien, c’est assez récent le goût développé, les raffinements car,jadis, « manger au resto », c’était pour un hot-dog (rôti ou stimé), un hamburger, une soucoupe de frites. Parfois du luxe : un club-sandwich ! Ou bien un « chips and fish », notre régal rue Bélanger.

Mon père, importateur de « chinoiseries » failli, a tenu très longtemps une modeste gargote au sous-sol de notre demeure. Cuisine élémentaire ! Les jeunes clients (beaucoup de zazous) revenus des deux cinémas du coin se payaient la traite. Hum… Simples sandwiches, jambon ou poulet, de la soupe Cambell, un banal « grill cheese ». Voyez-vous le menu chez « au caboulot ». Quand papa récompensait un beau bulletin du mois —« et papa nous aimait bien », cher Léveillé— il façonnait, la langue sortie, un beau Sunday (sorbet). Avec du caramel, du chocolat en masse, de la goûteuse guimauve et… oups ! une belle cerise dans son jus !

Seuls les grands bourgeois, les artistes célèbres, allaient bouffer dans nos rares « grand » restaurants, tel « Chez son père », « Au quatre cent ». Notre jeunesse, dans l’après-guerre, c’était l’ignorance totale de la cuisine raffinée et il n’y avait pas d’école dite hôtelière. À Pointe Calumet dans Avenue Lamothe, l’actrice Juliette Huot passait pour un cordon bleu juste pour ses « sphaghetti italiens », une gibelotte ou une fricassées improvisées.

Jute ici, aujourd’hui ? Plus de douze places, et fort bien cotés. Ce fut incroyable, cela, en 1940, 1950. Aussi, j’y vais très vite : les bonnes pâtes de « La Chitarra » et de « Spago ». De fameux rouleaux chez « Sothaï », Palais fins, filez à « L’eau à la bouche » ou à l divine « La Vanoise ». Et chez « Garçons », dégustez omelettes baveuses ou croque-monsieur rare. « Aux deux oliviers » ou à « L’Esméralda » on voit le joli Lac Rond. Chez « Milot », ses moules succulentes et chez Grillades Aspria » ou chez « Le Provençal », c’est « oh bonne mère ! » À las mi-côte Morin, goûtez bœuf ou fromages « ébouillantés » au « Chat Noir », enfin, pour « l’osso des ossos, » entrez chez « Juliano ». J’en oublie je gage ? En tous cas, nous, les anciens, on trouve que pour bouffer, les temps ont « bin » changé. Très bien.

 

jan 252013
 

 

 

 

1-Moins de bruits, matins comme soirs, c’est certain.

2-Fin des rues achalandés, impassables et bouchonnantes.

3-À portée de…pieds : que de beaux sentiers enneigés.

4-Choix vaste de restaurants et souvent coquets.

5-Une École Hôtelière aux offres parfois raffinés.

et

6-Deux sérieux hôpitaux moins encombrés.

7-Dénicher un lac proche et s’y promener au soleil.

8-De grands marchés aux denrées si diversifiées.

9-De solides cliniques avec personnels compétents.

10-Plus facile de « socialiser » entre voisins.

et

11-Facteur, déneigeur, éboueur, on peut parler avec.

12-Moins de stress, pas « d’heures de pointe » énervantes.

13-Pas de collants et encombrants colporteurs à nos portes.

14-Vues sans cesse stimulantes en pays de collines.

15-Architectures moins monotones et plus libres.

16-Moins de bruitage métropolitain, leurs stridentes sirènes.

17-Pour, à Val Morin, le petit théâtre au menu varié.

18- pour les nombreux écrans du cinéma Pine.

19-pour les expos parfois audacieuses de Val David.

et

20-pour le bon vieux « Patriote » de Sainte-Agathe.

21-pour le faste parvis d’animations saint-sauverien.

22-pour. Là, la féérie hivernale des lumières des côtes.

23- pour, là et à Ste Adèle, les théâtres gais, l’été.

24-pour mon cardinal, colibris et jolis geais bleus…

et

25-pour mon couple serein de tristes tourterelles.

26-pour, sous la galerie, ma marmotte cachottière.

27-pour mes beaux rats sous le quai, , bien musqués.

28-pour la chatte, pourprée ça et là, de ma voisine.

29-pour l’ours bleu du Sommet Brun, non, l’inverse !

30- pour tant d’écureuils trépignants aux sapins.

Enfin :

31-pour les poissons rouges à la belle plage publique.

32-surtout, pour l’air vif dépolluant et en quatre saisons.

 

jan 052013
 

 

Rue Valiquette, les yeux dans l’eau, mais oui, je compatissais aux malheurs des « misérables » de Victor Hugo, mon illustre camarade. Bilan d’un cinéphile, octogénaire : ai-je vu 3000 films dans ma vie ? Ou bien 5000 ? Ou encore 10 000 ? Je ne sais pas. Chez moi, jeune, il n’y avait comme lecture que des annales pieuses, « L’almanach du peuple » de Beauchemin et les exploits des « comics » achetés cinq cennes la brochure. La culture pour les gens de mon époque, de mon quartier, c’était… les « vues ». Gamins, au coin de ma rue Bélanger et St Denis —c’était avant l’air conditionné— on se faufilait (à la barbe des placeurs) par les sorties d’urgence. Sans payer. La belle vie : savourer les films made in France (au Château), ou made in USA, au Rivoli.

Le cinéma a nourri ma jeune imagination et quand j’ai publié mes premiers romans ( Et puis tout est silence, La Corde au cou, Délivrez-nous du mal, Éthel et le terroriste) nos critiques littéraires décrétaient : « Jasmin fait une littérature avant tout cinématographique. » Bien vrai. Tout ça pour dire mon plaisir quand je descend « d’en haut » vers nos salles, rue Morin, rue Valiquette et dire aussi mon bonheur de pouvoir, à 5 minutes de chez moi, « aller aux vues », comme quand j’étais resquilleur.

En passant : ce « Bye-Bye 2012 » à la télé, mode actuelle déplorable, ne fut constitué que de « brefs tableaux ». Parfois « ultra-brefs ». Pourquoi singer les  commerciaux ? Vite, vite, vite, des « flashes », des furtives évocations et refus de bâtir des sketches solides, qui dureraient un peu. Mépris du monde ? « Les gens sont incapables de se concentrer plus d’une minute. » donc sauf un ou deux sketches, parage pressée, défilé d’urgence, policiers qui fessent, mafia et Libéraux corrupteurs, le tout, superficiellement. C’est regrettable quand on constate (et apprécie) les habiletés « inouïes » des créateurs : maquilleurs, perruquiers, prothésistes, costumiers.

Pour fin 2013, prière de revenir, comme souvent jadis, à des tableaux consistants, un peu élaborés. Plus facile de briller par courtes apparitions ? En tos cas le fatras visuel est vite oubliée. Bousculade, cavalcade échevelée. Qui se souvient d’une parodie un peu élaborée ? Qui aurait duré au moins 3 à 4 minutes, sinon 8 ! « Nous, le peuple… » on n’a eu droit qu’à de brillantes caricatures esquissées, aussitôt oubliées,. Mauvais signe cela. L’immortel, anthologique donc, sketch du soldat de la Crise d’octobre, (joué par Guimond), écrit par Gilles Richer, durait plus qu’une minute et demi, non ?

J’y reviens… Redire le plaisir d’aller « aux p’tites vues ». Mon grand bonheur d’être plongé en salle obscure face au grand drap blanc tendu, comme pour une cérémonie chaque fois. Rien à voir avec l’écran de vitre de télé au salon. Voyez ce vaste album à images, « Les misérables ». Très efficace mélodrame hugolien, palpitant récit de la deuxième révolution française, celle de 1848, montrant des gueux galériens, de sombres forêts, une manufacture sordide, un carrefour à putains rivales. Surtout une barricade meurtrière.

À la fin, milliers de figurants, c’est Paris insurgé, affamé, révolté, vues inouïes d’un enterrement solennel (un ministre bien-aimé) qui déclenche l’émeute historique de 1848. « Les misérables », ma foi, c’est pas moins qu’une trentaine de chansons. Jamais vous n’oublierez Jean Valjean chantant en implorant Dieu de laisser vivre le beau Marius blessé. Plus tard, l’audacieux gamin Gavroche. Vous oublierez encore moins Fantine, la voix déchirante de Fantine, misérable (!) mère-célibataire de Cosette. Fascinante Fantine qui agonise en une « chanson criée », pour l’impossible rêve. Courrez-y et apportez vos mouchoirs de papier. Tout autour de moi, les larmes des jeunes filles coulaient à flot. Les jeunes gens, eux, se retenaient. Des gars hein ?

déc 202012
 


Longtemps, avant de devenir demi-sourd, on m’invitait à lire un conte de Noël à la radio, chez Suzanne Lévesque à CKAC ou chez « mossieu Belair », à CKVL, très longtemps chez Paul Arcand à CJMS, puis à Corus. Certains me suggèrent de les publier mais moi, l’éparpillé, j’ai égaré ces manuscrits. Aussi, je m’excuse si certains se souviendront de ce conte que je vais tenter de reconstruire.

C’était Noël demain et l’hiver de 1950 fut précoce. Déjà en cette veille de Noël, il y avait de la neige partout, parfois en hauts congères dans les rues du village. À l’hôtel où je travaillais, le chef des cuisines, M. Liorel, venait d’engager un jeune cuisinier, Marcel, un type originaire de Marseille… « bonne mère ». J’avais une affection spontanée pour ces migrants européens et j’aimais Marcel puisque j’aimais le bagout, la vivacité, l’esprit et le goût des discussions vives chez tant de Français-de-France. Je m’étais donc lié rapidement avec ce long noiraud, frénétique, maigre de corps, au visage nerveux.

Ce soir-là, il neigeait vraiment très fort et c’était beau à observer à travers les fenêtres du Chantecler. « Tu sais ce qui me plairait Claude ? Aller marcher en forêt sous la neige. Un rêve d’adolescent français quand je lisais Jack London ! » J’avais accepté avec joie. Et puis c’était un fait, moi-même, le citadin, je n’étais jamais allé marcher la nuit, dans un boisé, un soir de neige tombante à gros flocons. «  Oui, mon vieux, on y va, chausse tes neuves bottes ! » Il faisait doux temps, la nuit était belle, le ciel d’une sorte de bleu violacé avec quelques étoiles clignotantes au fond du firmament. Un haut-parleur de l’auberge, dehors, faisait entendre : « Les anges dans nos campagnes… » justement, Marcel était… aux anges !

Au bout de quelques minutes, suivant un sentier mal défini entre deux collines, nous étions seuls, dans la noirceur avec de faibles feulements. Brrr…Des bêtes inconnues ? Nous étions deux pèlerins sans but ni mission, libres, enfoncés dans ces bois de pins et d’épinettes, Marcel, comme moi, s’était fabriqué une canne d’occasion. Nous vivions au fond d’un conte de Jack London, seuls au monde et muets de contentement.

Perdus au fond de nos montagnes, nous imaginions des fantômes, soudaine bizarre lueur qui surgit et disparaît, une ombre mouvante, un orignal ? Marcel imaginait un ours ! Le fier Provençal se glissait derrière moi peureusement. Je n’en menait plus trop large moi-même. Et, une heure plus tard, au bout de nos zigzags aventureux, les oreilles rougies de froid, quand Marcel me parla de rentrer à l’hôtel, je lui avouais être perdu ! C’était du temps ou pas un condo n’avait trouvé sa niche dans ces parages ! Nous tournons en rond et Marcel, silencieux, devinait mon désarroi. Quel exemple, un québécois-de-souche « écarté » !

On a de plus en plus froid, la neige a cessé de tomber, on découvre une sorte d’abri délabré et on y pénètre. Rien, pas même une « truie », dis-je à Marcel, parlant d’un rustique poêle bas, à bois. Pas une bûche donc mais une paillasse déchirée, deux ou trois pots vides,, une fourchette rouillée, un cruchon de vin cassé. Sans rien nous dire, tracassés, abattus, admettons que l’on se sentait désolés et franchement inquiets. Marchons. Sans cette lune souvent débarrassé de ces nuées grises, ce serait le noir absolu. Marchons. Soudain, Marcel pousse un cri ! Au loin, derrière un bosquet touffu de cèdres noirs, une lumière brille ! On y marche allégrement. C’était une maisonnette bancale, l’unique fenêtre rabougrie fait voir un lampe à pétrole brillante. Un peu soulagés, Marcel rit rauque et moi de même : délivrance ? Je frappe à la porte de planches mal clouées et un maigre haut olibrius nous ouvre. Il est en sous-vêtements laineux, porte une tuque sur le crâne et, les dents cassées, nous sourit volontiers : «  Si je m’attendais à de la visite une veille de Noël ? Entrez mes bons amis ! »

Marcel rassuré acceptera de boire de sa liqueur alcoolisée, une « robine » écoeurante. Reconnaissance oblige ? Une fois un peu réchauffés, ce « hobo », qui dit se nommé Rosaire, rigolard, acceptera de nous guider vers un sentier menant à l’hôtel. Ouf !

Très tard, dans le « mess » des employés, j’écoute mon cuistot redevenu joyeux : « Mon vieux, merci mille fois, c’est une nuit de Noël que je n’oublierai jamais de ma vie ! » Je rentrerai vite dans mon atelier-écurie de potier bien soulagé. Au resto de « la grosse madame », rue Morin, ça hurle dans son haut-parleur : «  Dans cet étable, que Jésus est charmant… » FIN.

 

 

 

nov 262012
 


Eh oui, première neige déposée durant la nuit. Au matin une poudre légère partout, maquillage avant-coureur de ce qui s’en vient ? Café à la main, soudain, je me frotte les yeux : qui file sur le lac ? Un jeune homme en kayak. Silhouette sombre et gracieuse : un humain tout encastré dans sa frêle barque pointue, sa rame à deux branches s’agitait en régulières saccades contre un firmament d’un beu marial. Il vente fort sur le lac et cet accoutrement tricoté serré —figure quasi mythique— disparaît vite de notre vue. Ce fut comme une fugitive vision d’un été soudain… attardé, revenu ! Image qui m’a surpris tant notre familier plan est devenu si désert en fin de novembre. Plus un chat, comme on dit, plus le moindre navigateur, le voisin Ouellet a rentré depuis longtemps son étrange voilier, Marie-ma-voisine ne se sauce plus à l’aube, ni elle, ni mon vieux Jean-Paul Jodoin, son paternel. Pas même Pauline-la-beauté pourtant pas frileuse, ni le fils de feu le juge Boissonneau, athlète à fort souffle pour qui le tour complet du lac est une randonnée légère, dirait-on.

Vrai, plus un seul chat sur le lac, et donc, soudain, cette apparition du matin intitulée : avironneur dans kayak. Deux jours plus tard, nouvelle enveloppe blanche tombée des cieux sur nos terres. Songer à —bientôt ?— ces hordes de joyeux promeneurs qui arpenteront les anneaux aménagés sur le Rond (merci m’sieur le maire Charbonneau !). Vive alors les grands bols d’air d’hiver avec ou sans chiens, avec ou sans poupons, avec ou sans vieillards à canne… Avec ou sans bonheur ? Bien…une joie diffuse, modeste, discrète habite ces habitués de plein air les samedis et dimanches sur la glace. Ils figurent évangéliquement —confiants comme ceux de Tibériade— qui, à Sainte Adèle, marchent sur l’eau ! Hum… à la condition de la savoir ben durcie, bien ferme, à l’abri de toute noyade car Jésus n’est plus guère présent en 2012 !

Je l’ai publié : je ne crains plus l’hiver et je ne me réfugierai pas en Florida, USA. Non, affronter stoïquement ces trois mois avec confiance, je le redis, bien savoir que cette saison si durement diffamée chez les frileux médisants de l’existence, va filer aussi vite que l’été. Alors qu’il vienne. Même si, à mon grand âge, j’ai abandonné depuis très longtemps le ski. Bien savoir que, pas loin d’ici, les collines sont vaporisées des nuits entières à grand coups de ces canons-dits-à-neige. Bombardement pacifique. Plein de passionnés de ce sport se risquent déjà à dévaler des côtes abruptes recouvertes d’une croûte de pâte blanche pas trop abondante pourtant ! Me contenter, moi, de rêvasser à nos expéditions de collégiens (d’André Grasset) au Nymark. Le samedi soir, nos flirts avec de belles étudiantes montréalaises, ces danses pas trop catholiques du « slow » —collés à mort— au Red Room du Montclair à Sainte Adèle. Ou encore, soirs de semaine, nous nos contentions —merci tramway— d’aller glisser en skis sur les timides pentes du mont Royal autour du « monument à l’Ange » —sculpture de Laliberté. Ou, grimpeurs vaillants, tout autour du chalet du sommet. Et dans sa « cuvette », soi-disant bouche du volcan ! Ou, à l’ouest, dans l’alentour du Lac des Castors —plus petit encore que le Rond ! À sa cafétéria, attablés avec une nymphe « à jupon de velours et pompons », la tasse de chocolat bien chaud était élixir ! « Tu habites où ? » et notre crainte que la belle aux longs bas jaunes réponde :

« Pointe aux Trembles. Ou Ville La Salle ». Merde, deux, trois tramways pour aller la reconduire !

 

oct 272012
 

« PAS DE CHIENS, PAS DE JUIFS » !

 

Ce titre ? Jeunesses d’ici, voilà ce qu’on pouvait lire aux plages de nos Laurentides, avant la guerre. Oui des placards antisémites posés par de bons proprios Canadien-français catholiques. Comme tous les nôtres, mon père, détestait les Juifs. « Ils ont tué le Christ », me répétait-il et notre pieux clergé d’approuver. Étudiant, en 1950, je lui annonce être « tombé en amour » avec une jolie Juive de mon École des arts appliqués. Papa ne m’adressa plus la parole. J’ai fini par rompre ave cette jolie Anita Gertler et dans quelques mois, chez XYZ, sera édité mon récit de cet amour lâchement abandonné.

En 1989, trente ans plus tard, chez mon dépanneur, je croise un certain Jacques Neufeld, Juif d’une bonhomie énergique. Neufeld me racontera sa vie de clandestin quand il sauvait de la Gestapo des tas de ses compatriotes traqués par la Gestapo et la sordide Milice française. J’avais conduit chez mon éditeur d’alors, Leméac, ce Neufeld qui y publia ses aventures. Il y a peu de temps —ô piscine de L’Excelsior, ô piscine du chic Club du Sanctuaire !— rencontre d’un chimiste emeritus ex-prof à l’U de M. Il m’offre sa traduction d’un récit de Yossi Indig, un camarade baigneur. Un Québécois interné dans un camp nazi : « Adieu à Sihget » (édité à compte d’auteur). Émouvant. Si vous allez à la (grande) Bibliothèque nationale, vous lirez cet « Adieu à Sighet », une autobio qui raconte son brutal « ramassage » au ghetto juif de cette ville Sighet, en Hongrie. Poignant récit (préfacé par Elie Wiesel) d’un jeune garçon chez les nazis avec toute sa famille.

La guerre finie, l’adolescent libéré va choisir Montréal. Qu’il aima vraiment. Après avoir été petit commis « dans la fourrure », débrouillard, il se jeta dans le commerce des vêtements via les « fins de ligne » des manufacturiers. Marié et père de famille, Yossi réussit avec sa boutique à aubaines. Installé (dès 1964) rue Mont-Royal. Au coin de Fabre, rue célébrée par Michel Tremblay. La concierge qui loge à l’étage du « Belle mode », le forcera à fuir le Plateau. Furieuse antisémite. Aux ordres du propriétaire de l’édifice, un certain Adrien Arcand, chef Québécois nazi avant la guerre. Yossi Indig s’en ira rue Ontario coin Valois poursuivre son commerce. Dans son récit, Yossi louange une Micheline Martin, dévouée gérante et « bras droit » durant trois décennies. Il lui reconnaît volontiers ses succès. Là, rue Ontario, un incendie ravageur et il ferme. En 1995, le petit garçon tatoué », numéroté— prend sa retraite des affaires et suit des cours de peinture via la télé. Le voilà peinte et il rédige donc ses mémoires. Ce livre «  La promesse à ma mère », en anglais, en français « Adieu à Sighet » montre un fort courage. Son chapitre narrant un retour à Sighet arrache le cœur. Ici, je veux remercier J.-C. Richer (retraité qui vient de publier une énorme « somme » sur la chimie, un ouvrage unique au monde), de m’avoir offert « Adieu à Sighet ». Il m’a prouvé la volonté exemplaire de la race juive, dans chaque chapitre on retrouve cette force de cohésion, cette union inouïe qui a fait des héritiers du « vieux testament » une nation vraiment « tricotée serrée » et d’une résistance incomparable. Au lieu d’avoir placardé ces « No dogs, no jews » sur nos plages laurentidiennes, nous aurions mieux fait d’imiter cette solidarité raciale à toute épreuve, nous, minorité méprisée et bafouée du temps du mépris raciste des anglos dominateurs de 1939.

 

 

 

 

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