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Sujets 'Souvenirs'

Il pleuvait. Un samedi matin bien gris. Dans l’église, sur un podium, une urne. Funèbre. Dedans, Julien, un ami mort, un ami de jeunesse. Dernière rencontre. L’épousée, veuve, pleure. Ma compagne pleure. Je me retiens car « un homme » ne pleure pas, c’est tout entendu. J’ai mal, si mal pourtant.

J’assiste à l’enterrement d’une partie de mon passé, d’un temps révolu, celui d’une petite troupe de vaillants et preux mousquetaires quand nous avions vingt ans. Que nous étions excédés par une société puritaine, fragile, à l’identité incertaine « dans un pays incertain », cher Jacques Ferron. L’on s’agitait fort tous les quatre. Oui, quatre comme dans « Les trois mousquetaires. »

Michel, Roger, Guy et moi. Et, lui, dans une urne, Julien ? Lui, le cinquième membre, « à part », différent de nous les futurs artistes puisque Julien achevait ses études classiques lui, et s’en ira en droit, à l’université, lui. L’unique futur « professionnel » dans notre bande, resté fidèle malgré tout à ses camarades « les rêveurs ». Bravant nos parents anxieux : « Vous serez sans métier sérieux, vous vous préparez un avenir de misère ». Nous enragions puisque, c’est tout vu, nous allions transformer cette pseudo-culture niaise qui nous entourait, nous abrutissait, nous empoisonnait. Nous serions des Malraux, des Picasso québécois, c’était Borduas, « le congédié », qui avait raison, oui, oui, il fallait abattre toutes les cloisons et vivre libre !

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Claude Jasmin est plongé dans la rédaction « effervescente » de son prochain bouquin. Les souvenirs de la décennie récente : 1985-1995. Retraité de Radio-Canada, il va s’offrir en « gardien » de ses cinq petits-fils. À son grand étonnement, il va re-découvrir, au travers ses excursions ludiques, les joies, plaisirs, émotions, déceptions de l’enfance. Voici un chapitre pris un peu au hasard qui illustre bien son grand bonheur de « jouer » avec des galopins assoiffés de découvertes candides.

Chapitre :11 de « CLOUÉS À NOS AMOURS »

Petit enfant, j’étais jaloux des oiseaux. Ah, pouvoir m’envoler ? Rêver d’être Superman ! Icare toujours ! Voici mon David qui, à douze ans, rêve à son tour : pouvoir voler ! Il veut un avion. « Son » avion. Rien de moins. Je le soutiens, je l’encourage : « Oui, mais oui, un jour, un jour, tu pourras… » Je le comprend parfaitement, tous les jeunes garçons du monde font-ils ce même rêve, éprouvent-ils ce même besoin ?

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voisine, Janine (Huard), est pas fine aux yeux des ses odieux tortureurs : elle ose encore se révolter contre l’horreur venue d’Ottawa et de Washington, via la CIA. Avec l’acoquinement funeste de Mc-Gill-University, son chic hôpital « Royal Vic’s » et sa réputée succursale, le Allen Memorial.

Imaginez maintenant un peu le topo : un coquet lotissement à deux coins de rue de la prison de Bordeaux avec des arbres et des fleurs, des pelouses proprettes. Derrières les cottages et les bungalows, ce vaste champ vacant de l’Hydro-Québec en un immense sauvage terrain de jeux…Des familles tranquilles, des enfants qui jouent dans la rue puisqu’elle est une impasse. Zotique-Racicot, tragique « impasse » en effet pour Janine !

À trois maisons de la mienne, une jolie jeune maman blonde qui part souvent pour des séjours en clinique. Légère dépression, Lafontaine : « ce mal qui… Ils n’en mouraient pas tous … ». La confiance règne n’est-ce pas ? Les bons docteurs, les gentils, les savants médecins veillent sur notre santé, n’est-ce pas ? Or, il y a aussi des docteurs cinglés, des fous raides !Il y avait là, pour ma voisine, ce salaud de docteur Cameron, hélas ! Subventionné par Ottawa et Washington-CIA, le bon docteur Ewen Cameron, Écossais immigré, se livrait sur ses malades à des expériences extrêmement dangereuses. Voilà notre Janine, et tant d’autres, devenus sans qu’ils le sachent, de simples « chairs à expérimentations ».

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Chacun a ses souvenirs. Pour moi c’est : un été fécond ce 1967 estival. Je viens de quitter « La Presse », refus des « en place » pour que j’y devienne un permanent. Une méfiance ? Je reste scénographe salarié à la SRC. Me voilà soudain critique d’art toujours pigiste. Mais ailleurs. Au « Lundi », le vrai, le sérieux, le solide, fier hebdo illustré par un surdoué dessinateur et caricaturiste, Normand Hudon. Une revue « news » fondée par Bernard Turcot, le père de la comédienne connue maintenant. Je dois donc « couvrir » l’Expo.

L’été vient, l’Expo s’ouvre. J’y verrai un art bien moderne, multinational peuplé de pavillons souvent étonnants, parfois bien mornes, bien pauvres. Ceux de petits pays pauvres justement. Un seul me fera un choc, renversant. Celui de la Tchékoslovaquie, encore en un seul pays à l’époque. Son concepteur inouï, Svoboda, est un véritable génie en cinétique. Il s’agit d’une multitude de blocs, de cubes, mobiles et en tous sens, avec, sur ces facettes, une avalanche de projections mouvantes et dynamiques. L’ensemble forme une sorte de gigantesque kaléidoscope archi-lumineux. Foules étonnées et donc longue file de visiteurs aux portillons. J’ai, pour couper la queue, ma carte de presse, Dieu merci. Ce Pavillon me jette à terre moi comme tout le monde.

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Depuis « ado » que je me consacrais à « arts et spectacles » seulement. Tout autour de moi comme pour tous mes camarades « zartistes », il y avait, il y a toujours, « un autre monde ». Depuis quelques temps, ne voulant pas mourir idiot, tel un navigateur sur un continent inconnu, je lis sur cet « autre monde », celui des affaires. En ce moment une nouvelle de la Presse Canadienne. J’y viens.

30 années donc à travailler -aux décors- à Radio-Canada en ignorant un immense mur nous séparant : celui d’un secteur fort actif, d’un monde « à part », celui dit « commercial ». Aucun contact, aucune rencontre entre les « vendeurs de temps publicitaire » et nous, les créateurs de divers ordres. Étais-ce normal ce séparatisme ? Ma compagne de vie y fut toute jeune secrétaire en ce grouillant secteur commercial, elle était donc alors « de l’autre côté du mur », calculait les espaces en studio pour les cigarettes « PLayer’s » durant « Les Plouffe », par exemple. Rien à voir avec ce qu’elle deviendra un jour en « calculant » désormais ses prises de vue pour des textes de V.-L. Beaulieu !

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De 25 à 55 ans, j’ai vécu dans un quartier un peu bizarre. Pour m’accommoder en n’importe quoi, il n’y avait aucun magasin proche de chez moi, rien. Qu’un lotissement de bungalows et de cottages. Il fallait me rendre, en voiture, à un centre commercial -Salaberry dans Bordeaux. À 56 ans, déménageant rue Cherrier, durant une décennie, je fréquentais la rue Roy et de trop rares magasins à dimension humaine -un barbier, un cordonnier, une petite épicerie. Dix ans plus tard encore, à Outremont, je fais l’heureuse découverte d’une sorte de village-en-ville. Services de proximité et nombreux magasins « humains », rue Van Horne, rue Bernard et « chic » rue Laurier. Ma joie alors. Débarrassé de ce centre commercial où aucun marchand(e) ne vous accueille en ami, ne vous sourit, ne vous reconnaît, où l’on se sent un « étranger », un anonyme client.

Enfant, adolescent de Villeray, j’ai connu le monde des marchands humains. La vie chaleureuse. J’entends par là, des lieux où l’on a un nom, un visage reconnaissable, une personnalité. Rue Bélanger, rue Jean-Talon, les petits marchands nous parlaient, prenaient le temps d’échanger des propos -actualités chaudes, météo, la bonne santé.

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Nous lisons des études, des projets, pour les itinérants, ces misérables de 2007 qui couchent à la belle étoile. Ou dans des cabanes de carton. Un article récent dit : « Une « homme de la rue » coûte cher à l’État ». Un jeune de mon entourage me dit : « Papi, dans ton temps, ça existait pas ça, ces pauvres bougres perdus, sans feu ni lieu ». Je l’ai détrompé. Juste au coin de ma rue -Jean-Talon- il y avait Rosaire.

On disait « un vagabond. » Rosaire était une attraction dans le quartier. Vêtu à la diable, ce gaillard rodait partout comme en galopant. Dans nos ruelles, il fouillait les poubelles, quêtait aux portes des restaurants, des cinémas, la main tendue. Ou sa casquette. Gamins, nous en avions un peu peur, l’apercevant, tard, nous faisions « un grand détour » comme chantait Félix.

Rosaire était une loque humaine mais..il était toujours joyeux ! Quel mystère pour nous !

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J’ai raconté, honteux, nos chasses aux chats de ruelle, de gouttière, dans « Enfant de Villeray ». Chase furieuse à ces tristes matous errants, pelés, aux queues coupées parfois, aux oreilles rongées. Et sans collier aucun. À la fonte des neiges, l’air sentait leurs pisses fréquentes de l’hiver en allé, C’était ce que nous nommions des « chats marcoux ».

Je n’ai jamais su quoi répondre questionné sur cette appellation de « marcoux » ! En fin mars, à « Tout le monde en parle», j’ai osé raconté nos chasses et j’ai répété le terme. On se questionna longuement en coulisses. Or, André Ducharme, alter ego de Lepage, a fait une recherche. Eureka ! Enfin, je sais !

Scarron utilisait le mot « marcou » et le lexicographe Dionne écrit : « Nos anciens faisaient des mots d’animaux à partir des saints : « matou » à partir de Mathieu et « marcou » à partir de Marc. » Un autre, Clapin , avance :
« Marcou se dit aussi d’un homme (un mac !) entretenu par les gages d’une ou des putes. Puis il cite Du Belley : « De nuit n’alloit point criant / comme les gros marcoux terribles/ en longs miaulements horribles. »

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     C’est un dimanche de soleil tombant, il est 17 h. et j’ai les ongles noircis d’un nettoyage au sol. Aller ensuite s’allonger sur le transat de la galerie pour souffler et…soudain, des cris au ciel ! Cinquantaine d’oiseaux dans le ciel adèlois ! En formation de « V ».  Ils sont donc revenus ! Beaux canards [...]

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Entre deux entrevues —promo d’un neuf roman oblige— un peu de temps libre et c’est dimanche, et il fait soleil. Nous disions jadis : « aller faire un tour de machine ». Dans celle d’un oncle, Léo, car mon père n’a jamais eu d’automobile. Rouler, sans but précis, un sport national longtemps. Rouler donc dans le Vieux, et voir, revoir, ces architectures d’antan, la beauté ! Les vélos sont sortis, la neige disparue. De la joie brouillonne dans l’air, des touristes de partout le nez dans cet air. Rouler vers l’ouest, toute une zone industrielle qui se métamorphose en blocs à appartements. Que de condos ! À vendre. À louer. Tentative pour garder les nôtres loin des banlieues ? Vouloir vivre pas trop loin du cœur de la métropole ? Attraction pour de jeunes couples… mais s’il vient des enfants ?

Revoir les vieilles rues, Nazareth, Willam, là où, à vingt ans, je faisais du « window-display » en apprenti-décorateur à pas trop cher l’heure ! On a jeté à terre les vieux bâtiments de ma jeunesse. Que de grues la tête haute ! Rouler au sud du vieux canal, entrer dans cette vétuste Pointe Sainte-Charles, revoir avec ce pincement au cœur cette petite rue Ropery, la maison —rénovée— où ma mère a vécu. Revoir

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