Avr 022015
 

Il n’y a plus guère de ces critiques à la réputation redoutable, les Éthier-Blais, Marcotte et …Réginald Martel, hélas, mort lundi dernier.

Réginald, avec ses proses sobres et intelligentes, savait excellemment juger d’un ouvrage littéraire chaque samedi dans La Presse.

Il était craint avec raison, en un paragraphe Martel pouvait assassiner un roman nouveau né ou, pour longtemps, lui donner des ailes. J’ai eu la chance d’obtenir le plus souvent des « papiers » élogieux.

Réginald était discret, fuyait les « chapelles », se dévoua durant trois décennies, avec gravité, à son difficile métier. Pas du tout du type rigolo ou blagueur, il semblait une sorte de prêtre dans le milieu des livres. Son métier délicat, parfois cruel, lui était un vrai sacerdoce. Quand je lui ai dit un jour que ses articles —brillants, documentés, intellectuels— n’invitaient guère son lectorat à courir chez le libraire, il me rétorqua : « Tant pis, je tiens que « écrire et publier » est une affaire grave et importante, que ça mérite tout mon sérieux ».

Les écrivains de ma génération, nous le respections et, retraité soudain —parti dans sa chère campagne du Bas du Fleuve, nous le regrettions.

Nos condoléances à ses proches et à tous ceux qui l’aimaient.

Claude Jasmin
Écrivain, Ste-Adèle

Déc 292014
 

Joli lundi du 29 déc.

(suite chap 9(?)

(angela-chimère)

* * *

Notes : Je m’énerve d’avoir voulu raconter cet amour premier…pas facile. Chaque fois que je monte à l’ordinateur, je me dis que je devrais peut-être abandonner ce récit. Trouver une autre histoire vécue. Rédiger sur un amour plutôt romantique et assez platonique à cause de nos âges, me semble un défi. Et puis je m’encourage soudain, ce défi est intéressant. Courage. Ce sera moins banal, en fin de compte, que la narration d’un amour de maturité. J’en viendrai à bout. Je n’ai qu’à bien…mieux, me plonger dans cet âge candide. Si rempli d’espoirs naïfs, de souhaits flous. De vœux fous. Oui, courage, bonhomme écriveur ! En avant…fonce. Souviens-toi mieux, creuse…Creuse…

Notes : Hier soir, on a visionner « IDA », 90 minutes d’une histoire un peu bizarre. On se fiait aux critiques. Une jeune religieuse catholique polonaise, orpheline jeune, cherche les dépouilles de ses parents, découvre qu’elle est juive. Elle veut retrouver les dépouilles de ses parents tués par un antisémite. « IDA », est en noir et blanc, d’un minimalisme total. Pas banal du tout. J’ai eu des nouvelles (courriel) de mon cher David, le poète avant-gardiste, il va enseigner le français à des migrants. Ouf , et enfin car i il est plus que réticent, à 32 ans, à se dénicher un job (Plate forcément ) dans la vie réelle aux offres si souvent dénués d’intérêt. Je le reconnais volontiers. Il a un don très fort pour les mots, je le lui ai dit il y a longtemps et cela lui a-t-il monté à la tête ?

Souper dans le clan des Boucher à Duvernay. Colette : un as aux fourneaux ! Régal.

Denise LaPan, 89 ans, la mère de ma jolie bru Lynn, hier, tombée encore… Ambulance…l’hôpital de St-Jérôme…Merde ! Avant le Jour de l’An ! Merde !

 

un ensoleillé vendredi 19 déc (Angela « rides again ») chap 8 (?)

 Angela  Commentaires fermés sur un ensoleillé vendredi 19 déc (Angela « rides again ») chap 8 (?)
Déc 192014
 

 

(notes : j’achève « Chroniques martiennes » de Ray Bradbury, jamais lu ce pionnier de S.F., Je saisis sa grande réputation, Bradbury y jette du littéraire, habilement, ces très belles et ses imaginatives descriptions ( les étranges paysages sur mars) et cela sans « faire littéraire », ni cuistre, ni rien. C’est du fort et du bon.

Je lis sans cesse, rejette la télé. Ma liseuse (kindle) s’amaigrit, mon webmestre Marco va y voir.

À 6 h.p.m. ou le lendemain à midi, je m’amuse ferme à revoir à ARTV (au 28 en Laurentides) mes sketchs dramatiques pour « La petite Patrie », quelle candeur en 1945…quelle naïveté en ce temps-là. Frissons, oui, quand je revois ma mère ou mon papa mort en mai 1987, (dont je m’ennuie si souvent), le revoir vivant fantôme dans son caboulot, ce Jacques Galipeau, sosie véritable de papa.

Encore de bien noires nouvelles et toujours sanglantes (Australie, USA, Afrique, et ce Moyen-Orientaux mille misères (religieuses à las base). Et ici aussi…du sang à la une ! Brrrr…Dans mes gazettes, chaque matin, « la mort » toujours.

Quelle bonne paix, et bien peu appréciée, dans nos Laurentides ! Ce matin, encore un vacillement, eh oui, je titube (et bien à jeun ) durant un instant appuyé pourtant sur ma canne, à la porte du Boni Soir. Merde ! J’ai une neuve pataugeoire à eau chaude dans une clinique de physio et à 5 minutes de chez moi. Heureuses baignades de 45 minutes chaque fin d’aprè-midi.

Je note sur un calepin ouvert pour continuer Angela, carnet ouvert sur ma table à café, je ne faisais jamais ça (prendre des notes) quand j’étais jeune. C’est que ce nouveau récit d’auto-fiction m’énerve, une crainte bizarre car je suis bien content jusqu’ici. Mon admirateur précieux du Devoir (le critique des essais et de la non-fiction), Louis Cornellier, publiera-t-il encore : « Chef d’œuvre de Claude Jasmin », comme il l’a fait pour mon « ANITA » ? Je touche du bois…

Bon, à l’ouvrage pépère écrivailleur impénitent ! )

Oct 032014
 

D’abord mes excuses, pas Hyppolite pour Cartier mais Georges-Étienne, merde !) Saint-Sauveur a ses attraits (et ses « critiqueurs » aussi, « trop de monde ». Il y a là grand choix de restos et des boutiques. Ici le petit centre commercial a l’air « périclinant » et puis pour le ski (même la nuit !), c’est champion. Certains, pour leurs raisons affectionnent Sainte-Marguerite, ses lacs, sa tranquillité. D’autres, Saint-Adolphe (lâchez-moi le Howard !). Ou Sainte-Agathe, son côté « urbain », pratique, d’autres chérissent Piedmont ou tous ces bourgs dedans et autour du bien joli Lac Marois.

« Ou bin où encore ? »

Reste qu’il y a comme une « magie-Sainte-Adèle ». Elle tient à quoi ? Mystère. Certes, il y a eu « les mythes cocasses » que le père Grignon étala en longues confitures, via radio et télé. Légendes pittoresques plein ses ( souvent tristes) Belles z’histoires. Sait-on, à ce propos, que le terme Pays d’en haut désignait jadis les vastes territoires bien plus au nord-ouest ? Pays perdu du u temps des trappeurs, des « voyageurs intrépides. On doit ce déplacement aux écrits « feuilletonnesques » du boulimique, ce scripteur infatigable, Grignon.

On a l’impression parfois que tous nos artistes célèbres

Vécurent (au moins un certain temps) à Sainte-Adèle. Tenez, j’ouvre une biographie de Félix Leclerc et, boum!, lui aussi, le géant Félix, a vécu ici ! La liste serait longue. De Jean-Pierre Ferland à qui donc ? Notre voisin, le surdoué Charlebois m’a dit dans le hall du cinéma Pine « aimer lire notre hebdo », l’aimable.

Cette bonne réputation vient de loin. Du grand prestige culturel des années 1950 quand la dynamique Pauline Rochon , fille du docteur, animait « Le Centre d’Art », à teneur culturelle rare avec expos, concerts, théâtre, etc. À cette époque Sainte-Adèle brillait fort et était envahi de maints créateurs, artistes en tous genres. Des foules de métropolitains cultivés grimpaient à Sainte Adèle. Tenez, au curling du Chantecler, se tenait un salon du livre ! Il y eut, audacieuse initiative du brillant caricaturiste qui habitait une rue près de l’église, le réputé Robert LaPalme, qui fit naitre une étonnante fresque peinte par les étudiants sur tout le macadam de la fameuse Côte Morin,. De bas en haut. Une murale si étonnante et qui sera reproduite et vantée partout dans le monde. Photo dans, oui, le « New-York Time » ! M’sieur le maire, je m’engage (pour mai 2015 avec nos écoliers d’ici), à vous fournir, gratis, ma maquette d’une telle fresque. Pas cher, faite avec la « peinture municipale », donc en jaune et blanc (et noire avec le macadam). J’y mettrai des marguerites en masse !

Un jour, notre amie et hôte, (qui joua si souvent ici) osa nous dire : «  C’est devenu « Morte t’Adèle », ici, maintenant ! ». Raymonde et moi, nous avions protesté. Allons, une certaine magie persiste encore, non ? Il y a des galeries d’art rue Morin, un théâtre dit d’été, et, désormais, cette Maison des citoyens, pas vrai ? Je frotte mon épée-canne : « Que la magie soit toujours avec toi ma belle Adèle, mon cher village !

Août 122014
 

La semaine de « la fierté gaie » s’est terminé et on peut voir le film «  Yves St-Laurent », couturier célèbre, avec droit à mainte séances « physiques » entre des défilés de mode. Les temps changent. Les homos, c’était tabou il y a pas longtemps. EN 1956, Rentrant (pour trente ans ! ) à la scéno de Radio Canada, deux choses. 1-c’est une mini-ONU : deux Russes (dont Nicolas Sologoub qui vient de mourir), deux Allemands, un Hongrois, un Roumain, un Polonais. 2 : J’y découvre une quinzaine d’homosexuels (souvent surdoués) et s’ensuivent des amitiés. Avec confidences, aveux, confessions. Dès 1960, je rédige « le roman d’une passion homosexuelle et je le titre : « Délivrez-nous du mal » —toujours trouvable en biblio.

Je ne suis ni André Gide —« Coriolan »— ni Marguerite Yourcenar —« Mémoires d’Hadrien »— mais je lis dans une revue parisienne, Arcades : « Enfin un tout premier roman franchement homosexuel et, étonnante surprise, il est signé par un jeune canadien-français-catholique du Québec ! »

Les critiques, dont les deux « papes du temps » —J.Éthier-Blais et G.Marcotte— le louangent fort mais l’éditeur René Ferron se désole de voir revenir des boites « non ouvertes » avec : « Nous ne vendons pas cette sorte de littérature ! »

Avant publication, des journaux ébruitent : « Un roman de Jasmin portera sur la question homosexuelle ». Aussitôt des camarades s’inquiètent : « Merde, qu’est-ce tu oses raconter sur nous ? ». Je les rassure. Mon manuscrit fut offert d’abord à Pierre Tisseyre, mon éditeur de « La corde au cou ». Ce dernier le refusa. « Ah non Jasmin !, non, c’est à réécrire, il n’y a pas de chair, on ne les voit pas vraiment en action ! » Étonnement vu que ce Tisseyre « paraît » son jury —oui, oui— d’un aumônier.

« Délivrez-nous du mal » connut un fort bon succès. Tellement qu’un tout jeune cinéaste —Jean-Claude Lord, avec hélas des moyens de fortune en fit un (bien) long métrage Ses deux homos ? Yvon Deschamps —oui, oui !— et Guy Godin. Plus tard, Alain Stanké le rééditera « en poche ». En 2014, « Délivrez-nous du mal » relu, il semblera très éloigné du « brutal » actuel, du vulgaire scandaleux de tant de « quasi-pornos » à la mode. Cela au ciné comme à la télé. Les amateurs de crudités le jugeront trop nuancé car mon roman n’a rien à voir avec le « hard » et fait plutôt voir des sentiments humains avec nuances et délicatesses. Oui, les temps changent.

Dans ma jeunesse, il y avait des sortes de « grandes folles ». Certes rares. Dans mon quartier Villeray un bizarre travesti, au coin de la rue Bélanger, habitait derrière le cinéma Château, un certain Julien dit Juju. Il faisait des « sorties » fulgurantes tous les dimanches après-midi, ricanant, se dandinant dans les files de spectateurs, ultra maquillé, vêtu d’une robe rouge, d’un chapeau rouge, de souliers rouges, muni d’un sac à main… rouge. Silhouette rubescente, toute écarlate et cramoisie et qui surprenait grandement les loustics rue St Denis. Mon père l’avait comme fidèle client de sa gargotte. Je l’entendis un jour, paternaliste naïf : « Juju, Juju, qu’est-ce que ça vous donne de vous déguiser en femme comme ça ? Rien ! Promettez-moi d’arrêter ça, ces folies-là. » Et j’entendis la fausse femme : « Vous avez raison, m’sieur Jasmin, ça me donne rien et on rit de moé, m’en va vous arrêter ça, c’est promis ! » Et le dimanche suivant il remettait ça bien entendu. Oh !, dire encore sur ce sujet, qu’au cinéma Pine, les deux acteurs jouant le couple homo parisien emblématique (dont Galienne en Pierre Berger) dans le film biographique,  « Yves St-Laurent » est vraiment, mais absolument, extraordinaires.

MORT D’UN CINÉMATOGRAPHE PIONNIER : PATRY

 Requiems, DEVOIR DE MÉMOIRE  Commentaires fermés sur MORT D’UN CINÉMATOGRAPHE PIONNIER : PATRY
Juin 182014
 

Des gens me demandaient où l’ex-cinéaste Patry état allé se cacher ? Mystère. Pierre a été un ferment étonnant. Il n’y avait presque rien comme cinéma québécois en 1960 alors que le tout jeune Pierre Patry quitta « un bon boss et un job steady » à l’ONF. Avec Roy et d’autres camarades audacieux. Patry tenta l’aventure risqué de faire du long métrage de fiction, hors-documentaires. Il fonda Coopératio, loua un modeste local rue St-Hubert coin St-Zotique, accepta volontiers le fric du riche J.A. DeSèves. Il s’activa alors comme démon en eau bénite !

Jeunesses, vous auriez dû le voir se démener avec fougue sur ses plateaux sauvages improvisés. Je me souviens —été de 1965— dans l’église de St-Scholastique, le jeune Pierre dirigeant la surdouée Denise Pelletier, le doyen Jacques Auger, l’imposant Henri Norbert, la si belle Andrée Lachapelle et le prometteur jeune Guy Godin; avec, à la main, mon roman La corde au cou. « Claude, pas besoin de scénario, ton roman en est un ! » On disait que sa belle cape « de réalisateur » avait appartenu à nul autre que le grand Abel Gance, dénichée dans un Marché-aux-puces parisien; légende urbaine ?

Le lendemain, l’église passait au feu ! Surcharge pour les puissants réflecteurs du jeune cinéaste ?, silence et fuyons !

Son mécène radin, le proprio de « France-Film » (qui allait fonder « votre canal 10 », lui prêtait son yacht luxueux, sa maison, n’importe quoi. Premiers films —d’allure un peu bancale souvent— et la critique fut sévère. Ses films n’attiraient pas de grandes foules. « J.-A. » l’abandonna, TVA lui coûtait cher. Patry abandonna sa passion et deviendra, dans l’anonymat, un des actifs directeur d’un vaste Centre-Jeunesse, à Vaudreuil. La jeune industrie du film, hélas, oublia ces pionniers culottés. C’est la dure loi des hommes ! Adieu Pierre Patry, candide et courageux pionnier, tu l’as vu, tu l’as su, notre cinéma existe mieux désormais. Il va bien, enfin, pas trop mal. Tu dois être content.

Claude Jasmin

Écrivain

Ste-Adèle, juin 2014.

Avr 152014
 

L’ancien clown, farceur du groupe « Rock et Belles oreilles » a mué. On s’incline devant cette mutation car « Tout le monde en parle » est une réussite. Voilà donc un jeune bouffon (très applaudi) métamorphosé avec les années en animateur. Mieux, en excellent « questionneur ».

Encore humoriste à l’occasion. Guy-A Lepage —qui passe tout de suite après les lassantes grossièretés du monde de Serge Chapleau— est devenu un confesseur —très laïc— et extrêmement courageux. Le talk-show ordinaire exige son bavardage mondain, léger, Lepage dépasse ce rôle convenu en efficace informateur surdoué. Il domine donc tous les dimanches soirs, sans orchestre, sans chœurs, sans danseuses. La télé Lepagienne n’a rien à voir avec la facile concurrence du monde « la variété », zone clinquante. Où il est facile de rassembler. Chapeau donc à ce talent qui sait amener parfois des moments d’une forte émotion ! Ses tableaux dominicaux étonnent sans cesse, un carrousel plein de vie, des vues imprenables sur une société en mouvement.

Certaines séquences hertziennes dérangent les conservateurs, les prudes. Bref, les bien-pensants car Lepage est capable de propos d’une raideur féroce ! C’est un esprit libre et on doit féliciter son diffuseur —la SRC, une télé publique— qui lui accorde cette liberté inégalée. Certes, il y a —rarement—des moments de dérapage, personne n’est parfait. Soudain, un zest de démagogie. Une vulgarité inutile. Une boutade inappropriée, Lepage reste pas un fort efficace « résumeur ». Un « livreur de bilans semestriels ». Ses récentes entrevues avec le candidat Couillard et puis ma chère « Pauline » sont des modèles parfaits. Revoyez-les, ce sont des morceaux d’anthologie télévisuelle. Il dure ! C’est un record de longévité dans les annales ! Il faut lui lever notre chapeau, je lui lève tous les miens de chapeaux : de romancier, de columnist (ici à « Pays d’en Haut »), de critique d’art et même de dessinateur ! On a dit : «  la nouvelle grand’messe populaire ». On pourrait dire aussi  l’indispensable « pow wow » nationale ou « la place publique face à l’église » mais de tout un peuple. Reste un fait singulier : voici un hâbleur de cirque qui a su se changer en « Grand Reporter », en un journaliste fécond. « Simple bonimenteur », diront de méchants contempteurs ? À ce haut niveau de popularité, Lepage doit en avoir. Eh bien, ses facéties —gags ou horions— sont des condiments bienvenus; si vous n’êtes pas du genre « fesses serrées ». Lepage peut faire illusion car il fait ses devoirs (d’information) et il est appuyé par une équipe fiable dont son indispensable complice (venu des « Belles Oreilles »), Maître Ducharme et cette mystérieuse et emblématique « Manon ». Celle qui semble gérer tout le flux des images. Quel plaisir de reconnaître un éclatant succès ! Tenez, sans chauvinisme, on a le droit de déclarer Lepage bien supérieur à ce farfelu de Paris, Therry Ardisson. Non ? Lepage peut être féroce, il n’est jamais méchant mesquinement. Ni méprisant. Il est hors cliques, hors chapelles. Sans préjugé. Nous avons la chance d’avoir ce causeur —pas salonnard du tout. Ah oui, chapeau, très bas !

 

 

 

 

TI-COUNE SAUVÉ À STE AGATHE UN SOIR !

 Critiques  Commentaires fermés sur TI-COUNE SAUVÉ À STE AGATHE UN SOIR !
Juil 022013
 

Au crépuscule le lac —si joli, si vaste— du village était en beauté. Hélas, pas de temps à perdre dans ce Saint Agathe tout doux de début d’été. car Raymonde et moi avions un rendez-vous avec un ti-coune, un cacaile, un ti-coco, un ti-cul, un nono, un zozo.

Entrons dans une sorte de taverne bancale (au bon café), triste café sombre et triste d’aspect et puis vers ce théâtre aux fauteuils usés, à l’aspect vieillot, guère invitant, Le Patriote. Assis dans le noir on a laissé causer un énergumène, une sorte de vagabond mal vêtu au langage parfois grossier (*Chier, chier, chier), un jeune type énervé aux prises avec…lui-même. Voici donc pour deux heures de « jaserie folle » une sorte de dyslexique, ah oui, d’inadapté à la vie réelle. On rit. Jaune parfois. Bleu. Rouge, ça dépend. Notre ti-coune, démago ici et là ?, joue du joual et du chiac, franglais à la mode, on le sait (upgrade, level, etc.). Son esprit à mille facettes n’a pourtant pas besoin de ces faciles béquilles. Bon, ces glissades ne sont pas trop fréquentes, Dieu merci !

Moins patients que piqués au vif, le niais, le cave, l’abusé, l’imbécile quoi est inséré dans un cerveau aux lucidités renversantes, c’est tout entendu et alors on accepte volontiers d’entendre ses humiliantes bizarreries, ses honteux rêves cocasses. Il ira jusqu’à critiquer vertement… Dieu lui-même, sa création, donc, lui-même. Ce mince freluquet, tout jeune énergumène, effronté et modeste, craintif et audacieux à la fois —maigre vraiment comme un clou, au visage pâle, aux cheveux bouclés— est, en certains passages, oh oui, très drôle.

L’humoriste André Sauvé s’avance en des domaines aux audaces langagières capricieuses. Il ne patauge pas, jamais, dans le « pipi-caca », le « vagin-pénis » à la mode et si commun à tant de nos paresseux « comiques ». Que non ! Sauvé, lucide, cruel même, se psychanalyse avec franchise, se frappant l’égo douloureusement, cherchant pathétiquement un salut, une catharsis. Tous les malmenés de l’existence, les timides, les peureux, les malchanceux, les complexés se reconnaîtront vite. Sauvé (qui ira au Maisonneuve bientôt) n’hésite pas à se confesser cruellement devant tout ce monde (salle pleine au Patriote !).

Cette osseuse silhouette énergique, corps d’ado attardé, philosophe sans le savoir et son : «  être ou ne pas être » est excellent. Souple zigue à visage nerveux, à la gesticulation névrotique, avec une voix tendue —du « hight pitch »— Sauvé tente aussi, soudain, de nous initier eh oui ! à la menuiserie. Tente aussi de nouer des coq—à-l’âne fous, souvent, osant nous dévisager pour nous poser des questions existentielles intenses, tel du bon Guy Légaré d’antan). En finale, apothéose visuelle remarquable, Sauvé achève de s’humilier dans une reconstitution délirante : on le voit, imbécile, en public et bien obligé de socialiser. Allez voir la cruauté de ses lacunes. Un inadapté attendrissant, paralysé, incapable de causer comme tout le monde, inapte à la vie ordinaire. Il « fitte pas », dira-t-il. Alors, on se rappelle, tous, de connaissances, comme lui, incapables d’être à l’aise à la moindre sortie mondaine. C’est triste, pénible et hilarant. On est partagé face à ce Cré Basile », ce ti-Coune de ville, monter sur scène et l’encourager ou l’abandonner à son triste sort. Sauvé a su s’analyser et s’observer en sagace, ses tics comme ses mots d’esprit illuminent deux heures d’une sorte de « polyphonie pour un bêta crasse ». Chapeau !

Juin 222013
 

Ça y est, enfin, tu as repris ton vélo et te voilà en selle un matin de soleil. De la vieille gare de Mont Rolland, tu vas pédaler presque une heure, pour rouler à un « café du coin » de Val David. Déjà, dans la piste cyclable du « Train du nord », vers Sainte Adèle, tu prends conscience de l’ambiance féerique. Silence ce matin et la paix si totale dans la lumière toute striée de feuillage. Les discrets sifflets de tant d’oiseaux invisibles sont partout dans toutes ces collines que tu traverses.

Le bonheur ! Tu viens de la ville et jeune homme, tu n‘as jamais connu cette sorte de loisir, ni cette sorte d’excursion en baignant dans les sauvagerie. Tu te souviens de toi plus jeune, tu as vingt ans, on est en 1950, tu ne te remues que dans des espaces durs, parmi le ciment et le béton partout, marchant tous les matins, tous les soirs, entre des murs de briques. Du bâti solide t’environne de partout, du construit dur t’accompagne en ville. À perte de vue de l’asphalte. Tu te tenais en bande, paquet de bohémiens, génies méconnus, faune sauvageonne devant des carafes de vin rouge, à la Casa Italia, rue Jean-Talon ou à la P’tite Europe, Avenue des Pins. Tu ne savais encore rien du bonheur de filer sous les vertes frondaisons, sous la verte canopée et ses éclairagistes de mille verts, vrais vitraux dans ce tunnel de velours du « P’tit Train du Nord ».

Citadin, la campagne t’était un monde secret. Jeune anticlérical excédé, farouche adversaire en 1960 de tous les conservatismes, toi et ton gang de chums barbus à cheveux longs, tu gueulais, espérais dans vos nuits des « révolutions » exagérées. Au Royal Pub, rue Guy, à la Casa Pedro, rue Sherbrooke, imbibés avec les autres « beatniks » montréalais dont l’éponge-Patrick-Straram, ardent exilée de Paris. Ah non, tu ne savais pas du tout la joie de pédaler en paix dans ce « P’tit train », ce long cocon tapissé de verts mirifiques qui te ferait un fameux cadeau du ciel toi devenu vieux et sage : merci paix de ce matin, de rouler sous la prodigieuse falaise et au bord des cascades inouïes ! La beauté loin des révoltes farouches de tes 30 ans, aux adversaires injuriés, méchant, par des critiques féroces. Nos batailles d’intolérance face aux mous, aux trop doux à nos yeux, à ces gentils qui avaient bien le droit d’être aimables ! Nos virées tapageuses dans un bazou en beaux quartiers pour narguer la fille d’un grand bourgeois, nos tapages au « Bout de l’ île » pour scandaliser le travailleur endormi, devant se lever à l’aube. Nos pauvres illusions, Seigneur ! En 1970, tu étais loin de te douter alors que la « vie bonne « ( Nietzsche) serait ici, comme ce matin, dans ce couloir qui trottine (comme le train d’antan) à travers des étages d’arbres de nos Laurentides.

Chez Bourgetel, rue Maisonneuve, aux midis de ces époques folles, un Hubert Aquin ricanait. À L’Hotel Provinciale, rue Dorchester (sic), Jean Duceppe giflait raide ce Brousseau—con-paparazzi. Au Café des artistes, le chat dort, René Lévesque jongle du monde entier avec le génie Pierre Dagenais. Au Yatch Club, sur Peel, le bel acteur Dupuis taquine le nabot surdoué, Robert Gadouas. Dans un coin, Claude Jutras, tout jeune, ose planifier un film. Tous, en ce temps-là, nous ignorions que, sur une voie ferrée, un « p’tit train du nord » faisait entendre ses « tchou-tchou, tchou-tchou », selon Félix Leclerc.

Mar 042013
 

C’est samedi matin, on roule vers la gare des autobus où un minibus (que je raterai) conduira à Hull 35 écrivains vers leur Salon du livre. Raymonde conduit la Honda noire, j’ouvre Le Devoir et comme promis, je vois la page du Cahier-Livres qui m’est offerte. Je vois la photo de moi, au 1111 rue Berri devant le porche de ma vieille « École du meuble » où j’ai obtenu (en 1950) un diplôme de céramiste. Mon « chauffeur privé », Raymonde, m’écoute lisant la critique « dithyrambique », extrêmement louangeuse du journaliste Cornellier pour mon récit maintenant en librairie : « Anita, une fille numérotée ». Je suis bouleversé car Cornellier parle d’un chef d’oeuvre ! Rien de moins, alors, imaginez mon émoi. Soudain, Raymonde fond en larmes et se stationne.

Vous qui, ici, me lisez chaque semaine, sachez que les artistes —théâtre, peinture, danse, etc.— sommes fragiles. Que nous guettons avec appréhension les opinions critiques sur ce que l’on pond, que les blâmes font mal mais que les éloges, publiques et aussi privées —merci pour vos courriels— nous fortifient, nous stimulent aussi, nous encouragent à continuer.

Les mots chauds, si enthousiastes de Cornellier dans Le Devoir de samedi dernier, me paralysèrent, j’étais comme assommé et il m’a fallu 48 heures pour m’en remettre et, enfin, le remercier. À mon grand âge, on se pose des questions. Est-ce que j’ai toujours d’assez bons ressorts, assez de jus, pour encore savoir bien raconter un pan de vie. Avec « Anita… », un souvenir embarrassant de ma jeunesse ? Cette fois —est-ce mon cinquantième livre ?— puis-je narrer avec un bon talent cette brève histoire d’amour adolescent. Cette folle passion pour une jolie jeune Juive, blonde aux yeux bleus, rescapé d’un camp nazi, devenue étudiante en céramique avec moi à cette École du meuble ? L’éditeur (XYZ) a lu et vous a dit « Oui, on le publie » mais est-il épaté ou s’il veut seulement vous joindre à sa vaste écurie d’auteurs ? Le doute, ce maudit démon ! Voilà qu’un journal prestigieux titre : « Anita »,  c’est un chef d’œuvre ! »

Soudain, vous dégringolez dans les souvenirs d’un gamin de Villeray qui rêvait, hésitait —comme tous les ados—, devenir céramiste ou comédien ? Annonceur de radio ou… écrivain, quand il n’y a pas même un seul livre chez vous, quand les parents prudents s’inquiètent de votre avenir. « Un artiste dans notre famille, Seigneur !, il va crever de faim. » Vous, fils de petit restaurateur, vous savez bien le danger des illusions mais vous aimez tant raconter des histoires depuis celles (d’horreur) racontées le soir, tard, dans la chambre-double de vos cinq sœurs, les empêchant de dormir. « Marche vite dans ta chambre, mon escogriffe », me criait maman.

Et puis, un jour, cet hebdo de Villeray qui accepte vos premiers articles. Maintenant c’est l’hebdo d’ici qui accueille vos écrits chaque semaine : boucle bouclé ? Si personne n’aime ce que vous pondez, c’est la fin d’un rêve. Bien chanceux, voici que, 50 ans plus tard, ce Louis C. , jeune lecteur emballé, publie des éloges vertigineux et affirme « urbi et orbi » que cette Anita de vos dix-huit ans, eh bien, « c’est un chef d’œuvre » ! Je suis sur un nuage. Le lirez-vous ?

 

Sharing Buttons by Linksku