LE CIRQUE DES MORTS ÉCORCHÉS !
16 mai 2007 | 1-Tout, Poing-comme-net
Surgissent désormais des millions et des millions d’écrivains « naturels » via les blogues, calpins-jouraux, sur internet ! Sacré retard car c’est les images qui triomphent partout. On a publié « La société de spectacle » -feu-Guy Debord) il y a longtemps, ce fut une sorte de prophétie. Suiveur, le théâtre actuel ne peut plus se passer de projections, des écrans. Mauvais signe. Les mots, la pensée, la parole ? Dépassé tout cela.
Robert Lepage de Québec, vanté, très louangé partout, fait appel constamment à de brillants effets scéniques visuels, à des gadgets et des fameux. Succès garanti. Voyez aussi le triomphe du Cirque du Soleil. Le cinéma et la télé sont encore « un peu » constitués par les images… et le son. N’importe qui peut constater que « la parole » donc la pensée, se glisse très souvent à un rang secondaire. Les modernes effets visuels s’en mêlent, et pas seulement pour les sujets d’anticipation, « gothiques », « fantastique ».
Si vous lisez un scénario actuel ce sera la découverte de pages entières où l’on décrit « ce qu’il y a « à faire voir ». À montrer hors d’un maigre dialogue. Ainsi va le monde du spectacle. Ainsi le veut le grand public ? Se gaver d’illustrations ? Comme dans les « comics strips » des petits enfants. Régression ? Infantilisation ? Puérilisme ? Oui. Adieu Jean Racine, adieu Paul Claudel ou les grands classiques grecs ou russes ! Vieux schnok que je suis ?
Des résistants -« des réactionnaires », bien entendu- s’attirant des petits publics en osant faire fi du règne des images, ils sont des groupuscules de nostalgiques de la parole écrite puis récitée, cela hors les grands moyens scénographiques et ces sempiternels écrans. C’est qu’il y a -ça n’est pas dit- l’envie de gagner l’univers. Pour ce faire, il y a d’abord la langue étatsunienne, passe-partout efficace. Voyez certains neufs romans québécois avec des prénoms in english, des situations se déroulant aux USA, mode qui crie : « Oyez USA, je suis à vendre ! »
Et il y a le cirque. Sans un seul mot, une idée profonde, une réflexion humaine. Plein de nos Guy Caron, ou Laliberté qui décidaient : « fuck notre langue et notre culture à faire vivre, plus un mot en français, que des acrobates ! » Abolissons les satanées barrières linguistiques. Le monde entier applaudira des « performers » et à nous Las Vegas, Paris ou Los Angeles, Prague ou Moscou ! On recrute souvent en pays pauvres -Chine, Inde, pays de l’Est- des gymnastes brillants. Et pas trop cher. Place aux images ! Inventeurs de costumes inouïs, d’ambiances sophistiquées aux éclairages étonnants, passez à nos bureaux rue Jarry-est.
Écrivains, dramaturges en puissance ?…Euh, allez donc bloguer ailleurs ! On va attendre longtemps pour un nouveau Pierre Corneille ! Ou un nouveau Gélinas, Dubé, Tremblay, Bouchard. Ou, aux USA, un Faulkner, un Miller, un Tennessee William. Dans le monde entier les jeunes se ruent aux jeux électroniques, à toutes ces manettes à boutons C’est le « vite, vitre, vite » et, grandis, ils iront voir ce cinéma au cinétisme trépidant. En vidéo ou en DVD. Penser, s’émouvoir en humanisme ? Non merci. Cirque-et-électronique dominent partout. Oui, mon pauvre William Shakespeare, en dehors de tout langage humain.
Examinez la presse: de joyeux petits carreaux colorés avec textes d’une brièveté qui augmente sans cesse. Tenez, au milieu du « tout à l’image » et du « rien à la pensée », voici un embaumeur allemand avec son exposition « payante » de morts écorchées. M. Von Hagens fait partie de cette planète « visual only ». Interdit dans un pays civilisé, la France, ici, ses cadavres jouissent d’une énorme publicité. Mais cet embaumé au vernis-polymer -la plastination selon Gunther- qui joue au ballon ou aux échecs, cette femme enceinte montrant son fœtus dégoutèrent profondément une Nathalie Petrowski qui n’a rien d’une bégueule puritaine. Elle y voit, tiens, « une perte d’humanité ». Un correspondant, Serge Bourassa, écrit : « Payer pour s’instruire ? », et, « Sensationnalisme morbide », aussi : « Les donateurs savaient-ils bien le côté commercial ? », et, « que pensent les parents des donateurs volontaires ? ». Lui aussi ose parler d’éthique. Je dis, voici « un pic », un sommet douteux, de l’actuel monde-en-images », du spectacle contemporain. Je m’incline mais c’est pour vomir.