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Claude Jasmin, écrivain

Poing comme net | blogue de Claude Jasmin

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« MON OCTOBRE 1970 » »

À STE-ADÈLE, UN VIEIL ANGE BOSSU !

16 décembre 2005 | 1-Tout, Contes, Poing-comme-net, contes de Noël

(Conte de Noël, lu à la radio à 8h. 10, le vendredi 16 décembre chez Paul Arcand) .
o Écouter le Conte de Noël - 2005 (mp3) 

1950. 24 décembre.

Venu du macadam de Villeray, me voici installé dans l’ex-écurie du « Chantecler Hotel », convertie en « Poterie d’art » avec si peu d’amateurs de céramique que, pour survivre, trois fois par jour, je lave la vaisselle salie du Chantecler. « Pas de sot métier, que de sottes gens ». C’est Noël demain, je demande un congé au chef de cuisine, monsieur Liorel : « Pas question, mon petit gars, trop de monde et gros réveilllon ce soir. »

Bon. La beauté de voir tous les « bogheis» attelés sortant de l’église, rue Lesage, messe de minuit dite, et s’en venant pour réveillonner. Clientèle de richards. Je dispose vite les plats pour les « waiters » énervés. Et, tard, quand la fête se termine, plus envie, personne, d’aller nous coucher.

Mon nouvel ami, un « saucier », Marcel- le-Marseillais, me dit : « Clau-de, si tu m’amenais voir les alentours sauvag-es ? La forêt canadien-ne ? » Je dis « oui ». Nous partons, bottes fourrées, vers un premier sentier en haut des côtes de ski.

Neige folle qui tourbillonne dans la nuit. Pas tous ces condos comme aujourd’hui, juste la forêt de sapins et de… beaux « bouleaux noères », comme dit Séraphin. « Dou-ce nuit, sain-te Nuit » : on fredonne l’air le Marseillais et moi. Comme bâtons de pèlerin, nous tenons ferme chacun un bâton de ski. Sous nos pas la neige craque. Du « Corn Flake ». Chaque fois que je change de sentier, les sapins secoués nous poudroient ! On a grimpé puis redescendu la montagne dite du Loup Garou. Loin, on voit l’église, les maisonnettes sur collines en lumignons vibrants. Véritable crèche à l’horizon. La beauté. Soudain, des traces. De quoi ? Raton laveur, vison, castor, martre, loutre ? On ne saura pas. Voici un rugissant ruisseau qui tournoie entre deux ravins : « Dans le Midi, nos, on appelle ça, des garrigues », dit Marcel ébloui. Qui donc ouvre tous ces étroits sentiers que nous escaladons ? C’’était avant « les motoneiges partout ».

Mon Marseillais s’accroche soudain : « Claud-de, Il y a une bêt-e, pas loin-g ? ». J’entends une sorte d’halètement, des mugissements. Marcel tremblote et de peur et de joie, excité. Qu’imagine-t-il ? Un renne, un caribou, un « élan d’Amérique », qu’on nomme « orignal », ou bien un ours polaire ? Les souffles de la bête invisible s’éloignent !

Le temps passe, j’ai perdu le nord : « Marcel ? Je ne sais plus du tout de quel côté aller ». Il rit nerveusement. Au firmament, la lune se fait abolir, nuées noires qui courent. Plus de ce réverbère au ciel. Une « Sainte nuit » inquiétante pour un gars de Villeray.

Marcel, crâneur, chantonne un cantique de Provence qui parle de « santons et de garrigues ». À mon tour je gueule: « Les anges dans nos campagnes/ont entonné l’hymne des cieux ». Cantique qu’il ne connaissait pas.
Soudain !, un large sentier, et, derrière un bouquet de sapins, une lueur ! Celle d’une cabane dans la nuit. « Regarde Clau-de, c’est habité, il y a une ombre mobile derrière les carreaux ! »

On y fonce. Un shack ! Un cabanon ! On cogne dans une fenêtre. Une sorte de géant aux cheveux gris ébouriffés, bossu, vêtu d’une camisole de laine, bretelles sur les hanches, vient nous ouvrir : « V’là du monde à c’t’heure de la nuitte ?

Où c’est que c’est que c’est… que vous vous en allez mes deux jeunes pardus bin raides ? » L’ermite a ouvert sa porte en la tenant à deux mains ! Pas de charnières ! Il la rajuste dans son cadre à grands coups de pied, rigolard. On entre, on dégèle un peu. Il ouvre une fiole de gros gin « De Keiper », nous en verse dans des gobelets rouillés.

Mon Marcel est rose de plaisir, devient « un ange dans nos campagnes » heureux : voir un vrai gars de chantier et dans une vraie « Cabane au Canada ». Le mythe français.

Antique radio grincheur sur tablette. Long poèle à bois, tortue. Étroit grabat dans un coin. Tuyau noire tournicotant au plafond. Chaises de babiche. Tête de chevreuil mal empaillé, les yeux grands ouverts à un mur. Une carabine. Deux raquettes à neige. Courte corde à linge garni de « chaussons » de laine, une chemise à carreaux, un sofa aux ressorts pendants.

Mon Marseillais aux anges dit son émerveillement. Avec son bel accent du Midi. Le gaillard crache alors heureux : « Ah bin, bout de viarge !, j’chus t’en face d’un gars de la Cannebière de Marseille, pas « creyable » !
Il dit se nommer Jack Barbeau, qu’on le baptise Bill Wabo mais qu’il a pas une goutte de sang-de-sauvage d’in veines ». Qu’il a été longtemps matelot sur des cargos, qu’il a connu Marseille en 1924, qu’il est né à Pointe-St-Charles, qu’il avait marié la boiteuse de Sainte-Adèle, qui est morte avec son premier bébé —« là, je me suis mis à « boère » comme un yable ! » Qu’il a fait mille métiers, mille misères. Les yeux dans l’eau, le gin vidé, il finit par se taire.

Marcel lui raconte la fin de l’ancienne Cannebière, lui dit « que Marius et Fanny » étaient bien morts et enterrés, que tout s’était modernisé, que le « FERRY BO-AT » de Pagnol était un « bac » ultra-rapide.

Silence !

Notre bonhomme décroche un vieux violon, nous joue en faussant « Les anges dans nos campagnes ». Marcel pleure de joie, parle de ses parents abandonnés, se mouche, finit par aller faire une accolade à bises farouche.
L’ermite recule de peur! En guise de réveillon, il offre des « bines au lard », des croûtons secs et déterre une grosse Black Horse chaude. Puis… me saisit les deux mains, yeux d’épagneul implorant :« J’suis un tout nu à c’t’heure, si vous pouviez me trouver une p’tite job à l’hôtel. Faut que je « gogne » un brin. Je sais toute faire, plomberie, électricité, n’importe quoi .» Je promet de parler au directeur, monsieur Marin.

Nous sommes redescendus tous les trois, Barbeau, nous guide, expert. La nuit se sauve et un soleil de Noël se montre timidement à la barre du jour.

Je regarde l’ermite dans la poudrerie matinale : un vieil ange-gardien bossu, si souple encore, avalant à grandes enjambées l’allée qui conduit au Chantecler. Mis au fait, le gérant Marin entraîna note vieil ange dans son cagibi du rez-de-chaussée, disant : « Barbeau, vous serez palefrenier, là-haut, derrière le curling .»

L’ermite bossu faisait le beau, tout content, il l’avait son cadeau de Noël. Il faisait jour, jour de Noël. Avant de rentrer au dortoir du quartier-général des employés, Marcel me serra dans ses bras : « Claud-de, c’est le plus beau réveillon de Noël de toute ma vie.

Je vais tout ra-conter ça à mes vieux là-bas. Je me suis senti comme en 1610, quand la colonie débutait. » J’ai marché vers mon ex-écurie plus bas.

Épuisé, je me suis jeté sur ma paillasse. Je me suis endormi au moment d’entendre des halètements, des mugissements : allais-je voir en rêve un ours ou l’orignal empaillé du bossu ?

Je m’endormis en balbutiant « Joyeux Noël, Joyeux Noël » pour mes amis perdus, dans Villeray.

Mots-clés: été, Canada, cuisine, fête, français, parents, radio, Sainte-Adèle, vieux, Villeray

2 réponses à “À STE-ADÈLE, UN VIEIL ANGE BOSSU !”

  1. 17 décembre 2005 1Pierre Simard

    Quel beau Conte de Noël que j’ai lus ici, Je vous souhaites à vous Monsieur Jasmin ainsi qu’a votre famille et à vos lecteurs et au webmestre de ce site, un très Joyeux Noël et une Bonne et Heureuse Année 2006.

  2. 21 février 2006 2Marecl

    j’ai adoré cette lecture monsieur Jasmin, elle me rappelle de beau souvenir inoubliable de ma de ma vielle époque oublié, qui hélas, c’est perdu au détriment de cette nouvelle société, qui semble vraiment mal en point.


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