mar 052012
 

 

 

Joie folle, enfant, que nos premiers films montrés au sous-sol de notre église. Quelle évasion ! Bonheur d’aaller à quinze ans, une première fois, au « vrai » cinéma du coin de ma rue, le Château.

Dans notre vaste région de collines, aucun cinéma à partir de Lafontaine, Saint Hyppolite…  Ni à Ste Agathe, ni à St-Sauveur ? Pas un seul grand écran. Rien. Ici, nous sommes chanceux, il y a Tom Farmanian, il y a ses salles de Sainte Adèle ! Quel bonheur pour les cinéphiles. Certes, Tom doit afficher les gros succès populaires. Il a ses frais, tant de factures et de taxes à payer mais, cinéphile lui-même, il offre aussi les meilleurs productions du moment.

Le cinéma Pine est une des bonnes raisons d’aimer vivre par ici. Remercions Tom —qui a été honoré avec justice récemment— son travail acharné nous permet, comme les citadins de la métropole du Québec, de voir le cinéma dont « on parle ». J’y ai vu « L’artiste », gadget très vide —en muet et en noir et blanc et je fais partie de cette minorité (sans doute !) qui a viscéralement détesté ce « navet » (selon notre couple). Mais les p’tits vieux du jury des Prix Oscars, eux, ont été flattés de cet hommage venant des frenchmen voulant saluer (sans scénario structuré) les pionniers d’Hollywood.

Dimanche, au lieu d’aller me balader sur le lac Rond au beau soleil, on a été voir vu le film iranien qui a battu « Monsieur Lazhard ». Je n’ai rien d’un chauvin (aller vérifier) : « La séparation » est un très long et très bavard et très ennuyeux face à face —bien film et bien joué cependant. Un paquet de fieffés menteurs empêtrés dans une querelle bien bête et qui n’en finit pas. L’impression que « La séparation » dure six heures !

Il n’en reste pas moins que malgré des déceptions,  et c’est fatal, nous avons la chance de voir les films « dont on parle ». C’est important. Chaque fois que nous descendons la Côte-Morin pour y aller, on a l’impression, de vacances, l’été, d’aller au ciné Ogunquit dans le Maine, ou en Floride jadis !

Hélas, on me dit que les jeunes visionnent sur le « tout petit » écran de leur ordinateur, connecté souvent au « petit écran » de leur télé, un cinéma, me dit-on, aux centaines de choix. Mais il n’y a rien d’aussi festif que de se rendre à une salle noire, se retrouver solitaires mais solidaires avec les autres. Non ? Hélas, comme la peinture, la musique qui se fait, où la littérature (je le sais trop !) et la danse donc, les créateurs sont méprisés par cette jeunesse rivée à l’ordi. Voilà une masturbation, oui, un onanisme via le web sur le net. On a dit que l’arrivée de la télévision (automne 1952) avait tué les artistes de variété, les cabarets, etc. On peut dire que la venue de l’ordinateur tue aussi. Pourquoi se priver de ces réunions humains où ça tousse, ça remue, ça s’émeut, ça grouille, ça mange du maïs ou de la réglisse, ça vit ensemble, c’est un grand tort. Ne grave erreur. Disons même une forme de déshumanisation —une de plus. De grâce, un effort villageois des alentours, allez au cinéma  Pine. Ceci n’est pas une pause « publicitaire », c’est un appel en faveur d’un minimum de vie grégaire, de vie humaine normale pour une existence un peu communautaire.

Tenez, allez vite voir « POLISSE », un vrai petit chef d’œuvre de madame Maïween qui est aussi excellente actrice dans son film. Un captivant récit sur des faits vécus dans Paris. Récits fascinants avec des jeunes gendarmes, tous excellents acteurs des deux sexes. Voyez une jeunesse vivante ! Merci Tom !

 

 

oct 252010
 

C’était à Mont-Rolland, ou à Piedmont ? Bof, flou dans ma mémoire. En tous cas, vision soudaine de deux jeunes silhouettes. Je me rapproche. Image plaisante, un tableau naturiste, titre : Jeune couple sur un banc bancal. Des rochers,  cascade d’eaux rugissantes. À l’horizon, nos collines, défeuillées. Paysage de mauves et de pourpres affadis. Bientôt de belles  neiges ? Ce couple joli, quinze ans…ou vingt ? Difficile à dire désormais. Elle au joli visage d’un Botticelli, cheveux d’un roux blond. Lui, un noiraud musclé, beau visage sculpté, bel Apollon. Envie d’admirer moi aussi cette chute sonore et ses eaux bouillonnantes. Je m’installe donc à l’autre bout du banc.

Sourires et petits saluts de part et d’autre car, avec « ma tête de pâtre grec », je n’effraie personne. Le garçon me sourit, me parle. D’elle et de lui, de l’avenir et de l’amour. « Est-ce durable ? » Ô la vieille question ! Je confie être toujours amoureux, depuis 50 ans, de la même fille ! Mes tourtereaux  sursautent :« Quoi?, hein, ça se peut ça ? » Ce sera alors mon sermon sur cette colline. « Facile si on accepte de mêler l’amour avec la sexualité. La tendance pornographique de notre  époque peut tromper les amoureux pressés, hélas ! »

La fille ouvre un sac de pinottes et aussitôt opine du bonnet : « Oui, vrai ça, partout, ciné et télé, c’est le « vite consommé » et bye-bye! » On rit. Je continue : « Facile et possible l’amour qui dure si on sait mettre ensemble sentiments et sexe. Très facile alors de faire durer. Tourner le dos carrément à « sexualité bestiale seulement », accepter de ne pas séparer « besoin génital et émotions humaines. » Un gras geai bleu nous frôle, une noire corneille se sauve en coassant fort. L’eau remplie d’écumes déboule, durable elle aussi.

Ils m’écoutent ravis et j’en suis..ravi ! Leur dire aussi d’aller à la biblio et lire, de M. Kaufmann, « amour@sexe »

( ou vice versa, je sais plus). Une lecture utile en diable. Leur dire aussi qu’il y a Marie-Paul Ross à lire, à consulter. Qui ? Une religieuse savante et sage (docteur en sexologie). Elle aussi, comme Kaufmann, fut invité à « Tout le monde en parle ». L’eau rugit, glisse, tombe avec son beau fracas. Vastes parois de granit rose qui brillent au soleil, astre timide de fin octobre. Silence face à cet entonnoir minéral gigantesque. Un décor laurentien familier. La fille me raconte qu’aux études on ne fait qu’illustrer les appareils génitaux, le fonctionnement organique. « La machine mécanique », et elle rit tristement. Place à la biologie. Lui me dit : « On n’ose pas nous parler des« sentiments », une pudeur bizarre ». Comme je donne raison à ma chère sexologue-nonne, Ross. Dans le récent bulletin « Madame », elle parle de « déshumanisation ». Fléau actuel. Aussi de « défiminisation » quand on veut faire croire à l’égalité-hommes-femmes alors que l’amour est le plus profond désir chez une fille. Le plaisir ? Une valeur ajoutée, rien de plus. Mes deux jolis pigeons à roucoulements sursautent encore si je dis : « Le principal organe de la sexualité ? Le cerveau. »

Une réalité. Merde, on enseigne quoi aux écoles ? Que pénis, vagin, testicules, vulve ! Quelle connerie l’école, alors ! Non mais…

p.s. : Un sermon ?, pourquoi pas ? Ne suis-je pas l’auteur d’un « cinquième » évangile :  « Le rire de Jésus » ? Publié en 2009 cbez Marcel Broquet, éditeur à St-Sauveur !

(30)

sept 172008
 

Chaque fois que nous parlons d’un disparu, il revit. Je parle souvent de mon père. Et de ma mère. Je veux vous parler de Françoise. De Françoise S., la « vieille fille » héritière d’un important bijoutier du Plateau. Elle était notre voisine immédiate. Dès notre installation en 1973, ce sera la découverte d’une voisine rêche, raide pimbêche sans aucune bonne façon. On prenait conscience Raymonde et moi, d’une voisine peu sociable qui ne sortait que…sur sa longue galerie d’en arrière.

Petit coup de tête à la nuque raidie, si je la saluais, moi, l’écrivain-commère. Méfiance ? Premier contact quand Raymonde osa déposer des quenouilles (arrachées d’un mini-marais qu’on a comblé depuis) sur le rebord de « son » muret : «  Laissez pas ça là ! Ça pourrit ça et ça pue ! Ramassez ça et à la poubelle au plus sacrant ». Premières paroles de bienvenue quoi ! Sidérés nous étions. Plus tard, toujours de sa galerie, sa parole grièche, son ton surélevé :

« Y a votre chaloupe, là, vous l’attachez mal, elle traîne encore à mon rivage, alors, si-ou-pla hein ! »

C’est fou mais face à de telles gens, j’ai toujours comme  le goût, le besoin instinctif  de… conquérir. Je cherchais à « comment charmer cette sauvage Françoise un brin », comment l’amener à des rapports un peu plus aimables, entre voisins, c’est nécessaire, non ? Si je lui causais météo, juste pour parler, j’obtenais de sourds grognements, si je lui causas coût de la vie au village, des marmottages. Non, pas du tout envie chez ma voisine de tisser des liens. Un jour d’octobre : «  Écoutez donc là, votre vieux Giguère (un érable) si proche de ma maison, à chaque automne ses feuilles mortes couvrent ma toiture, ça pourrit, mauvais pour mes bardeaux. » À chaque automne revenu, ce sera même lamentation et ses raides reproches. Au troisième octobre, je lui répétai : « Il y a une chose Françoise, j’ai fait des démarches, j’ai voulu engager des gens, chaque fois on promet de venir couper mon « giguère »  mais personne ne tient parole » ! » Oh la la !,  il n’en fallut pas plus cet automne-là pour que ma misanthrope en sombre jupe éclate : « Là, je saisis votre problème, parlez-moi z’en pas, pas moyen d’engager qui que ce sot, je le sais trop moi-même. Je connais notre monde par ici, tous ces hommes sont des bons à rien. Allez voir en bas de la côte, à l’hôtel Laliberté, c’est là qu’ils sont ceux qui vous font des promesses qu’ils tiennent pas, dans cette taverne à jacasser, à cuver des bières. Une bande de fainéants. »  C’était tout de même la première fois que ma voisine acariâtre fraternisait enfin et prenant mon parti. « Je vous entendais pactiser tous les deux, me dit Raymonde, ma foi tu vas finir par t’en faire une amie ».

Mais un autre jour, au printemps, après la fonte des neiges, de sa galerie, sa voix haut perchée, ses cris de nouveau : «  Écoutez un peu, y a des limites, ça a p’us de bon sens, vous faites rien pour corriger ça, votre clôture de broche entre nos deux terrains, est toute croche, c’est pire que jamais, a traîne à terre sur mon terrain, toute éparpillée, quand donc allez-vous vous décider à la redresser ? »

Je le fis. Je voulais la paix, je voulais l’amadouer, je la sentais si seule. Pourtant, un soir, le soleil allant se cacher derrière le Chantecler, je vois sortir de chez elle, un vieux mais costaud personnage. De sexe masculin. Une canne à pêche à la main, vêtu chaudement, botté, il s’en alla jeter sa ligne sur le bord du muret… où on ne mettait pus jamais les quenouilles raclées. Par discrétion, je n’allai pas lui offrir ma vieille chaloupe rouge. Il y avait donc « quelqu’un » dans la vie de Françoise ! Un soir d’été, je lui racontais de nouveau mes déboires pour la coupe du vieux « giguère » envahissant, ma Françoise -ma surprise- s’ouvrit un peu : « Saviez-vous qu’ici, oui, chez vous, il y a eu des Jasmin ? J’étais jeune fille, il y a donc bien longtemps. Le père était médecin à l’hôpital Notre Dame. Moi, j’étais amoureuse de l’un de ses garçons. Mais, le venimeux il me voyait pas. Il était fou des chevaux, je le voyais sans cesse sortir de la cave chez vous  avec son maudit cheval. Il s’en allait galoper dans tous les alentours. Il n’y avait pas tant de maisons, pas de ce Sommet Bleu, ni rien. C’était les années 20, début 30 ! » Je ne disais plus rien. Je voyais bien son regard distrait, fuyant, de nouveaux yeux pour ma voisine rendue enfin moins rétive. Elle avait vingt ans de nouveau ? Le chien feu-Choupi de Jodoin éclata en aboiements pas loin et ma vieille Françoise sursauta. Elle toussa et puis  rentra, comme gênée, s’excusant.. de je ne savais trop quoi.

Il y a des années, elle mit sa maison à vendre pour aller s’installer dans une jolie pension proche des cotes 40-80. Elle me dit : «  Je m’en vais. Si vous voulez, prenez-vous des pivoines de mon parterre. »  Je les ai toujours. De bien belles fleurs. Merci encore mam’zelle Françoise !

juin 112008
 

       Des féministes bornées -et autres énervés des deux genres- parlent ces temps-ci d’une théorie (!) néfaste : la séduction juvénile chez des adolescentes. Allons, il ne s’agit pas d’une théorie, il s’agit d’un vieux besoin, d’un instinct : attirer, séduire le mâle. Cela vient du fond des âges, des débuts des civilisations. C’est tout entendu, ce très antique instinct a mué. Oh oui ! Les temps modernes y ont mis bien du piquant. Les temps actuels connaissent même du dérapage. Des exagérations qui offusquent les gens de bon sens. On n’a pas tort de mettre en garde de jeunes fillettes déguisées bien tôt en aguicheuses de garçons.

      Il y a le monde du commerce aux attrayants colifichets variées qui collabore, Qui contribue volontiers, il y va de son intérêt financier, aux pétaradantes modes en cours. Reste que « plaire », « séduire » sont des besoins fondamentaux. On perdrait son temps à souhaiter le retour de la retenue d’antan, de la modestie, du bon goût, de l’intelligence. Notre époque veut confondre « sex appeal » et appâts de jeunes « grues ». Les allures de putes amusent une couche de la population, la plus fragile, la moins instruite et, conséquence, la plus vulnérable. On verra donc de ces très jeunes filles soumises aux commandements folichons d’une séduction vulgaire. Clinquante. Se transformer en simples « objets » à collectionner, à « user » vite fait. Plus tard, on les  entendra, vieillies, solitaires, se lamenter : « Pas d’amour, jamais, nulle part ! » 

         Nos joyeux jeunes drilles de 2008 auront 50 ans un jour et il y aura « le retour du réel ». Inévitable. Pour avoir voulu vider la sexualité de tout sentiment, de la moindre émotion humaine, ce sera un goût de cendres aux bouches siliconées ridées, la défaite et l’échec regretté. Des cendrillons anciennes aux maquillages défaits pourront pleurer, il sera tard. Trop. Les humains doivent rester des humains. Jouer la bestialité, l’arrogance des unions d’un seul soir -sacrifice consenti aux dieux de la consommation- juste des frictions d’organes en chaleur… c’est se mépriser.

        Une réforme doit désormais s’enseigner dans les familles. Et dans les écoles ! Car les familles dont si souvent des lieux (non plus d’éducation sociale ) mais de passages rapides -bonjour-bonsoir !- pour bouffer vitement, regarder la télé et l’ordi et puis dormir. Le répéter à ces enfants trompées, à ces lolita ignares : que ces contacts sans but humain se font sans cesse au sein du règne animal. Là où se joue la commande de reproduction naturaliste et multi-millénaire. Les jeux érotiques et amoureux n’y ont guère d’espace. Avec de rares exceptions : certains oiseaux à parade exotique avec plumages aux colorés. Toujours, au fond, la quête de reproduction.

      Deux vaches qui s’accouplent ne songent pas au bonheur durable, ni à l’enrichissement ou à l’épanouissement d’un couple. Un but : se multiplier. Point final. Le chien ou le chat, le lapin ou le rat c’est « on se renifle deux instants et hop » !

Le Conseil du statut de la femme a mille fois raison d’y voir (la mode fillettes-en-putes) une dégradation. Le mot morale est tabou, on le sait, il s’agit de bien davantage, de bien plus grave, il s’agit d’abrutissement collectif. Joint au silence froussard complice ( inconscience !) des laxistes que sont les parents déboussolés, ce mutisme pour ne pas paraître scrupuleux, prudes, « anciens », est un crime. Ils vont payer très cher cet aveuglement. Pascale Navarro, l’auteure, a bien fait d’alerter un féminisme niais, trop empressé de condamner les méchants hommes. Elle insistait : les garçons sont jetés dans ce même moule trompeur du devoir con de séduire vite et à tout prix. De performer. Des industries, avec les médias qui veulent des annonceurs, font en sorte que cette course occidentale au plaisir (faute de bonheur durable), font mousser sans vergogne cette crise. L’argent coule. L’Inde comme la Chine vont y venir dans moins de temps qu’on pense. Le gâchis sociale sera alors vraiment universel et les dégâts -pire que l’environnement menacé- seront planétaires.

      L’écologie importe, importe aussi de réagir : réformons, crions d’insatisfaction, osons punir, dégageons nos fillettes de ce joug pernicieux. À  bas le laxisme des lâches. Agissons chacun dans notre secteur.  Il y a urgence. Il en va d’un avenir neuf, d’une humanité délabrée. toute entière.        

         

mar 092008
 

Maria, Suzanne, Mado, Hélène… ou Pierre, Jean, Jacques, ça sonne comme une chanson de Guétary ! Chaque femme a son petit chapelet de prénoms secret comme chaque homme a le sien. La mémoire conserve des images d’amour jeunes, enfuies. Parfois douloureuses tant cela fait mal. Ou merveilleuses tant s’y mêlaient une naïve confiance, une espérance folle.

La femme exilée qui me lit sait de quoi je parle. Elle rêve à des noms de sa patrie perdue, avant d’émigrer ici. Un réfugié d’ici aussi. Qu’il nous soit venu d’Algérie ou du Liban, du Brésil ou de Saigon. Il songe lui aussi à ces prénoms de filles aimées. Dont les traits s’effacent mal. Cicatrices mal refermées. Plaies vives ou à jamais oubliées. Tout être humain traîne sa vie entière -vous verrez jeunes gens- des traces de ces amours impossibles ou interrompues. Cassures ? On ne sait même plus pourquoi. Il était trop pauvre? Elle était trop riche ? Il était marié. On en a connu des êtres fiers qui se consolaient hypocritement : « Bof, c’était un voyou ! » Ou : « C’était une guidoune ! » Au fond de sa mémoire que de regrets inavouables…ça saigne encore. Un peu.

J’avais 20 ans, je boulottais comme plongeur à l’hôtel du lieu. La jolie Maria, 16 ans, était forcée d’être la gardienne de ses frères et sœurs. Dans cette demeure délabrée, mal tenue, au coin de la rue, là où se dresse maintenant un mini parc. Elle perdait sa jeunesse : père amérindien irresponsable, alcoolique, mère accablée, serveuse dans un snack mal fréquenté. Maria avait les plus sourires de tout le village et, pas bégueule, me montra vite ses appâts. Elle affichait un tempérament, disons imprudent. Hélas, subitement un jour -déménagement ou fuite ?- un carton dans sa fenêtre : maison à louer ! Vrai, j’ai pleuré, cher Arthur Rimbaud.

Suzanne avait 17 ans, jolie brunette aux longs cheveux dorés, une très belle grande fille qui n’aimait rien tant que ce cheval prêté. Qu’elle montait sans cesse. Ô la belle cavalière dans nos collines ! Baisers, embrassades, caresses calculées derrière l’écurie de l’hôtel. Mais ma Suzanne avait peur de tout à part sa superbe monture, je m’énervais de tant de prudence, de tant de réserve. De pruderies. Les frustrations accumulées. Ne plus vouloir rester puceau, alors, sans cesse, mes défis et puis des audaces. Sa peur, raisonnable pour elle, devenait à mes yeux insultante. Oui, Rimbaud, on est fou à vingt ans. Au home désert de son veuf de papa, garagiste sur le boulevard, attaque du jeune désespéré. Ce sera la rupture brutale de ma peureuse, scandalisée. La fin. Plus tard, je la reverrai au bras d’un chanteur -crooner ultra populaire- qui avait trois fois son âge. Adieu belle cavalière !

Dès lors, moi aussi je n’allais pas dédaigner la différence d’âge, voici venue à mon pauvre atelier une bien fascinante visiteuse : Mado. « Vieille » beauté de… 29 ans ! Qui veut s’initier au modelage, au dessin, qui s’ennuie en son domaine de luxe. Mon coeur bat, quelle chance j’ai, moi le tout-nu, l’aspirant artiste du village. Mado la magnifique n’a pas froid aux yeux, rit sans cesse. Me repousse mollement sans grande conviction si j’ose vouloir toucher son cou gracieux, sa poitrine opulente, ses longues cuisses… Répétition de gestes très imprudents du sensuel énervé, entre deux argiles modelées. Mado la riche-mariée qui envie tant ma pauvre vie de bohème. Tempête de désir fou, de feu, pour la si jolie bourgeoise, la mal mariée à un entrepreneur de Mont Roland. Bien trop vieux pour elle.

J’ai déjà publié ailleurs le récit de son consentement, de son audace adultérin. Par un doux et bien beau crépuscule de début d’avril -rougeur sur le lac-, le sang aux tempes, Mado accepte ! Monte à l’échelle de mon petit grenier. Elle a enlevé sa jupe, a levé les bras, a secoué sa magnifique chevelure d’ébène. Excité, je lui retire son chandail de laine rouge et… Patatras ! Le vieux mari en colère au bas de l’échelle, ses cris, fin abrupte d’une étreinte amorcée. Fin aussi de ses cours de céramique. À jamais.

Plus tard, je l’apercevrai au Café des artistes, divorcée, re-mariée à un savant et fameux vulgarisateur à la télé débutante. Pour ma belle Hélène, ça ira vite. J’étais amoureux de nouveau. Elle avait le visage d’un ange… bien charnel. J’allais souvent, le midi, manger chez elle, à trois cent pieds de l’atelier. Là où, aujourd’hui, gîte le resto L’Esméralda. Sa mère tenait une salle à dîner succulente aux prix si modestes. La soupe bien chaude …si bonne, la fille élue… serveuse si jolie ! Non, rien à faire, cette demoiselle ravissante n’est pas pour un rêveur à la salopette toujours encrassée de glaise. Étroite surveillance de la mamma, puis départ en pension organisée. Pour l’artiste dépenaillé, il y aura l’efficace barrière du rang, des classes.

fév 192008
 

   Un humain de type cyborg ? Pas mon fils sans doute, ni même mon petit-fils mais le fils du petit-fils de mon petit-fils ? Ah ! Il serait mi-chair, mi-métal  ! Mais quoi, qui n’a pas un ami ou un voisin vivant avec un implant sous la poitrine ? Cette personne n’est pas encore un robot mais… « Ce n’est qu’un début, continuons le combat ». C’est le cri triomphant de quelques centaines de membres enthousiastes du « World Transhumanist Association ». Le WTA. Ils ont des publications, un congrès annuel.

À travers l’Occident, plus nombreux aux USA,  il y a donc de ces des gens -regroupés en quelques associations- qui promeuvent la venue au plus tôt du robot humain, du cyborg. Ils disent qu’il est plus que temps de changer de cycle, qu’il et dépassé l’homo sapiens, sapiens. Que l’on devrait dater chaque nouvelle année de notre époque, non plus à partir d’un chef religieux nommé Jésus, mais de l’année de naissance -les opinions varient-  d’Einstein, de Newton ou de Darwin ? Ou bien cet « an un » serait l’année de la découverte de l’ADN. Ou du premier né in vitro ! Ou de « l’année où l’homme a pu cloner un animal ! » Faites votre choix.

Des scientifiques - pas des amateurs qui bricolent- parfois venus de Princeton ou du MIT, veulent encourager, stimuler l’avènement de toutes les technologies de pointe. Ils applaudissent  par  exemple à ces implants -nommés cochlétaires- pour faire entendre les sourds ! Ils se disent post-humanistes et guettent la venue prochaine de la mise au point de lunettes munies de micro-caméras avec puce, capteur, antenne pour que les aveugles voient !

      Aux yeux de ces audacieux chercheurs -répandus en une douzaine de laboratoires- l’homme nouveau sera cyborg ou ne sera pas. Pour ces idéalistes -qui se disent des réalistes pressés- c’est le cri  du « Vive la manipulation des gènes ! » Fini l’ère du religieux ! À bas les résistants romantiques. Bienvenue l’ère de la raison. Des sciences. On parle ici d’un eugénisme ? Qui n’aurait plus rien à voir avec l’eugénisme raciste -et sélectif- des fascistes, du nazisme. Les améliorations biologiques s’offriront à tous, en peine démcaratie  Le nouvel appel  ? Cyborgs du monde entier, unissez-vous !  Le vieux marxisme ouvriériste est mort et enterré bien entendu. Ces hérauts proclament : « Un nouveau monde est à nos portes. » Ils invoquent de vieux mythes antiques sur la quête lancinante de l’immortalité. Ils dénichent un peu partout des propos transhumanistes autant chez un ancien savant comme Descartes qu’avec le moderne astrophysicien Stephen Hawking.

« Personne ne veut mourir », dit la chanson. Bien vrai, évidemment. Alors ? Vive le cyborg à nos portes ? Cependant des savants humanistes redoutent des dérives graves et du dérapage regrettable. Un savant comme Francis Fukuyama tient son pied sur le frein et fait enrager ces scientifiques que lui juge inconscients. « Danger, lance-t-il, c’est une chose de vouloir choisir le sexe de son enfant, c’en est une toute autre de vouloir le cloning de reproduction. Une technologie pas encore au point. Même Le cloning dit géniticothérapique, le recours aux cellules souches ne fait pas l’unanimité. Nous le savons.

Le confiant post-humaniste rétorque : « La myopie ne fut-elle pas corrigée merveilleusement par les lunettes ? Pourquoi ralentir, craindre le progrès ? » Il y a les OGM montrés comme le formidable secours de l’humanité pauvre… ou condamnés. C’est selon les tendances, selon ses exigences face à l’éthique ?  Baliverne disent-ils : « Il y aura, n’en doutez plus, pauvres conservateurs timorés,  le « HOG ». Oui, oui, l’homme modifié génétiquement. Utopie ? Non, place à la nanorobotique. C’est l’avenir, affirment-ils en leurs rassemblements.

Selon ces chercheurs scientifiques d’avant-garde le nouvel humain peut déjà songer à vivre au delà d’un siècle ! Croire  à une longévité assistée (!), tenez-vous bien,  vivre « deux ou trois fois » en centenaire ». C’est pour 2050  !Plus optimistes, certains avancent : 2020, c’est demain !  L’homme implanté de toutes parts, survivra avec ses organes robotiques sophistiquées. Les réticents répondent : « Attention : délicat de tripoter les gènes. On le sait en 2008 : en voulant corriger le gène de l’anémie on peut libérer la malaria. » Sacré dilemme ! Un romancier comme Houellebecq (-Les particules élémentaires, La dérive d’une île,  etc.- peut ben s’amuser mais il en va autrement si on va trop loin, trop vite, en ce domaine dit de la génotypie !

En attendant l’immortalité, il y a l’amélioration des vieilles conditions de la vie humaine actuelle. Il y a des comprimés à explorer.  Des pilules magiques. Oui, la dope ! Des transhumains souhaitent l’audace là aussi. Des molécules nouvelles, vitamines encore inédites,  seraient un apport merveilleux. Fin des « puritaines » condamnations de certaines drogues, allons. L’homme, disent ces audacieux chercheurs, fait bien de s’aider, la chimie révolutionnaire est là pour collaborer efficacement à… la survie, Il faut la développer de toute urgence. S’emparer de cette pharmacie fantastique.

Ce n’est pas tout, pas assez, de chercher à combattre la démence ou le diabète, il faut combattre la mort. Il faut utiliser les psychotropes qui pourraient conserver la vie pus longtemps, pas seulement pour des performances aux Jeux Olympiques, pour résister à la mort. Il est là le grand but, le grand combat des posthumains : « tuer la mort ». Se débarrasser de la mort. On saisit que tout le monde dresse l’oreille car qui accepte avec plaisir de mourir ?

PORNO : MÉFIANCE ?

 1-Tout, Poing-comme-net  Commentaires fermés
mar 052007
 

Inutile d’épiloguer sur un fait têtu, la porno se répand désormais. Jadis, les ados curieux, devaient chercher longtemps pour voir des nudités. Maintenant un simple clic de souris sur l’ordi et l’offre au voyeurisme se présente. Loin des pudibonderies d’antan, du mode prude des anciens « protestants » frustrés qui arrosaient de menaces folichonnes le moindre écart sur ce plan, il reste une réalité.

Entre le triste voyeur compulsif, plus ou moins honteux en sortant du recoin aux images XXX de son vidéo-club et le maladif voyeur dépensant ses temps de loisirs en naviguant sur des sites pornos, restent des individus, mâles surtout, lamentablement coincés. Ils sont à plaindre tous, le scrupuleux excessif et le soi-disant « libéré ». Il n’y a aucune liberté vraie soit à fuir comme peste la moindre cuisse dénudée soit à s’emprisonner dans la manie navrante du voyeur, de l’abonné systématique aux images « cochonnes » faites de copulations mécaniques.

Il y a un piège et il est bien connu des misérables piégés qui ne peuvent plus décrocher de cette pâture néfaste. C’est le bon mot : un piège. Des « malades » en voyeurisme l’admettent volontiers, il n’y a qu’à questionner (comme je l’ai fait) des soigneurs aux prises avec ces victimes, devant décontaminer des adeptes de porno, des thérapeutes nouveaux en sont navrés. C’est qu’au « monde de la porno » il y a surenchère, il y a un besoin inévitable du « toujours plus ».

C’est donc absolument un piège, une sorte de tunnel où l’on coule inexorablement. J’ai constaté la chose. Un jour, un camarade de travail débutait dans ce marécage avec de simples « films à voyeurs » ordinaires. Peu à peu, il glissait dans des formes plus crues. La surenchère. À la fin, il vivait en vue de ce « toujours plus », fait de stocks immondes, mélange de pédophilie et de bestialité. On le retrouva suicidé dans sa baignoire un samedi matin. C’était un garçon brillant, fort capable en scénographie, promis à une carrière fructueuse. Son dérapage le fit sombrer dans cela que je nomme « piège ».

Certains jeunes, la plupart je l’espère, ont de l’instinct. Important cela, l’instinct. Accidentel ou non, dès la première approche en porno, ils devinent pourtant ce gouffre lamentable, ils refuseront carrément d’y glisser et ils vont fuir cette planète nauséeuse. Ah, qui dira l’importance de l’instinct ? En être dépourvu est un grand malheur. L’intelligence seulement ne suffit pas dans ces affaires de mœurs. Ami lecteur(e) si tu as ouvert une porte à cette lie, à cette porcherie, à cette forme d’inhumanité —là ou les émotions sexuelles humaines, les sentiments humains, les rapports amoureux humains sont bafoués— si tu as mis un pied, un œil, dans cette faiblesse morale du voyeurisme, referme vite cette porte, il s’agit, crois-moi, de bonne santé mentale ordinaire.

À quoi, à qui, sert cette florissante industrie mafieuse du sinistre voyeurisme ? Au laideron ? Au grave handicapé ? À celui qui est dépourvu de tout charisme physique, à celui qui ne sait rien de la séduction essentielle face à l’autre sexe ? À ce paresseux crasse, incapable du moindre effort pour conquérir sexuellement « l’autre »? Au très grand timide impuissant ? Sans doute.

Mais le jeune citoyen qui souhaite l’accouplement sain, et si merveilleux, doit posséder cet instinct. Celui qui lui crie : « piège ! » Une cage et sans espoir de sortie. Collégiens des années 40, un mini-vignette de la Vénus de Milo, nue sans bras !, dans son petit Larousse illustré, nous était une naïve promesse de bonheur « manuel ». C’était un temps fou, celui où des prédicateurs en robes noires affolaient nos jeunes consciences et, prévenaient-ils : « la masturbation allait nous rendre sourds ! »

Bien sûr, on rit de ces époques de noirceur. Mais le progrès (!) fait que de très jeunes enfants sont soumis désormais aux lamentables concoctions voyeuristes de producteurs dégénérés. D’un excès l’autre, voici donc le temps des « détournements de mineurs », il conduit à la névrose, au moins, aussi, comme pour ce camarade perdu, à la psychose, mot qui veut dire « folie ». La clinique pour déments attend ses adeptes. Oui, il y a « la folie pornographique », un ravage actuel, un fléau répandu qui dénature l’amour physique. « Il rend l’homme semblable à la bête », comme disait les anciens prêcheurs en alcoolisme ? Exactement. La porno pop —à louer, à vendre, gratuite sur Internet— évacue le plaisir vrai de la sexualité, le profond plaisir des sens, celui qui vient avec l’éternel et vérifiable mélange des sens et des sentiments entre deux amoureux. Il est facile de l’affirmer et sans l’ombre d’un doute; jeune homme, l’imprudent sans instinct qui s’entiche de voyeurisme le regrettera toute sa vie.

juin 052006
 

Ndr : ce texte encore inédit sera publié dans un « collectif » d’écrivains connus sous le titre générique : titré « BANCS PUBLICS » (chez Lanctöt éditeur).

NOTRE BANC MARGINAL !

Tu vivais encore chez tes parents, merde !, et tu cherchais un sofa libre pour minoucher ta blonde, ou ta brune. Rien. La trâlée familiale était envahissante. Ta mère se méfiait de cette fille nouvelle « qu’on sait pas de quelle sorte de famille qu’elle sort » .

Il te restait les bancs publics. Oui, chante, chante, cher Georges Brassens : « Bancs publics, bancs publics ». Il y avait donc, beau temps, mauvais temps, « dehors », dehors, au bord ou au fond d’un parc, sous un arbre protecteur…capable, lui, de secrets amoureux, de confidentialité.

À cet âge, on a les fesses dures, on s’en fiche des coussins moelleux, de amortisseurs à springs. Il s’agissait d’un tendre match « de lutte » avec prises de bec, prises de bras. Et tout le reste de ces caresses juvéniles annonciatrices de l’ultime « corps à corps », apothéose, épiphanie physique pour… « exulter », en effet Jacques Brel.

Raconter ici « mon » dernier banc public ? Mais, d’abord, dire qu’ à 15 ans, au Parc Jarry dans Villeray, j’avais toujours mon canif à quatre lames pour graver de quatre initiales l’écorce d’un arbre au dessus du banc public élu. Un jour, à 50 ans, amoureux encore mais pas de canif, mautadit ! Cette vielle envie de marquer l’amour et revenir à ce cher rituel connu de tous les amoureux du monde entier : graver nos noms, avec sans p’tit cœur, au dossier d’un banc public.

1980 donc. Avoir voulu « revoir la mer » dit une belle chanson. À seulement cinq heure de route de la frontière des États-Unis, aboutir dans le Maine, revoir l’océan et respirer à pleins poumons ses odeurs —odorat sans cesse comblé— de varech, d’iode, son vent salin, admirer, éblouis, « toujours recommencée » la houle frisée, déchiffrer les dragons blancs dans l’écume des vagues. Marcher, à marée basse, sur tout ce sable d’un beige luisant, choisir les coquillages à collectionner et… avec moi, elle ! « Elle et lui », mais oui, vieux Paul Reverdy, chantre culcul-la-praline.

Voici Ogunquit, village typique de la Nouvelle-Angleterre, nos promenades reprises si souvent, jadis, quand nous apercevions Robert le Boubou et sa famille au « Aspinquid », propriété d’un Grec de Montréal —« ici parlons français »— dit son affiche. Y avoir rencontré aussi le petit grand René Lévesque jouant au poker avec son ami Yves Michaud, antisémite malgré lui, et les gardiens musclés, au « Dolphin Motel ». Y avoir jacassé avec le bonhomme Réjean Tremblay et sa farouche Larouche du temps. Bavardé des heures avec tit-Guy « tout-le-monde-en-parle » Lepage-belles-oreilles et sa blonde du moment. Au vaste « Norseman », paquebot blanc échoué sur la plage, parlé « musique » avec l’Ubaldo Fasano, compositeur du célèbre « Jaune » de J. P. Ferland.

Ogunquit, village tant chéri ! Son snack déli à savoureux sandwiches, ses galeries à chromos « marines », sa place-à-free-jazz, ses deux petits cinémas, ô surprise !, ma sœur Nicole dévorant une glace aux pistaches, les bonnes pâtes chez « Lucia », le roast-beef saignant du Neptune, le homard frais pêché de Barnacle’s ou de Charlie’s.

Ogunquit où, dans sa grande rue, coursaient jadis des matamores en voitures stylisées. Où Picasso Snob, raconte-t-on, s’ennuya de la Côte d’Azur. Où le fabuleux Henri Matisse, heureux d’y être, lui, avec son frère, Pierre, le galériste de New York. Henri esquissait de ses célèbres aquarelles. Où, il y a très longtemps, le beau brummel, l’icône Rudolf Valentino, se camouflait vainement, ou l’actrice Mary Pickford et ses sosies sexés craignaient le bronzage pas encore à la mode.

Ogunquit la bien-aimée et… voici l’été de 1980 donc.

Un couple, « elle et moi », marchons dans ce long sentier tortillant de terre battue baptisé marginal way. Il débute, au nord, pas loin de la longue plage publique, se faufile tout au long de la mer et s’achève à l’anse à Perkin qui est un mini bourg plein de jolies boutiques sur pilotis, toitures et murs de bardeaux fanés, marché chic pour estivants, avec ses quais, son pont suspendu si mignon, si photogénique, ses barques colorées pour pêcheurs, pour aussi une excursion guidée entre les flotteurs multicolores, balises indiquant les talles de cages.

Nous aimons tant marcher ce marginal way, aux toujours surprenants détours : criques sablonneuses ici et là au fond de deux falaises, oursins goûteux à découvrir, joli phare, à présent futile, hauts rochers où se débattent furieusement les flots enragés. Du coté des terres, admiration de maints jardins aux bosquets variés, aux arbustes coquets, aux pins noueux, aux fleurs sauvages, aux fleurs plantées, choisies avec goût.

1980. C’était un lent crépuscule de plein été, échanges de saluts sans cesse, piétons en tous genres, célibataires grassouillets, aussi maigres et sveltes esseulés des deux sexes apparemment friands de fleuretage, jolies jeunes mamans à poussettes remplis de bambins, grands-mères dévouées en gardiennes soucieuses de ces bambins grimpeurs, « reviens ! tu vas te tuer ! », vieillard à cannes, poètes et philosophes plein de regards brumeux; ce chemin en marge de l’Atlantique fait voir le classique cortège des gens heureux, vacanciers dégagés —pour une semaine ou un mois— des charges habituelles. Bref, une atmosphère de « Bonjour chez vous ! » dans la série culte télévisée « Le prisonnier ».

Nous marchons. Bientôt Perkin’s cove et la fin de la féerie, mais… voici, ombre bienvenue, un dôme de cèdres fournis. Voici un look out bien coquet et… oui, un banc public. Stop ! Allez-y voir, au dos, quatre initiales gravées avec une cl de VW, les nôtres, quatre lettres : R.B., pas de petit cœur, et C.J.

Depuis, chaque fois que nous nous replongeons dans le naturalisme du marginal way, je rafraîchis nos marques de quelques coups de clé nouveaux.

Nous disons « notre banc ».

Avant chaque promenade à Ogunquit j’oublie toujours, hélas, l’achat d’un canif à quatre lames comme celui du temps de ma jeunesse au Parc Jarry… pouvoir graver plus profondément nos signes. Assis sur notre banc public, nous renouvelons nos serments d’amour, nous faisons la revue du temps passé, nous faisons de vagues projets d’avenir. Souvent, on voit s’approcher de cette niche-aux-cèdres un jeune couple, nous laissons la place car pour « la suite du monde », nous prêtons volontiers « notre » banc, « allons déguster un crab-roll », nous souhaitons tant à tous l’amour-toujours-l’amour.

Un matin de l’été 2002, un vendredi lumineux, vérification de « notre » banc et s’amenait de jeunes mariés, sourires aux lèvres, photographe empressé, témoins endimanchés, une assemblée bruyante de début de vie à deux. Ils avaient repérés « notre » banc, c’était très clair, leur déception pas moins claire devant ces deux vieux admirant silencieusement la mer, nous., R.B. et C. J.

Leurs mines de grands désappointés. Aimables, polis, nous nous levons, nos gestes d’invitation à s’installer sur « notre » banc, ils protestent pour la forme mais, en vérité, les voilà retrouvant les grands sourires. Nous racontons alors aux tourtereaux notre très ancienne conquête du banc, ils se penchent pour lire les gravures à la clé au dossier. Leurs rires gentils, leur attendrissement : « What ? 30 years of happeness ?

Ils sont de Boston, ils doivent retourner au boulot dès lundi matin, elle est serveuse dans un restaurant italien du Old Port appartenant à sa belle famille, lui étudie encore, il sera médecin vétérinaire dans un an.

Embrassades et bons souhaits.

Nous descendons vers l’anse à Perkin. Nous voulions nous dénicher une boule-à-neige à la boutique Christmas always —il n’y avait pas de belle boule vitrée, hélas ! Visite à des amis au Cap Neddick, lieu voisin au sud d’Ogunquit. Taxi. Sur leur terrasse de blocs erratiques, bonne bouffe du soir, vins frais.

Le soleil s’était sauvé, la nuit venait vite quand nous revenons à notre motel… oui, par le marginal way. Deux jeunes gamins occupaient « notre » banc. Elle, fillette bien jolie, noiraude aux yeux vifs, lui, très blond aux culottes élargies, sur le dos, un t-shirt marqué « ALL YOU NEED IS LOVE » ! La lune hésitait à bien prendre sa marque et ces enfants s’embrassaient… assis, enlacés, sur « notre » banc !

La vie, la vie… Notre banc public, il fallait bien l’admettre est, comme tous les bancs publics sur cette planète, à tout le monde, à tous ceux qui s’aiment, du moins à tous ceux qui cherchent l’amour. Si vous passez par là, marginaux romantiques, c’est vers la fin du sentier magique, juste avant d’arriver à la première terrasses de l’Anse à Perkin, de « L’huître qui siffle » (Wrisling Oyster) allez voir pour nous deux voyez l’état de nos gravures, ajoutez-y les vôtres, puisque « plus il y a d’amoureux plus il y a de l’avenir ».

fin

5 juin 2006

déc 232005
 

Trudeau légiférait : une chambre à coucher, c’est un lieu privé où la police n’a pas affaire. Correct. Mais voilà que nos « pères Noël » rouges —à collerette d’hermine— décrètent : le club pour psychopathes, pour sexoliques (sic) désaxés, c’est très tolérable. La porte du suprême législateur est maintenant grande ouverte. Une réalité : il y a eu toujours, depuis même avant l’Antiquité sans doute, des fornicateurs déboussolés.
Voici le poète Éluard bafoué avec son « Liberté j’écris ton nom partout ». Ces malades du sexe ne sont pas es hommes libres. Pas plus que ceux qui sont prisonniers d’autres vices, le jeu compulsif, l’alcoolisme sans frein ou le drogué désemparé. Pour toutes ces regrettables épaves, à plaindre évidemment, à soutenir par une solidarité indispensable, il existe des organisations de secours. Le temps est donc venu de fonder les « É.A », les échangistes anonymes. Est-ce que nos « sages » Pères Noël de la Cour suprême iraient jusqu’à encourager, promouvoir, protéger des « clubs privés » pour inviter à des rassemblements orgiaques toutes ces victimes d’un méchant sort, d’un destin atrophié ? Vous dites : « Non, mais non ! » Alors ? Inexplicable ce coup de pouce « suprême », d’une puante exécrable complaisance envers des organisateur intéressés, des calculateurs affairistes de ce vice qu’est l’échangisme sexuel.
Tout le monde connaît des êtres humains malchanceux en amour. Pas toujours des célibataires endurcis et vicieux mais des laiderons esseulés, des mâles dépourvus du moindre charisme, de toute séduction, des hommes sans charme aucun, bêtas inintelligents ou bénets incapables de faire la cour, attardés in-éduqués. De là, si souvent, le recours aux drogues, à l’alcoolisme. Tous les amoureux de la terre, plus nombreux que l’on pense, ne font évidemment pas de la bonne matière pour le cinéma, le roman, la télévision. Car c’est « le grand mal pris », le « hors norme », qui amène de la sensation, vieille règle admise au domaine dramaturgique. De là à installer ce héros déchus dans la légalité… Les amoureux —j’ai cette chance— plaignent ces « prisonniers d’un vice ». Une compassion bafouée évidemment par ces loques humaines, jaloux du bonheur des autres, masqués pitoyablement en hédonistes jouisseurs contentés.
Mais sortis —soulagés un moment— de ces bouges privés infects, de ces auges à cochons, à qui fera-t-on croire que ce « clubiste » est fier de lui ? Vraiment heureux ? À personne, allons. Comme pour le malheureux abonné compulsif à la pornographie, c’est une honte inavouable qui le ramène chez lui, une culpabilité atroce qui le raccompagne à son domicile, soyons-en certain. Le malsain voyeurisme et l’exhibitionnisme exacerbé sont les deux mamelles de ce bordélique commerce, petite industrie jusqu’ici clandestine. Ces cons de juges d’Ottawa autorisent désormais leur publicité et l’affichage ouvert. Plein de soi-disant modernistes en sont satisfaits : « Ce « plusse-beau-pays-au-monde » est d’une tolérance formidable » ! Ces libertinistes voudront déclarer demain : « Ouvrons de vrais bordels sans aucun masque, légalisons maintenant l’inceste aimable, la pédophilie contrôlée, la brutalité aux sadiques et aux femmes masochistes. Même la bestialité ? Oui, pourquoi pas ? » Ce sera, à ce train, la complète déréliction de nos sociétés dites progressistes. Les ravages prévisibles, les fatales conséquences ? Bof ! Discours de moralistes dépassés, sermons pour les bigots !
Trop de ceux qui ont « le bonheur de l’amour », égotistes, détournent le regard : « Si ces gens-là aiment ça, si des personnes humaines (?) aiment ça la conduite animale, le sinistre « je te renifle et je te monte, sacrée chienne» ! Le mot« liberté » est trafiquée ici, quand quelqu’un est tombé si bas, ce n’est plus une personne libre, c’est un cas qui relève de la pathologie. Pire qu’un cas de simple névrose, c’est une grave psychose. Tôt ou tard c’est connu, ça conduit à la clinique psychiatrique. Nous, payeurs d’impôts, de taxes, toute la collectivité solidaire, devront défrayer les —très chers— frais des longues réparations. Si on envoyait le factures aux Pères-Noël-juges ?
Oui, vite, le moins chrétien des hommes le souhaite, il faut fonder cette organisation des É. A., comme il y a les A. A., par charité laïque envers ces détraqués du sexe, là où la femme —folle soumise, inconsciente — n’est plus du tout un être humain mais un trou d’égout. Au lieu de jouer les « Pères Noël déliquescents » à Ottawa, ces sages, distraits par la mode-tolérance-tous-azimuts, devraient renforcer la police qui est, hélas, un bon vieux moyen éprouvé pour gêner un peu de tels businessmen. Retenir les cochons par la peur des cachots, contenir, ralentir ces inconscients qui s’imaginent trouver dans ces soues-à-porcs un fructueux fac-similé de l’amour. L’amour qui est l’essence incontournable de la merveilleuse sexualité humaine.

mai 242005
 

Le jeune Émile Duncan, ensanglanté, hospitalisé, voyant son « vieux » qu’il méprisait à son chevet, se dit cela à la fin de son ouvrage : « On jurerait que mon père m’aime ». Enfin, un début d’humanité chez un bom délinquant. On le sait : « aucun écrit n’est innocent ». Au début, ce père n’était qu’un minable ex-prêtre, triste défroqué soumis à l’épouse, une ex-infirmière autoproclamée psycho-thérapeute. Cette maman a fait du « home sweet home » une clinique hantée par ses déments-patients ! Le gamin Émile de « La mort au corps » (Tryptique éditeur) y vit donc, bien mal dans sa peau, au fond de la cave de ce banal bungalow familial de Montréal-Nord.  Bagarres avec bandes de rue et polyvalente exécrée, bref, le décor tout croche de tant d’ados actuels ?
Êtes-vous curieux comme moi des us et coutumes des jeunes générations ? Je veux tout savoir. Le roman de 2005 n’a plus rien à voir avec celui de 1960; de ma « Corde au cou » à cette « Mort au corps », un monde ! J’ai dévoré cette installation de mots d’ Éric McComber. En moins de 300 pages, il donne à voir une certaine jeunesse d’aujourd’hui. On a 17 ans, adieu Montréal Nord !, on entre au cégep… du Vieux bien entendu. Et c’est la bohème mal empêchée par profs, pions, gardiens. Cette valetaille des adultes. « Tous des cons », bien sûr. Découverte des mots durs, du rock dur, on fait des poèmes baveux, un journal-de-collège effronté, on menace, on gueule. Au fond on guette une voie de sortie.Trop de cours et jamais assez de pot-hasch, ou de bière, traîneries un peu partout avec des filles qui jouent les libérées et qui coulent dans tous les sens du mot. Des gars qui font les toffes, qui enterrent l’enfant magané, à coups de pieds, qui se maganent le coeur à jamais. Pathétique, misérable petit empire à délires candides. On a son band, un micro dans un bar minable, une vie d’illusions, des voisins hypocritement romantiques, un coloc (ce gars-Barry) cul-cul, un tricheur.
Et, dedans tout ce débraillé naïf  : l’obsession des organes génitaux, l’obsession d’enfants mal grandis qui n’en reviennent pas de pouvoir si librement s’exciter les jeunes sens bien gloutons. Ça fuit, ça nie, (quel instinct les prévient ? ) les sentiments. Absolument, il faut barrer le chemin aux émotions; la vie mais à fleur de peaux ! Égoïsme, irresponsabilité, mais quoi ? ils sont des cassés, des tout-nus !
Je lis donc ce « La mort au corps » d’Éric McComber avec une infinie pitié. Ce Émile Duncan (le fils du curé et de la psy) a donc loué un appart. Qui est un taudis de la rue Saint-Urbain, angle Marie-Anne. Il s’imagine grand poète, divin chanteur, subtile musicien. Un salaire de misère dans un trou minable. Défilé connu des jeunes floués. Ce jeune auteur, McComber, a beaucoup de talent. Un, il sait faire voir, deux : il fascine avec son écriture. Il invente un bon dialecte efficace , un français vernaculaire absolument étonnant. Un joual tout neuf ! Et comme ragaillardi ! Oh, braves bourgeoises liseuses de polars Best-selleurisés (ou de grasses sagas pseudo historiques), fuyez « La mort au corps », comme, jadis, vos aïeules fuyaient « Le diable au corps ». Le jeune Éric McComber, (comme Balzac) a une fameuse oreille, tous ses « Spa jusse dans ma tête » forment une écriture sonore d’une vérité totale. C’est Louis-Ferdinand Céline (Mort à crédit, Voyage au bout de la nuit) installant, il y a 75 ans, sa célèbre écriture parlée, si vive, si nerveuse, si émouvante et qui fit de lui un écrivain indépassable. Nous avons donc un écrivain québécois unique. Et quand il dépassera ses infantiles illuminations sur la chair humaine (des deux sexes), il pourra nous donner un œuvre forte, durable, significative. Toute une fresque sur nos temps modernes actuels qui fera de ce Mc Comber un auteur irremplaçable qui se retrouvera partout, cinéma, télé, etc. Il doit bien deviner déjà qu’il n’y a que la mort, la fin, seul grave motif de réflexion pour les écrivains qui comptent.Je veux bien parier sur lui et s’il me déçoit… tant pis !
Quelqu’un capable de dire (page 125), lisez ben :

« Une saison… qui s’amène avec sa cargaison de conversations de terrasses, de nuits errantes, de ruelles sales… De jambes et d’épaules blanches et roses bourdonnant de boutique en café, de fleurs éclatant entre les pierres, attaquant le jour par les fentes de la ville, de larmes s’attardant sur la monture des lunettes de soleil, de popotins en lycra stretché plus-plus, penchés sur leurs vélos, patins, skates, patinettes, trottinettes, mobylettes, motocyclettes, frisbees, trackballs, akis, ti-bâton de kessé ksa s’appelle, de chevelures auréolées dans les reflets flamboyants (… ) sommeil flottant, torpeur moite, siesta mohawk, sabords des iris bâillant aux vents solaires. »

… c’est quelqu’un de rare. Son nom est Éric McComber, son étrange roman (faites-le venir à votre biblio) se titre « La mort au corps ». Cela se déroule dans un bas-quartier, l’ouest extrême du Plateau, « où une belle jeunesse s’use à séparer le tien du mien » ( Aragon).

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