fév 122013
 

 

Joli dimanche au soleil tamisé et suis amusé d’observer tous ces enfants au rivage du lac gelé. La beauté et la gaieté dominicale avec ces glissades : tant de traîneaux, de luges. Et de patinage. Bonheur brut de l’enfance. Que de modernes « machins de glisse » divers. De ces objets gonflables colorés des temps nouveaux si inventifs.

Parmi mes chroniqueurs préférés, il y a Stéphane Laporte quand il narre des péripéties de son enfance. Il stimule, fait nous souvenir. Il y a 30 ans ?, allant visiter mes deux « vieux » bien aimés et dont je m’ennuie tant, une envie me prend : sortir pour revoir, 25 ans plus tard, ma ruelle, là où j’ai joué durant tant d’années, hivers comme étés (Bélanger et Jean-Talon). J’y vais. Personne ? Pas un chat et pas un bruit ! On ne tire plus ni ne tue ! Pas même une ombre qui court, qui tombe, qui saigne aux genoux. Ou qui frappe une balle, une rondelle. Qui casse une vitre, qui fuit la police dans l’entretoit des Vincelette !

Étonné, je rentre : « Maman ! Il y a plus d’enfants dans notre ruelle ? » Les temps changeaient ou il y avait tellement moins d’enfants ? Je sais : il y a eu de ces moniteurs salariés dans les parcs, des excursions organisés. Et mes petits fils allèrent à ces « camps d’été ». Totale liberté là ? Comme dans nos libres et sauvages ruelles ? Hum ! Comme Laporte ma stupéfaction quand je lis que des « vieux » plaignants font détruire une patinoire d’enfants dans une ruelle ! Faut publier le nom du fonctionnaire imbécile obéissant aux chialeurs, non ?

Ah ces empêcheurs d’enfance ! Tel notre « M’sieur Turcotte », vêtu de sa noire redingote, qui nous imposait, au milieu de notre ruelle, cent pieds de silence absolu. Les petits cow-boys, durant deux minutes, se changeaient en anges muets le long de ses salons mortuaires. Dès les premiers cris et « tow-tow » d’un funeste combat « western », mamzelle Laramée rentrait son chat de haut pedigree et le populaire gros docteur Mancuso rentrait vite dans sa cour ses débordantes poubelles… d’urine, de sang… et autres fluides. La belle noiraude Sylvana sortait gruger du raisin, toute décolletée, langoureusement pendue à sa barrière de jardin, offre d’une énamourée ! Pur gaspillage ! Un jeune guérillero du far west n’a pas une minute à perdre à contempler une fille !

J’ai été jusqu’ à 12 ans un petit voyou, un fracasseur de carreaux chez Colliza, chez Ambrogi, au hangar de la veuve Décarie. À 13 ans ? Illusion paternelle : je devais faire un prêtre et on a jeté le vivant voyou chez les « Messieurs de Saint Sulpice » (nommés : les supliciens  ), au Grasset. Fin des jeux sauvages e t, vu les congés à des jours différents, la lourdeur des devoirs, ce sera la fin de mes amis et de la ruelle. Adieu donc à mes fidèles, Deveau, Moineau, Malbeuf (leurs vrais noms). Ici, dans mes collines, en mon village sans ruelle, où donc crient et jouent les gamins insolents ?

 

 

 

 

  4 Réponses to “JEUX INTERDITS ?”

  1. « Souvenirs d’un vieillard » chanson de notre folklore
    source: http://www.leparolier.org/textes/souvenirsdunvieillard.htm
    Petits enfants jouez dans la prairie
    Chantez sentez le doux parfum des fleurs
    Profitez bien du printemps de la vie
    Trop tôt hélas vous verserez des pleurs

    Quoique bien vieux j’ai le coeur plein de charmes
    Permettez-moi d’assister à vos jeux
    Pour un vieillard outragé plein de larmes
    Auprès de vous je me sens plus heureux

    Derniers amours de ma vieillesse
    Venez à moi petits enfants
    Je veux de vous une caresse
    Pour oublier, pour oublier mes cheveux blancs

  2. Dans Le dernier calepin, Félix Leclerc écrit:
    «Si, sous la glace, les fleurs ont de la mémoire, pourquoi pas nous?»

    M. Jasmin, vos souvenirs de jeunesse sont toujours intéressants. À un certain âge, à un âge certain , on nous accuse de radoter. Votre plus vieux souvenir remonte à quand? Quant à moi, habitant le sous-sol de mes grands-parents, à 4 ans et 1 mois…le cercueil de grand-papa trônait alors juste au-dessus de ma petite chambre à coucher!!

    Plus j’avance en âge, plus cette citation de Jean Guéhenno prend toute sa valeur, son jus:

    « Les impressions d’enfant fixent la couleur de l’âme.»

    Sans doute votre prochain livre, Anita, une fille numérotée, lèvera-t-il le voile sur un autre pan de votre histoire personnel…éclairant une partie de notre histoire collective québécoise.

  3. « Ici, dans mes collines, en mon village sans ruelle, où donc crient et jouent les gamins insolents ? »

    M. Jasmin, avoir des enfants est un travail à plein temps.
    Aujourd’hui, les deux parties du couple travaille. Wow, toute une émancipation! Lorsqu’un couple a 1,67 enfant, il est éduqué par une
    garderie. Les véritables gagnants sont les entreprises.

    Source: Le Devoir
    Le taux de croissance de la population au Canada pourrait dépendre exclusivement de l’immigration d’ici 50 ans, selon des projections publiées aujourd’hui par Statistique Canada.

    Le taux de natalité au pays stagne à environ 1,67 enfant par femme, ce qui est bien en-deçà du minimum de deux enfants par femme nécessaire pour assurer le remplacement naturel de la population, a notamment indiqué l’agence dans la première publication de ses données du recensement de 2011.

  4. Il m’a fallu du temps pour oser retourner visiter ma ruelle, mon far-west d’enfance, et l’expérience m’a consterné. Déconcerté. Bouleversé. Le vaste espace de mes cavalcades et mauvais coups, le territoire sauvage et secret de mes premières amitiés, amourettes, aventures, découvertes, ce qui jadis avait été le long et le large jardin en béton de ma vie petit garçon, m’apparut fondu comme peau de chagrin. J’en franchissais désormais la distance en quelques enjambées, et il n’y avait plus d’enfants dedans; le poteau d’arrêt-stop avec lequel j’avais tant lutté avant d’arriver à grimper jusqu’au top, j’en touchais désormais le sommet sans déployer tout mon bras. Bref, j’ai appris une amère leçon, ce jour-là.

    Ça fait vingt-cinq ou trente ans, cependant. Aujourd’hui, les aléas du diabète font que marcher me devient de plus en plus difficile, et je songe parfois à repasser par là, retraverser: pas en courant, comme un enfant, mais pas non plus en quelques enjambées, comme un jeune homme; ce serait d’une autre, tierce façon, et j’en aurais je ne sais quelle nouvelle impression.

    Ton billet a fait refluer ces images, et en prime, M. Lalancette m’oriente vers le texte de cette complainte que je cherchais depuis un bout de temps: Mamie, décédée, me la chantait quand j’étions flo. Merci deux fois, donc.

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