Articles
Commentaires

Archives 'Sainte-Adèle'

Voici le printemps dans dix jours, voici venir le temps des fontes totales et dernières. Sans être obsédé d’ondinisme, avouer le plaisir à prendre d’aller voir l’eau filer, rugir ici, gémir là, courir à toue épouvante, se déchaîner. Aller voir les folles ,le excitées cascades en aval du Lac Raymond, celles Chemin du Mont Sauvage, au bord de la 117, ou derrière une jolie berge plus au nord, échevelé, folles.

Quelle chance nous avons par ici. Pas loin, proche de la Cabane à Eddy, grimper un peu, deux minutes, et découvrir ces flots rageurs, toute cette eau énervée. Le bonheur non ? Marcher à l’ouest de Mont Rolland et admirer les fous remous si vivants dans la Doncaster. Ou bien, rouer à l’est, y revoir les flots inouïs, panaches fantastiques, fluides du déchaînement proche de l’ex-usine Roland. Les oreilles bien remplies des vacarmes des fons, bruits de la délivrance finale. L’eau comme cri de liberté !

Oui, quelle chance. Tant d’endroits sur cette terre où les gens n’ont aucune chance de voir les eaux printanières s’écrier « vive la vie vive » et se jeter, les chevelures blanches dans l’air sur des lits de rochers inégaux. J’aime. Certes il y a l’inestimable Chute Montmorency (plus haut que le Niagara, mais oui) juste à l’est de Québec. Site désormais fort bien aménagé —avec pont, passerelle, parc, escalier— beauté rare qui fut peinte tant de fois par notre premier vrai artiste québécois, l’exilé allemand surdoué Cornélius Krieghoff !

Suite »

Comme toujours au temps des fêtes, j’ai débuté, un rituel, mon roman annuel. Après mon « Rire de Jésus », cette fois je suis plongé avec… Belzébuth, Lucifer et Satan ! Au début de l’été sortira donc en librairies « PAPA M’A DIT… « , titre de travail. Je raconterai mes frayeurs provoquées par les récits de papa ( un bonhomme bizarre) qui prenait plaisir à raconter ses « diableries ». Comme aujourd’hui avec certains films, les jeunes aiment avoir peur, j’aimais avoir peur, petit garçon. Est-ce que je lui dois ma vocation d’écrivain ? Sans doute.

Nageant dans mes souvenirs, j’ai un plaisir fou en faisant revivre ses chers voyantes tourmentées par le démon, ses mystiques stigmatisées, ses thaumaturges, du Frère André à Thérèse Neumann « qui saignait de partout tous les vendredis », me disait mon pieux papa. De Catherine Emmerich à cette « Madame Brault » de Pointe-Claire, dame dévote que le diable (« un affreux chien noir géant », disait papa !) jetait dans le fossé quand elle se rendait à son église !

Faisant revivre ce drôle de père, je me suis souvenu de sa « haine » des Laurentides, où il n’est jamais venu. Je ne sais trop pourquoi, vers 1940, 1945, la réputation « du Nord » grandissait. Tant que l’on se mit à réclamer que papa vendre son petit domaine (50 pieds par 300 pieds) pour « passer nos étés dans le Nord papa ! » Un lieu moins « commun », suggérait Germaine, un peu snob. Cela enrageait mon père qui appréciait tant son cher Pointe-Calumet où étant sans auto, il pouvait venir par train ou par bus. À chaque fois qu’on l’en implorait avec des « Achète donc un chalet dans l’nord, si-ou-pla, p »pa ! », c’était une occasion pour papa de peindre en noir les Laurentides.

Suite »

Me voilà, fin d’un jour, soleil timide et bas, en chemin pour l’Excelsior de l’obligeant Jacques Allard, sa baignoire d’eau « au brome », chauffée… bon, rue Henri-Dunant puis rue Archambault, juste avant de descendre vers le magasin de fer Théoret du Boulevard, à ce carrefour, un chat ! Puis deux, puis trois ! Diable, c’est le spot aux félins ma foi. Je ralentis et cherche des yeux la mère-Michelle de la comptine ! Quoi cela ? Tant de minous en ce secteur ? L’Hallow’een d’avance ! Rue Beauchamp, revenant de ma chère « École-des-p’tits-chefs » je vois souvent le vrai chat. Le simple chat. Celui de nos manuels scolaires de première année à l’image « chat ». Le blanc. Le banal. Ses taches noires aux pattes, au cou, sur la tête. Classique, universel chaton banal comme anonyme. Je le regarde gambader dans les parterres, autour des maisons. Le mage de l’innocence, de l’insouciance aussi car je sais qu’un jour je le verrai écrasé mort en pleine rue.
Mon bain dehors. Je fais la planche et nage « mode renverse ». Dernières saucettes en plein air, je le crains car les haies de l’Excelsior s’assombrissent. Cèdres ou sapins. J’aime, sur le dos dans l’eau, regarder le ciel et que vois-je, très haut, un oiseau de proie ? Rapace laurentien, croix noire planante au firmament. Pygargue, urubu, crécerelle, effraie des clochers (mots appris à une expo récente là-haut). Non, illusion, je regarde mieux : serai-ce une simple libellule et bien plus proche de mon nez que je crois ? Non plus. Ah !, un vrombissement se fait entendre, c’était un petit avion venant du nord, de type cessna. Comme les aéroplanes de mon enfance, années 1930, traversant le ciel de Villeray. Gamin, rêver d’y monter un jour.

Suite »

Le vieil homme qui se dit encore vert, hum, moi, s’arrache de sa couchette à la neuvième heure tous les matins.

À moins de pressantes affaires -le dentiste par exemple.

Après ?, la toilette. Après? Vite aller se procurer les « mauvaises » nouvelles du jour. Payer pour cette dope ! Mais si on veut rester bien informé pas vrai ? Ensuite, revenu de ma tabagie, sortir les céréales et des fruits (un matin sur deux) ou bien mettre l’Œuf dans le poêlon. Avec confiture sucrée ! Enfin, s’installer pour en apprendre plus long que le téléjournal. Des matins comme ceux tout le monde. Pour rédiger ma chère chronique mes gazettes ne me servent guère. Vous l’aurez remarqué : j’ai décidé de bavarder sur la vie ordinaire, ne plus m’exciter en polémiques rageuses. Par la fenêtre cinq (oui, 5 ) cardinaux ! Si rouges ! On avait mis la mangeoire. Avant-hier, au rivage, Raymonde a pu compter 44 canards ! Partent plus pour le sud, eux ? Restez, restez !

Ce lundi de cette semaine, roulant aux gazettes, de grands lambeaux de brume à l’horizon au delà de la rue Morin. Que c’est beau dans le ciel vers Sainte Marguerite ! Paysages brouillés d’un romantisme tout nordique. Me suis souvenu de photos brumeuses montrant en des contrées lointaines. Scandinavie, Finlande ? Où donc, Islande ? Mes lambeaux, longues voiles toutes blanchies, disent : « Gens du nord, bientôt l’hiver. »

Suite »

On s’excitait, on en revenait pas personne !

À New York, le prestigieux magazine « TIME », une publication lue dans le monde entier, offre à son immense lectorat un article élogieux et ilustrée sur… oui, sur Sainte-Adèle ! Raison de cette fantastique publicité ? Le village avait passé commande à un dessinateur-caricaturiste coté, qui habitait rue Blondin, le grand-nabot, Robert Lapalme. Il fit la maquette du tableau éléphantesque, toute la côte Morin de bas en haut, en murale inouïe, fresque de plein-air géante. Le romancier de « La pente douce » à Québec, Lemelin, courriériste au dit-magazine avait alerté ses patrons et on est venu voir ça, on a cru bon d’en révéler l’initiative aux centaines de millions d’amerloques. Imaginez la fierté laurentienne. La manne de touristes.

L’année d’avant, croyez-le ou non, j’avais eu ma « bine » dans un numéro du « Variety », autre magazine ultra tout puissant des USA. En vérité, j’étais pas seul avec ma binette, il y avait toute la troupe de Paul Buissonneau. « Variety » voulait faire les éloges de notre théâtre ambulant, « La Roulotte ». Qui était une idée de Claude Robillard, drôle d’ingénieur, cultivé, imaginatif, qui dirigeait le Service des terrains de jeux. Les fous de « baseball-et- hockey-only » enrageaient en découvrant les initiatives de Robillard. Voyez-vous ça ?, des cours de danse, de théâtre, de marionnettes, de musique. Et aussi de peinture, j’en fus le propagateur de 22 à 25 ans, trois ans pour les « p’tits pauvres » des centres récréatifs, de Pointe St-Charles en passant par le faubourg-à-mélasse. En 1955, j’organisais une première : toute La Galerie-12 du Musée des Beaux-arts, , avec l’accord du directeur fut consacrée aux barbouillages de mes « créateurs en culottes courtes ». C’est mon ami Lafortune -celui de la « petite maison dans la vallée »- qui fit les affiches.

Suite »

Chaque fois que nous parlons d’un disparu, il revit. Je parle souvent de mon père. Et de ma mère. Je veux vous parler de Françoise. De Françoise S., la « vieille fille » héritière d’un important bijoutier du Plateau. Elle était notre voisine immédiate. Dès notre installation en 1973, ce sera la découverte d’une voisine rêche, raide pimbêche sans aucune bonne façon. On prenait conscience Raymonde et moi, d’une voisine peu sociable qui ne sortait que…sur sa longue galerie d’en arrière.

Petit coup de tête à la nuque raidie, si je la saluais, moi, l’écrivain-commère. Méfiance ? Premier contact quand Raymonde osa déposer des quenouilles (arrachées d’un mini-marais qu’on a comblé depuis) sur le rebord de « son » muret : « Laissez pas ça là ! Ça pourrit ça et ça pue ! Ramassez ça et à la poubelle au plus sacrant ». Premières paroles de bienvenue quoi ! Sidérés nous étions. Plus tard, toujours de sa galerie, sa parole grièche, son ton surélevé :

« Y a votre chaloupe, là, vous l’attachez mal, elle traîne encore à mon rivage, alors, si-ou-pla hein ! »

C’est fou mais face à de telles gens, j’ai toujours comme le goût, le besoin instinctif de… conquérir. Je cherchais à « comment charmer cette sauvage Françoise un brin », comment l’amener à des rapports un peu plus aimables, entre voisins, c’est nécessaire, non ? Si je lui causais météo, juste pour parler, j’obtenais de sourds grognements, si je lui causas coût de la vie au village, des marmottages. Non, pas du tout envie chez ma voisine de tisser des liens.

Suite »

1951, j’ai vingt ans. Ici, une adèloise inouïe, fille cultivée d’un vieux médecin de la place, la célibataire Pauline Rochon anime le village. Peut-on imaginer un petit bourg du nord où il y a des concerts, un modeste salon du livre dans l’ex-boulingrin du Chantecler, des expos, des cours de peinture par Agnès Lefort, prestigieuse galeriste de la rue Sherbrooke, du théâtre par Fernand Doré et sa compagne, Charlotte Boisjoli, des conférences culturelles diverses ? Et… un atelier de céramique. Ma branche.

En ces années-là, tout en bas de la côte-Morin, dans une vieille maison à pignons (qui sera longtemps une crêperie bretonne), la « sur active » Pauline Rochon organise toute seule toutes ces activités. En est l’âme. Au printemps de 1951, j’ai un diplôme de céramiste tout neuf, un été de chômage et puis voilà qu’un poste de « prof de céramique » s’ouvre à ce prestigieux « Centre d’art » laurentien. J’accepte de m’exiler, heureux comme un roi.

VIVRE DANS UN ÉCURIE !

J’ai raconté l’échec dans mon bouquin, « Sainte-Adèle-la-vaisselle », ce drôle de séjour précaire, l’éloignement « premier » de ma petite patrie, l’absence de reconnaissance, le manque d’élèves, de matériel aussi, aussi, le métier de laveur de vaisselle à l’hôtel. Pour ne pas crever de faim. Je connaissais les Laurentides que par des excursions, le ski des collégiens du Grasset. À l’automne de 1951, c’était une vraie installation. Le proprio de l’hôtel, M. Thompson, offrait au Centre d’art de Pauline son écurie (devenue un entrepôt de chaises de soleil). C’est là que je m’installe donc -une première- loin du béton, du goudron, du ciment, de l’asphalte, des promiscuités des ruelles, des rues aux logements empilés les uns sur les autres. Adieu Villeray et ses escaliers en colimaçon !

Suite »

J’entre vite dans l’eau ce matin-là et bang ! Face à face avec six cannetons et leur moman ! On se regarde de part et d’autre. Personne ne bouge ! Bof, je retraite le premier et remonte sur ma rive. La sainte famille à palmes et à plumes repart. Sorte de promenade maritime matutinale ? J’observe cette famiglia qui contourne tout, quais, radeaux, petites baies, monticules gazonnés. Le surlendemain, ils y sont de nouveau ! Comique de les voir parader si calmement, si fièrement semble-t-il. La mother à long cou en avant ou, plus souvent, fermant la marche. Me voilà apaisé, tout réjoui par ce défilé de bernaches, images du bonheur champêtre. Mon Dieu que nos vies tiennent à peu de choses pour se transformer en paix et bonheur !

Entre-temps, le matin, sortie des vélos. Rituel pour moins de vingt kilomètres : partir tôt, ventre vide, de l’ex-gare de Ste-Marguerite Station, filer vers « Plein Air », le bistrot de « la belle mexicaine » à Val David. Un trajet d’une dizaine de tableaux naturalistes différents. D’abord, nord-est de Sainte-Ad, de la forêt. Dense. Un jour,on y vu gambader, traversant la piste, bon nombre de jeunes chevreuils, image à la sauce waltdisneyienne. Ombreux chemins et donc fraïcheur !

Suite »

Je vois son nom désormais, il a un chemin à son nom. Parler souvent de quelqu’un qui est mort c’est le faire revivre sans cesse. Roulant sur la 117 vers Saint-Jérôme, notre capitale (régionale), je vois des tentes, des ballons. Je songe aussitôt au gros party annuel de l’adélois Pierre Péladeau. Fête géante en été, qu’il aimait organiser pour « son monde ». Que de belles et bonnes heures passées là, au bord de la rivière, invité car « ancien » rédacteur. Comme René Lévesque, Marcel Dubé ou Bourgault etc.

Quand je lui dis à un de ces fameux pow-wows : « Pierre, vous ne craignez pas la construction de blocs de condos sur votre rivage d’en face ? Il rigole : « Non, aucun danger, j’ai pris des options sur tous les terrains de cette rive ! » J’entends encore l’éclat de ses rires, sorte de gloussements à l’étouffé, le rire des timides ?, en tous cas gargantuesques ! Je m’ennuie du bonhomme. Un sacré bonhomme.

J’ai connu ce diable d’homme, culotté courageux, affairiste audacieux, et malin. Rare chez les nôtres, un entreprenant sans vergogne, c’était au temps fou de la Crise d’octobre en 1970. Je me cherchais de l’espace pour chroniquer. Ayant quitté La Presse (1967), ensuite voyant agoniser Québec-Presse (1969) (les syndicats n’y croyaient, diminuaient le financement) et puis le Sept-Jours (1970),celui de Bernard Turcot, au bord de la faillite aussi, je souhaitais « le grand public ». Donc je visais le jeune quotidien de Pierre Péladeau.

Suite »

J’ÉCOUTE JASER LES GENS QUI ATTENDENT COMME MOI LES VENTES « DES DEVOIRS CULINAIRES ». ON S’INQUIÈTE : « ENCORE DES CHARS DE POLICE DANS NOTRE RUE ».

À les écouter ce n’est pas la première visite de nos constables en voiture au Sommet Bleu. À les entendre, il y a « du monde bien louche » dans leurs parages. Comme toujours, je lis. Ne capte que des bribes des conversations, assez pour saisir qu’il ne se passe jamais beaucoup de temps entre une arrivée des policiers et… une autre ! Comme tant de gens d’ici, j’ai déjà entendu la rumeur publique : « L’ancien village de Séraphin Poudrier est devenu une place-de-pègre ».

Hon ! Inflation verbale ? Comme on dit : « théorie de complot » ? Un loustic m’énumérant un lot de commerces : « Tout ça, mon cher, c’est la propriété d’une « famille de bandits » originaire de Saint-Henri ! » Ouen ! Tu me dis pas, chose ? Un hurluberlu en rajoute : « Si tu questionnes en haut lieu, tu sauras que la place icitte est infestée de dealers de drogues. Tu as bien vu, récemment, ces deux importantes descentes de police ? »

Suite »

Sharing Buttons by Linksku