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Archives 'Villeray'

En 1986, déménagé rue Querbes (à Outremont-en-bas) j’aimais bien avoir mon éditeur pas loin. C’était Jacques Lanctôt, l’ex-horribilis felquiste preneur d’otage (M. Cross). Il avait payé sa dette à la société comme on dit. Hélas, mal pris, un jour, il rechigna à payer mes droits pour « Enfant de Villeray ». Qui est une autobiographie de mon enfance. Je vous en parle pour vous dire, cher fidèle lectorat, que cet « Enfant de Villeray » (vite épuisé dans le temps) vient d’être ré-imprimé. Il sera en librairies dès le 10 novembre (jour de mon anniversaire !). En couverture, un gamin blond, frisé et en culottes courtes, tirant sur sa pipe-jouet. Éditeur : Michel Brûlé.

Mon Lanctôt banqueroutier ré-exilé à Cuba (volontairement encore !), j’ai comme éditeur actuel le cher Marcel Broquet, vite joignable à Saint Sauveur. 10 minutes en Jetta. Marcel vient de m’expédier au Salon du livre à Sherbrooke où, vendredi dernier, je fus « l’invité d’honneur », si ou pla. Où j’ai pu causer à satiété, en kiosque et sur deux tribunes, de mon « Rire de Jésus ».

Ces mondanités littéraires, hum, me mettent en retard. Revenu dans mon village, c’est l’ouvrage pré-hivernal : couper l’eau d’arrosage en avant et en arrière, vider les corbeilles aux fleurs fanées. Poser cette satanée clôture de lattes et jute pour protéger mes « souffles de bébé » plantés jadis. Installer mes tapis de « coco ». Lundi, au beau soleil, à quatre pattes, enfouir les feuilles mortes dans un million de sacs orange. Ouf, re-ouf ! Ma belle Raymonde, fougueuse au râteau, n’en finissait pas de m’expédier cette sacrée marée de détritus jaune et rouge, faisant des petits, moyens et gros tas croustillant comme Corn Flakes sur le terrain. Merde ! Voilà ce qui ramène le grand auteur « d’honneur » à ses vraies dimensions humaines : homo crapahutant en salopette.

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Tout jeune, j’entendais toutes ces moqueries sur Outremont. Jalousie ? On parlait de cette banlieue du centre-ville comme d’un ghetto snob. Mondain. D’un lieu de pédants. J’écoutais. Je ne savais rien. Les adultes, parents, voisins, amis de la famille répétaient les «scies» anciennes. Des propos de commères ? Je répétais volontiers dans mon Villeray les [...]

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Pas facile de caricaturer sans exagérer. Les facéties du « Bye Bye 2008 » veulent faire rire et sont bien cruelle à l’occasion avec ces revues burlesques. Qui signe dans ces ouvrages ? Véronique Cloutier ou Louis Morisette, son époux. Ou des engagés. Avard-bougon ou Mercier-gros-con ? Léger ? Qui encore ? Veut ou veut pas- on [...]

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Jadis, nous avions même peur de son enseigne lumineuse, poteau rouge et blanc à l’axe mobile qui signifiait pour « les pissous » : danger-barbier.

Ah, nos frousses du coupeur de cheveux, bambins, rue De Castelnau ! Mais, je garde bon souvenir du jovialiste aux ciseaux virevoltants, rue Roy. Ici, mon barbier, depuis la retraite des frères Lessard, « tient salon » Chemin-Pierre-Péladeau. Étonnant bonhomme Racette à son Salon des sportifs, entendre « sportifs assis » devant le téléviseur. On entre en son repaire décoré de cossins colorés comme on entre à une taverne familière. Y opère aussi Racette-fils, notre fidèle et fiable échotier au journal.

Si vous allez rue Jean-Talon, angle Drolet, vous verrez un Figaro italiano et, à ses murs, des murales signées par feu mon papa ! Mas chez papa-Racette, c’est de géantes maquettes de terrains sportifs, football, baseball, hockey ! Un musée. Il y en même suspendues au plafond. Des reliques aussi, tels ces sièges peints de numéros, bancs mis à la retraite, dévissés de chez les bleus ou les rouges. Le hockey y a prédominance, c’est entendu et moi qui ne joue à rien, sauf de mon clavier de I-Mac, qui ne sait ni les noms des vedettes millionnaires, ni les noms des villes qui matchent avec ceux des clubs, je m’y sens pourtant à l’aise. C’est que l’intello autodidacte -j’ai un secondaire-5 faible- que je suis a de profondes racines populaires. Cette ambiance décontractée, c’est celle des adorateurs de la sainte flanelle, du temps d’un oncle admirateur fou de Georges Mantha, du temps qu’un prof de petite école ne jurait que par nos Maroons, du temps d’un voisin villerayien qui montra ses dons à l’Aréna-Mont-Royal, rue Mont-Royal et Saint-Laurent. Démoli depuis.

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Le vieil homme qui se dit encore vert, hum, moi, s’arrache de sa couchette à la neuvième heure tous les matins.

À moins de pressantes affaires -le dentiste par exemple.

Après ?, la toilette. Après? Vite aller se procurer les « mauvaises » nouvelles du jour. Payer pour cette dope ! Mais si on veut rester bien informé pas vrai ? Ensuite, revenu de ma tabagie, sortir les céréales et des fruits (un matin sur deux) ou bien mettre l’Œuf dans le poêlon. Avec confiture sucrée ! Enfin, s’installer pour en apprendre plus long que le téléjournal. Des matins comme ceux tout le monde. Pour rédiger ma chère chronique mes gazettes ne me servent guère. Vous l’aurez remarqué : j’ai décidé de bavarder sur la vie ordinaire, ne plus m’exciter en polémiques rageuses. Par la fenêtre cinq (oui, 5 ) cardinaux ! Si rouges ! On avait mis la mangeoire. Avant-hier, au rivage, Raymonde a pu compter 44 canards ! Partent plus pour le sud, eux ? Restez, restez !

Ce lundi de cette semaine, roulant aux gazettes, de grands lambeaux de brume à l’horizon au delà de la rue Morin. Que c’est beau dans le ciel vers Sainte Marguerite ! Paysages brouillés d’un romantisme tout nordique. Me suis souvenu de photos brumeuses montrant en des contrées lointaines. Scandinavie, Finlande ? Où donc, Islande ? Mes lambeaux, longues voiles toutes blanchies, disent : « Gens du nord, bientôt l’hiver. »

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1951, j’ai vingt ans. Ici, une adèloise inouïe, fille cultivée d’un vieux médecin de la place, la célibataire Pauline Rochon anime le village. Peut-on imaginer un petit bourg du nord où il y a des concerts, un modeste salon du livre dans l’ex-boulingrin du Chantecler, des expos, des cours de peinture par Agnès Lefort, prestigieuse galeriste de la rue Sherbrooke, du théâtre par Fernand Doré et sa compagne, Charlotte Boisjoli, des conférences culturelles diverses ? Et… un atelier de céramique. Ma branche.

En ces années-là, tout en bas de la côte-Morin, dans une vieille maison à pignons (qui sera longtemps une crêperie bretonne), la « sur active » Pauline Rochon organise toute seule toutes ces activités. En est l’âme. Au printemps de 1951, j’ai un diplôme de céramiste tout neuf, un été de chômage et puis voilà qu’un poste de « prof de céramique » s’ouvre à ce prestigieux « Centre d’art » laurentien. J’accepte de m’exiler, heureux comme un roi.

VIVRE DANS UN ÉCURIE !

J’ai raconté l’échec dans mon bouquin, « Sainte-Adèle-la-vaisselle », ce drôle de séjour précaire, l’éloignement « premier » de ma petite patrie, l’absence de reconnaissance, le manque d’élèves, de matériel aussi, aussi, le métier de laveur de vaisselle à l’hôtel. Pour ne pas crever de faim. Je connaissais les Laurentides que par des excursions, le ski des collégiens du Grasset. À l’automne de 1951, c’était une vraie installation. Le proprio de l’hôtel, M. Thompson, offrait au Centre d’art de Pauline son écurie (devenue un entrepôt de chaises de soleil). C’est là que je m’installe donc -une première- loin du béton, du goudron, du ciment, de l’asphalte, des promiscuités des ruelles, des rues aux logements empilés les uns sur les autres. Adieu Villeray et ses escaliers en colimaçon !

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Une devinette. Indices : dès qu’on lui voit la binette, on l’aime. Il fut l’objet de bandes dessinés, de films. Animal bien mignon. Tant qu’on a pas eu affaire à lui concrètement, on ne se méfie pas. On a mal au cœur de tant en voir, ensanglantés, sur nos voies publiques.

Trop loin du mont Royal, dans Villeray, mon quartier d’enfance, jamais on n’en voyait… ni le bout de la queue ni le bout de son minois rigolo avec son masque -ce loup- tout noir. Vous devinez ? Installé en Laurentides, je fis connaissance intime avec lui : le raton-laveur. Racoon, dit l’anglo. Il n’est plus seulement l’amusante -rayée- boule bien fourrée, c’est aussi un vidangeur effronté. Déception car on aurait envie de le garder dans son jardin, un si joli chat sauvage ! Mais hier encore… chanterait Aznavour.

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Tu t’installes un beau printemps en Laurentides. Juin 1973. Tu plantes un mignon, « tout petit », sapin et voilà qu’il a grandi. Et très vite. Un joli moignon de verdure qui a maintenant plus de 30 ans. Te voilà pris à dévisager un « géant » vert. « Mon beau sapin » (chante-la ta chanson ), jadis un nain, est devenu un obstacle pour jouir de la vue sur le lac. Avoir su, je l’aurais planté dans une haie, pas au beau milieu du terrain. J’ai bien fait avec tant d’autres boutures.

L’ancien gamin de Villeray, moi, a vécu sans jamais voir un seul pin, pas même un modeste sapin, encore moins un mélèze. Tout n’était que macadam, asphalte,. Paysage familier des citadins en quartiers populaires. Dieu merci !, dans la cour un énorme peuplier. Il fut un refuge béni pour nos cabanes-de-Tarzan. Migrants en belle Laurentie, nous devenons comme fous des arbres. Ici, à Sainte-Adèle, il y avait trois arbres : un vieux saule proche du rivage, un très vieux pommier à la mi-terrain et, près de la galerie, un érable-à-giguère. Moi, l’homme-qui-plantait-des-arbres (salut Fred Bach !) s’en donna à « pelle que veux-tu. » Nous vivons désormais en une sorte de petit boisé. Le bonheur, sauf qu’il y a ce gros sapin cacheur de belle vue. Couper ? Interdiction, selon la municipalité. Quoi, il y avait trois arbres et il sont maintenant une quarantaine ! Séraphin grogne : « La loâ, c’é la loâ ! »

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Il pleuvait. Un samedi matin bien gris. Dans l’église, sur un podium, une urne. Funèbre. Dedans, Julien, un ami mort, un ami de jeunesse. Dernière rencontre. L’épousée, veuve, pleure. Ma compagne pleure. Je me retiens car « un homme » ne pleure pas, c’est tout entendu. J’ai mal, si mal pourtant.

J’assiste à l’enterrement d’une partie de mon passé, d’un temps révolu, celui d’une petite troupe de vaillants et preux mousquetaires quand nous avions vingt ans. Que nous étions excédés par une société puritaine, fragile, à l’identité incertaine « dans un pays incertain », cher Jacques Ferron. L’on s’agitait fort tous les quatre. Oui, quatre comme dans « Les trois mousquetaires. »

Michel, Roger, Guy et moi. Et, lui, dans une urne, Julien ? Lui, le cinquième membre, « à part », différent de nous les futurs artistes puisque Julien achevait ses études classiques lui, et s’en ira en droit, à l’université, lui. L’unique futur « professionnel » dans notre bande, resté fidèle malgré tout à ses camarades « les rêveurs ». Bravant nos parents anxieux : « Vous serez sans métier sérieux, vous vous préparez un avenir de misère ». Nous enragions puisque, c’est tout vu, nous allions transformer cette pseudo-culture niaise qui nous entourait, nous abrutissait, nous empoisonnait. Nous serions des Malraux, des Picasso québécois, c’était Borduas, « le congédié », qui avait raison, oui, oui, il fallait abattre toutes les cloisons et vivre libre !

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De 25 à 55 ans, j’ai vécu dans un quartier un peu bizarre. Pour m’accommoder en n’importe quoi, il n’y avait aucun magasin proche de chez moi, rien. Qu’un lotissement de bungalows et de cottages. Il fallait me rendre, en voiture, à un centre commercial -Salaberry dans Bordeaux. À 56 ans, déménageant rue Cherrier, durant une décennie, je fréquentais la rue Roy et de trop rares magasins à dimension humaine -un barbier, un cordonnier, une petite épicerie. Dix ans plus tard encore, à Outremont, je fais l’heureuse découverte d’une sorte de village-en-ville. Services de proximité et nombreux magasins « humains », rue Van Horne, rue Bernard et « chic » rue Laurier. Ma joie alors. Débarrassé de ce centre commercial où aucun marchand(e) ne vous accueille en ami, ne vous sourit, ne vous reconnaît, où l’on se sent un « étranger », un anonyme client.

Enfant, adolescent de Villeray, j’ai connu le monde des marchands humains. La vie chaleureuse. J’entends par là, des lieux où l’on a un nom, un visage reconnaissable, une personnalité. Rue Bélanger, rue Jean-Talon, les petits marchands nous parlaient, prenaient le temps d’échanger des propos -actualités chaudes, météo, la bonne santé.

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