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L'un des auteurs québécois parmi les plus connus, Claude Jasmin est (ou a été) céramiste, acteur, marionnettiste, critique d'art, professeur d'histoire de l'art (moderne), pamphlétaire, chroniqueur de radio et de télé, peintre (aquarelliste), illustrateur, scénographe de télévision, etc.

Photo Éliane Jasmin

Claude Jasmin fait tout d'abord des textes dramatiques pour la radio, puis pour la télé et pour le cinéma. Il a fait beaucoup de journalisme et il publie un livre nouveau chaque année. Depuis 1960, Jasmin a donc publié plus d'une cinquantaine de livres, des romans et des récits surtout.

Jasmin poursuit encore et toujours l'expérience d'écrire avec ses journaux intimes chaque semaine en publiant depuis plus de sept ans un blogue (carnet) dans son site Web . On trouve ici son avis, ses opinions sur les actualités, des critiques de spectacles, de théâtre, de films ou de télé. En somme, il raconte son quotidien. Il parle de lui mais aussi des autres. Jasmin ne laisse personne indifférent, admirateurs ou contempteurs.

Ici, un grand nombre de textes publiés au fur et mesure: lettres ouvertes, projets de romans, humeurs, portraits, extraits... Voici un raccourci vers la liste de tous les textes publiés dans ce site Web. Vous pouvez aussi laisser traces, les commentaires sur les textes de Jasmin sont acceptés et publiés en autant qu'ils s'en tiennent au sujet et demeurent respectueux.

De passage sur cette page ou de retour, pour le plaisir ou pour le travail (l'école), bonne lecture et bonnes découvertes!

1-Tout | 21 janvier 2011

VU EN BAS DE LA CÔTE MORIN, FALARDEAU !

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Il est vivant ! « Z » écrivait sur les murs l’ insoumis en Grèce sous les colonels-dictacteurs. Ah oui, rue Valiquette,  « Z » à Pierre Falardeau, la grande gueule, le perpétuel militant nationaliste,  enthousiaste et entraînant. Le cinéaste révolté, l’homme sans langue de bois, l’homme détestant la rectitude des hypocrites. Allez-y vite, car, oui, on peut le revoir vivre. Il est invité en images bien rythmées, rue Valiquette, dans une des salles de notre ami Tom Farmanian.

Ce  n’est pas un film cul-cul-la-praline, l’équipe  du long-métrage a rassemblé des tas de pellicules et de ruban-vidéo et en a fait une formidable courtepointe vivante, chaleureuse, sensible, douloureuse, aussi. Dépêchez-vous d’aller le saluer, ami lecteurs, de rendre hommage à un homme libre, aussi un  gaillard parfois très effronté et qui, à l’occasion, sacrait pour rien. C’était plus fort que lui, ex-p’tit gamin pauvre de St Henri-les-Tanneries.

Je vous en prie, je vous en supplie, amenez-y vos jeunes. Qu’ils sachent qui a été celui à qui, un jour, on dédiera une salle de cinéma. Ou un pont ! Ni Champlain, ni Jacques Cartier ne furent des ponts, n’est-ce pas ? Vous serez fascinés comme moi —et amusés aussi— de voir nos grands questionneurs à l’ouvrage pour lui percer la carapace au Pierre—Grande—Gueule.  Le Richard Martineau qui se fait rabrouer et raide et qui en restera muet, désarçonné. Ma chère Denise Bombardier tentant de rapporter la honte de maman-Falardeau qu’elle dit avoir rencontrée, le cinéaste de « 13 FÉVRIER 1837 », rigole et la traite de menteuse. Voyez aussi mon cher Paul Arcand qui ose: « Ce personnage que vous jouez… », Falardeau éclate d’indignation. Enfin, voyez madame Péladeau, Julie (co-financière du film courageux , qui s’écroule de surprise entendant Pierre-le-culotté avouer : « J’suis venu ici pour le fric à gagner facile. » Le sommet de ce court bloc-entrevues ? L’illustre Bernard Pivot —Apostrophes— voyant le mépris du pusillanime, archi prudent et carriériste J. Gobbout, lira alors un solide texte de Pierre et s’en épatera. Un extrait de « La liberté n’est juste pas une marque de Yogourt. »

Il nous est permis aussi, rue Valiquette, d’entrer chez lui. D’admirer sa jolie épouse ( sa collaboratrice souvent), ses trois beaux enfants— Jérémie qui pleure sachant le cancer s’attaquant à son père—, lui, Pierre, en marcheur à bâton, en skis, bref, de voir un homme qui avait sa vie ordinaire comme tous et chacun. À mon avis, ses parodies du pénible colonisé d’ici avec son « Elvis Gratton », n’aidaient pas la désaliénation collective, trop exagérée, nos colonisés ne s’y identifiaient nullement. Mais on voit la belle Céline Dion en avion, avec René Angélil, qui nous révèle qu’elle en rigole et volontiers. Un sacré bon moment de cinéma. Une histoire extrêmement triste à la fin, mourir à 62 ans, mourir avant d’avoir vu naître ce pays pour lequel il se battait sans cesse.

Lettres ouvertes | 14 janvier 2011

LETTRE OUVERTE À CHRISTINE (MINISTRE À QUÉBEC)

Vite un changement à la Place Bonaventure pour ce « Salon du livre ». Une foire commerciale banale. Une tricherie : avec l’argent public ce « Salon annuel » vole nos libraires. L’inamovible directrice, madame Blois, une excellente organisatrice, devrait changer la formule désormais et organiser un « salon de la littérature ». Le salon du livre est une nullité pour le monde littéraire et les subventions de Christine St Pierre participent à une entreprise avant tout commerciale. Ce n’est pas le rôle de l’État. Place au changement pour novembre 2011. C’est urgent. Changeons les « vieilles » règles de ce « vieux » Salon. Il ne profite qu’aux livres « à succès », livres qui n’ont aucun besoin du Salon.Les associations d’écrivains, de libraires, d’éditeurs doivent s’unir et faire cesser cette foire cheap d’un mercantilisme primaire.

« Le Salon du ivre » prive nos libraires de revenus essentiels à chaque début d’époque des Fêtes. Les best-sellers, biographies de vedettes, livres de recettes en cuisine ou en santé, les « hits » de Paris ou, traduits, de New York, font sonner les caisses, Place Bonaventure. Mais on y invite un millier d’écrivains (ou presque) pour les abandonner. On y voit cinq ou six très longues files d’acheteurs, on y voit neuf cents quatre vingt écrivains ignorés, laissés à eux-mêmes dans des kiosques déserts.

Ce Salon est devenu un business subventionné. Les écrivains véritables ont besoin d’un vrai salon littéraire. Qui attirera moins de foules, et puis après ? Un Salon utile aux écrivains s’impose, consacré à la littérature, celle d’ici et de partout dans le monde. Futile d’éclairer les déjà très éclairés, paresseux cela de sur- publiciser les « gloriolés » du moment : ces confessions d’une vieille chanteuse, récits des forfaits de la mafia, la bio d’un hockeyeur retraité, d’un célèbre ex-politicien. On pourrait constituer un assez bon public. Avec des animateurs, des metteurs-en-scène, des comédiennes et des comédiens du théâtre, de la télé, du cinéma pour rendre captivantes leurs performances, évidemment reliées aux poèmes, romans, récits, etc. Ainsi fin du vol des libraires. Qui voudra m’appuyer, éditeurs, auteurs, libraires ? Et un public assez cultivé pour apprécier les littératures du monde francophone. L’État n’a pas d’affaires… dans les magasins ! Je serais disposé à travailler bénévolement à un tel vrai salon du livre. Je vais guetter les réactions.

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1-Tout, Poing-comme-net | 14 janvier 2011

LE SANG COULE…

Social Buttons by LinkskuPour une distraction, depuis longtemps, plein de gens lisent du roman policier, des « polars ». Quand j’étais plus jeune du prolifique (six par année !) Georges Simenon et son sympathique et goguenard et brillant « inspecteur Maigret », si placide. Dans les années 1980, j’en ai publié cinq ou six avec mon Maigret à moi, [...]

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1-Tout, Souvenirs | 12 janvier 2011

« LES MENSONGES QUE MON PÈRE CONTAIT »

Mon titre est aussi celui d’un film que je n’oublierai jamais tant il m’avait ému. Il raconte l’existence précaire d’un pauvre regrattier —guenillou— vue par son petit-fils, rue Saint Urbain à Montréal. Ce « Lies my father told me », louez-le, voyez-le sur le web, est signé, Ted Allen. Comme à chaque fin d’hiver j’ai terminé —un rituel— mon roman annuel. Je m’étais plongé en enfer, chez Belzébuth, Lucifer et Satan. En fin d’été paraîtra donc « Papamadi », mon titre de travail où je raconte les frayeurs enfantines causées par les récits de mon papa. Père très pieux et prenant plaisir à me raconter le mode des voyantes, des stigmatisées et autres mystiques ! Frissons !

De nos jours, les jeunes aiment toujours avoir peur. Dans mon temps aussi. Mais pas trop ! J’aimais ses récits de démonologie candide, ce monde tourmenté, pas loin de Sainte Adèle, à Chertsey. Ou à Pointe Claire quand un grand chien noir attaquait à la porte de l’église ! J’en dormais mal souvent… mon Dieu, un ami dit : « C’est à lui, drôle de père, que tu dois cette vocation d’écrivain ? » Ah bon !

Rédigeant cette ténébreuse part de mes souvenirs, j’ai pris un plaisir fou. Faire revivre par exemple Melle Curotte, ici, dans le nord ou cette madame Brault aux rives du Lac Saint-Louis. Que de pieuses âmes violemment possédées du démon ! Ni ce saint « Frère André » —sa chapelle hantée par Lucifer,— ni Thérèse Neumann —saignante à flots les vendredis—, ni Catherine Emmerich —décrivant la Passion en langue Araméenne— n’avait de secrets pour le gamin que j’étais.

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LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES | 7 janvier 2011

CHANTER SAINTE ADÈLE ?

Le surdoué Luc Plamondon finira bien par nous chanter lu aussi. Il y a eu Ferland avec « À SAINTE ADÈLE P.Q. » mais, avant lui,il y a eu le grand Félix avec son train-fantôme qui roule en fou et où « il y avait « seulement un passager qui était le conducteur, tchou tchou… ». Ça tournait l’autre matin à la radio publique. Juste avant la voix divine de Monique Leyrac qu a eu un timbre si vibrant, j’écoute : « Pour cet amour qui vient de toi ». Frissons !

Clic, j’ai plongé. « Monsieur mon passé »… eh oui, encore et toujours. Image de la belle Leyrac qui, un jour, me saute dan les bras se laissant choir en souriant d’une des plateformes —trop haute— de mon décor inventé pour elle. L’idole au fond de mes bras, aïe ! Frissons, j’avais vingt-cinq ans. Cette plongée : me donne envie raconter comment Félix Leclerc était un joyeux drille. Aussi un sacré menteur. J’étais en réunion de production, nous attendions le poète qui résidait à Vaudreuil. Jacques Normand —animateur de « En habit du dimanche— me dit : « Ça peut être long, le problème avec notre gars né à La Tuque c’est-que-c’est… un très grand marcheur. Encore une fois, il sera venu à pied de son village, partant aux petites heures. » Je regarde Jacques Blouin le réalisateur et il opine du bonnet : « Eh oui, un grand marcheur ! Moi, je n’en reviens pas. Quand, enfin, s’amènera rue St Luc —devenue Maisonneuve— le troubadour bien-aimé, je le questionne : « Venir à pied ? De Vaudreuil ? » Lui : « Non, non, pas cette fois. J’avais une émission de radio à CKVL à Verdun ça fa que…j’ai marché ça à ici ».

Toute une trotte, me dis-je. La « répète » terminée, la scripte me dit : « Quel menteur, regarde dans la cour, c’est sa petite coccinelle que tu vois. »

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Souvenirs | 29 décembre 2010

C’EST DANS L’TEMPS DU JOUR DE L’AN !

Vient un temps dans une vie où l’on se dit : « j’ai donné ». Manquer de force avec l’âge ! Et alors c’est la fin des grands repas du Jour de l’An. Ne plus avoir l’énergie de réunir un clan, une tribu, toute une famiglia. Incapacité de monter une table à 20 couverts, ou même à 14 belles assiettes ! Ça y est, cette année plus personne dans notre salle à manger adèloise pour inaugurer l’an nouveau. Hélas ! J’en suis triste.

Pourtant il n’y avait que deux rejetons. Mais cela grandit vite. Une bru, un gendre et puis, vite, les enfants sont venus. Ensuite, ces petits-enfants grandissent et il y a l’amoureuse, l’amoureux. L’arbre s’ouvre. On en est fier et heureux. Viennent donc les enfants de vos enfants, ces chers petits-enfants grandis qui s’amènent, sont des jeunes gens avec « une blonde », un « chum » ! Mais… c’est pas long qu’il vous faut bien plus qu’une douzaine de chaises. Qu’il faut « coller » deux tables, prévoir une autre…au cas où. C’est fini. Fin de la bien grosse volaille, des pâtés viandeux, du très grand volume de canneberges, de la bûche pâtissière hénaurme, des beignes à la tonne, enfin des fioles de rouge en quantité, de la bonne bière en escalade !

Bref, il vient un temps du… « j’ai donné ». À tour des autres alors. Jacques Brel chante « Les vieux… », ils espèrent désormais être invités chez un des descendants !

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1-Tout, Souvenirs | 18 décembre 2010

CRÈCHE DE NOËL

Québécois, le christianisme fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. Enrageant pour qui ? Pour quelques militants « intégristes », irréligieux fanatiques. Bof, la caravane des croyants, comme celle des ex-croyants sensibles, se moquera de ces chiens hurleurs, non ? Catholiques québécois, sans honte niaise, résistons, levons-nous pour défendre notre héritage chrétien. Il y a bien plus laid, plus honteux, ailleurs dans le monde. Pour seul exemple, imaginez la douleur d’être descendants d’Allemands nazis, ou de Français collaborateurs volontiers du nazisme. Pas vrai ?

Comme tant des nôtres, je ne fréquente plus nos églises. Dans mon cas depuis un demi-siècle, ça empêche pas d’assumer notre passé religieux et même d’y conserver une nostalgie de bon aloi. On peut, sans adhérer à un dogme —à une gnose catho « romaine »—, d’apprécier des signes visibles de cet héritage. Ainsi, la crèche. J’y suis sensible à cette belle image d’un enfant-messie né dans une étable de Bethléem. Des savants chercheurs nous apprennent qu’il y a là une pure légende, comme un conte de fée. Ça se peut bien.

Une part de mythologie meuble toutes les religions, du prince indou, Bouddha, au cavalier militariste sanguinaire, le Jésus de l’Islam, Mahomet. L’être humain restera toujours sensible aux créations des grands poètes. Il m’arrive, ô Goethe, de croire à son diable Méphistophélès ( dans Faust !) et à son diabolique pacte signé de sang. Fou hein ?

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1-Tout, Lettres ouvertes | 11 décembre 2010

Prêtres pédophiles et diffamation malveillante

Lettre ouverte publiée dans La Presse, 11 décembre 2010

TOUTES LES SOUTANES DANS LE MÊME SAC ?

Les curés, les « frères », tous les ensoutanés de jadis : des pervers sexuels, pédophiles dangereux ? Bon, bon. Ça suffit les zélotes du fondamentaliste athéiste, chers anticléricalistes aveuglés, acharnés, repos ! La vérité : collectivement nous devons manifester aux enseignants de jadis une immense reconnaissance. En toute justice, sans aucune honte

Officiellement on fit qu’il y a eu 7 % de pédophiles, donc, il y a eu 93 % de prêtres et de religieux enseignants qui se sont dévoués généreusement à ce vaste ouvrage pédagogique, mal payés, sans vrai prestige le plus souvent. Certes avec plus ou moins de talent pédagogique. Ces innombrables vaillantes troupes d’hommes en soutanes sont ces temps-ci collectivement salies par ce malheureux 7 %. Le temps est donc venu de stopper la diffamation généralisée des enseignants religieux, une entreprise malveillante,un ouvrage maléfique, entretenu par certains laïcistes fanatiques.

Hélas, nous sommes nombreux à nous taire, intimidés par la mode du jour : le vice répandu partout. Allons. Plein de Québécois se taisent peureusement face à ce déferlement, à cette infâme généralisation.

Ce « tous les curés dans le même odieux sac » accable des gens âgés ayant consacré une vie en dévouement. Toute une existence à enseigner aux enfants du peuple Québécois, sans aucune discrimination. Je souhaite entendre, lire quelques témoignages de reconnaissance désormais. Innombrables sont ces anciens gamins qui ont une dette d’honneur envers des religieux enseignants, dont des pédagogues absolument merveilleux. Il faut les nommer. En toute justice. Il faudrait pour chaque mille dollars arrachés à une congrégation accusée, verser « neuf fois » cette somme, cela correspondrait en toute équité à ce 7% de vicelards versus ce 93 % d’intègres religieux.

Pour ma par je dis « merci » aux dévoués Clercs de Saint Viateur de ma « petite école », rue De Gaspé dans Villeray (frère Foisy, frère Carpentier, salut !); comme je dis « grand merci » aux Sulpiciens du collège Grasset (Père Amyot, père Legault, salut !) à Ahuntsic. J’invite mes compatriotes à ne plus se taire face à l’actuelle mode de déclamer : « Tous les ensoutanés furent d’horribles vicieux ! » Malgré notre très vive solidarité et sympathie aux malheureuses victimes du 7%, proclamons que ce 93 % du clergé enseignant formait une aide indispensable pour nous tous, écoliers des masses laborieuses. Osons nous lever pour les en remercier chaleureusement.

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1-Tout, LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES, Requiems, DEVOIR DE MÉMOIRE | 10 décembre 2010

LA MORT DE JEAN

Je le cherchais des yeux souvent dans les rues avoisinantes depuis qu’il me semblait… parti, j’éprouvais un certain malaise. Je l’aimais bien. Était-il déménagé du village. Où était-il rendu ? Je ne savais pas ce qui lui était arrivé. Je m’y étais attaché à Jean Mackay. C’était un beau grand géant. Cheveux frisés. Toujours bien droit malgré un canne à son flanc. Mon aîné de presque un douzaine d’années.

La première rencontre, il y a plusieurs années, fut si légère, ironique et cordial car il aimait rire, mon Jean. Il m’attaquait à chaque fortuite rencontre en rigolant : « Comment ça va m’sieur l’écrevisse ? » Son rire bien franc. C’était un gaillard qui me semblait en si bonne santé. Il allait mourir à 110 ans, que je me disais, et encore ! Le croisant à tel ou tel coin de rues, je lui criais très fort : « Salut mackaile, p’tit kapaille-black-eye ! », il sursautait chaque fois et puis riait. Me montrait sa canne brandi.

Rue Grignon, rue Grondin, rue Lesage ou dans la rue qui mène à l’église, nous aimions deviser sur tout et rien. Nos jacasseries étaient comme un prétexte, celui de palabrer sur les actualités chaudes, à l’ombre ou au soleil, été comme hiver. J’aimais ce Jean Mackay au tempérament optimiste, aux propos sages, amateur de gros bon sens. Au fond, nous ne savions rien de l’un et de l’autre, nous n’étions que deux silhouettes quasi anonymes et pourtant affectueuses. Sans raison claire, sans but précis. Une sorte d’amitié lâche, une entente qui ne servait à rien, la gratuité totale. Jean m’était devenu un instrument vivant, humain du mobilier de nos rues de Sainte-Adèle. Fou hein ? Il ne me qestionnait pas. Sur rien. Et moi de même. Deux adèlois libres.

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LES BELLES HISTOIRES LAURENTIENNES, Souvenirs | 3 décembre 2010

UN ERMITE DERRIÈRE LE VILLAGE ?

C’état une nuit du temps des Fêtes et, sans cesse, une neige folle tombait sur la forêt. Je ne savais plus où j’étais. J’avais suivi une pleine lune éclairant (mal) un mince sentier. Côté nord-ouest, derrière Sainte-Adèle-en-haut. Inquiétude grave et, soudain, l’espoir : une lueur ! Un abri ruiné ! Subitement, devant moi, un homme en combinaison-Penmann-95 ! Le Bill Wabo à Séraphin ?

Une lampe à l’huile éclairait sa masure. Cheveux gris hirsutes, ce hobo me souriait avec ses dents cassés. Un regard de fouine, un Ovila des Caleb, sa virile beauté, un Roy Dupuis et de bien bonne humeur : « Quoi quoi ? Écartés ? Vous êtes pardus ? » Il riait et nous invita à entrer, moi et mon compagnon. J’en revenais pas, la bouche ouverte, en plein bois, un être humain si isolé ! Marcel, mon compagnon d’escapade nocturne, le saucier pour le chef Liorel au Chantecler, venait de Marseile et, inquiet, ravi aussi, enfin « la cabane au Canada ». On entra en nous secouant de toute cette neige. Le gaillard musclé nous offrit de son « p’tit blanc ». Alcool à 90%. Un peu de vin rouge dedans. Il sortit d’une armoire bancale deux gobelets d’étain. « Joyeux Noël, mes pardus écartés ! » Il riait : « Comment ça se fait-t-y donc que ça arrive qu’on s’écarte de mâme, bout de viarge ! » Buvait à grandes lampées. On le questionna : « Où sommes-nous ? Comment retrouver l’hôtel ? Par quel sentier, de quel côté nous orienter ? » Pas de réponse claire et il sortit d’une sac de l’armée usé, sa large harmonia, « mon ruine-babines » ! « Je m’en vas vous zigoner un cantique de mon répartoire, sacré baptème ! » Tapant du pied, fougueux, il exécuta une sorte de gigue païenne. Nous étions comme plongés dans « l’ancien temps ». Marcel-le-Marseillais buvait en grimaçant, parla d’une musique semblable venue de son enfance dans une campagne savoyarde. Moi, je jonglais à des joyeux tableaux du célèbre Krieghoff sur les calendrier de la Molson au dessus de la glacière rue Saint-Denis.

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