Mon cher Jacques Brel chante que… le ciel y est si bas qu’un canard s’est pendu… » Je revois mon canard solitaire, comme perdu, égaré, il rôde, plonge et replonge, disparaît parfois si longtemps sous l’onde… suicidaire ? La Florida —où ma fille Éliane s’en va hiverner— ne l’attire donc pas ?
À un de nos feux de feuilles mortes, visite du Souverain pontife chat (de ma voisine). La lourde bête me frôle : pas un seul regard, je l’appelle, ne se retournera pas d’une oreille ni d’une moustache; l’indifférence absolue. Cheminant lentement vers le vieux saule : noblesse ! Pas un chien au monde resterait aussi superbe, les chats sont des princes.
De sa petite rue St-Michel à Val David, mon fils Daniel n’est pas un indifférent et veille sur son géniteur. Le 10 novembre, cadeau d’anniversaire : bouquin du docteur Benetos, gériatre connu, 280 pages pour un « L’ABC DU CENTENAIRE », Laffont éditeur. J’y retrouve le menu connu : pas de tabac, pas d’alcool, faites de l’exercice et méfiez-vous des « recettes-miracles », aussi des gourous et autres gamiques en psycho-pop, enfin des substances « à la mode », chinoises, etc.
L’hérédité ? Lâchez tranquille « popa et moman » : que 20% en garanties et si tu fumes sans bouger, rivé aux écrans, oublie tes parents en grande santé ! La vitamine « D », oui, oui, mais le yaourt, surévalué dit Benetos. Le vin rouge?, oui. Le blanc, non ! Ni bières, ni alcools, du caca ! Du botox pour madame ? Pourquoi pas ? Du Viagra pour monsieur ? Oui si on a le coeur en forme ! Mais, avant tout : marcher, skier « à fond » et en collines, vélocipédaler aussi, et « crawler ». Nager quoi ! Le gériatre de Nancy insiste : « Faites rire et riez. Le plus souvent possible. Fameux médicament, dit-il, et gratuit.
Oh : le bref récit de mon camarade Gilles Archambault, lu avant-hier, m’a fait éclater en sanglot dès la page 35. Des deux d’un vieux couple uni, « celui qui reste…vit en enfer », chantait Brel, encore lui, l’immortel. Déception : je reste de glace en lisant ( Prix Renaudot!) la vie de Édouard… « Limonov », signé Carrère. Assommant. D’un ennui grave, Carrère, « fils de famille parisien », s’entiche d’un déboussolé né en Ukraine, filant à Moscou. Une gouape. Ganache à grands coups de gueule d’anarcho-fasciste. Bien long récit (Moscou, New York, Paris) avec du« name droping » éhonté. Potinage mondain. La critique (ici et ailleurs) ? Bien complaisance.
Je rentre maintenant —800 pages— dans une autre vie racontée. Celle de Gaston Miron, animateur —poète parfois—et infatigable prédicateur de notre liberté. Ça débute en Laurentides au temps de la Grande Crise mondiale ! Sainte Agathe commerce. Pierre Nepveu, le raconteur, se montre méticuleux, un travail d’obstiné, soucieux d’exactitude. Son vrai nom « Edgar Migneron » ! Eh oui !, des curés durs de la feuille allant vite en besogne. Sur sa stèle, vous verrez les noms de ses ancêtre tous analphabètes. Miron, laid, généreux, prophète, ex-religieux enseignant, nous parle encore : « il fait un temps de cheval gris qu’on ne vit plus/ il fait un temps de château très tard dans les braises/ il fait un temps de lune dans les sommeils lointains ». Je suis à la page 40, j’ai le temps.
* (Gilles Archambault: « Qui de nous deux », récit, 120 pages, Boréal)
Bonjour M. Jasmin,
Brel dans sa chanson « le Plat pays » ne mentionne pas le « canard» mais bien le «canal » qui s’est «perdu» puis «pendu».
MERCI ET MES EXCUSES. C’EST ÇA ËTRE UN « DUR DE LA FEULLE » ET QUI ENTENDRA « CANARD » QUAND ON CHANTE « CANAL ».
Pitié pour l’handicapé de l’ouie !
C.J.
Je voulais le souligner aussi mais je trouvais que canard c’ était pas mal non plus. et plausible. Pendu dans un piège à ours, c’ est original.
L.L. Scorpion comme vous ( 16 ) et ascendant contemplatif de cette vie qui n’ en fini plus, surtout vers la fin. Pure bonheur d’ éxister.
Handicapé de l’ouie, peut-être..? mes pas de vos « pensées « ….
synonymes : Idée-opinion-imagination-réflexion-JUGEMENT
Questions sans réponse nécessaire :
Pourquoi donc cet attachement aux ex-écrivains et aux ex-chanteurs ? Pourquoi donc n’ouvre-t-on pas toute large la porte aux écrivains qui essaient de redonner ses lettres de noblesse à une forme oubliée de la langue, dont la fable ? Pourquoi donc lire et relire les livres d’hier (si bons soient-ils) alors qu’il y a tant de nouveaux auteurs qui n’ont de visibilité que celle qu’ils se forgent à force de bras ?
Il pleut. Il fait froid. Un bruit familier me fait lever la tête.
Aux dynamiques cris répétés d’un voilier d’outardes retardataires, je lève les yeux, je souris et je comprends: quand on est en route, hier ne compte plus, ce qui compte, c’est l’espoir d’un demain qui donnera les fruits de la présente récolte et des suivantes …